MALADIE D'AMOUR. C'est le titre qui court du troisième album d'un chanteur québécois, Jimmy Hunt. La traversée d'un monde aquatique plongé dans d'aimables ténèbres, l'exploration d'un système où nul souffle n'agite l'atmosphère, où l'ouïe, ce sens délicieux, déploie ses capacités, figurant des formes fantasmagoriques. Au mixage, un New Yorkais, Chris Moore, qui ne parle ni ne comprend le français. La voix du chanteur a donc été domptée comme si elle était un instrument de musique. Au diable ce qu'Hunt dit («Marie-Marthe, vieille conne, finalement, je suis ton ange, je pense à toi» Marie-Marthe), où en est le morceau («Nos corps tombent toujours/ Peu importe d'où on se lance», Nos corps), ce qu'il suggère («Un nouveau corps ce serait si beau/ Un nouveau sexe, une nouvelle peau/ Qu'il soit petit ou qu'il soit gros/ Un nouveau corps se serait si beau», Un nouveau corps), il faut que ça sonne, et ça sonne divinement. Les Québécois vivent un âge d'or de la chanson; c'est là-bas, à Montréal, que ça se passe. L'histoire s'en souviendra.
Lancées dans de méandreux préliminaires, caressantes sous des nuages de claviers, agitées par des solos de guitare, les chansons de Jimmy Hunt, animales et planantes, produisent une chaleur étonnante, elles palpitent, elles tremblent, elles rougissent, elles saignent. Insoucieuses et sans crainte, sûres de leur force, éléphantesques. «Emmène-moi au dessus du monde/ J'ai de fabuleuses érections/ Emmène-moi au dessus du monde/ Je suis aux commandes de tes seins ronds…» (Au-dessus du monde) Rare plaisir de les découvrir, puis de les réécouter, l'œil clos, l'oreille en éventail; d'en préliber les moites et suaves saveurs. Un disque d'amour, fou, follement accompli.
Baptiste Vignol