50-59 Du sang neuf

Les années 50 seront celles du vinyl, avec l'apparition du 25 cm pour remplacer les vieux (et lourds) 78 tours. Ainsi naîtra le marché du disque, qui croupit aujourd'hui. Ce seront aussi les années cabarets, celles des premiers hit-parades, des premières revues spécialisées (Music-Hall) et d'un jeune auteur-compositeur-interprète dont le génie, et l'humilité, marqueront à jamais la chanson française.
Voici donc 11 (pourquoi 11? parce que) disques essentiels pour dresser un tableau éloquent des années 50.



LE PETIT BONHEUR (1950) de Félix Leclerc. L'incontestable révolution du début de la décennie. Grâce à Félix Leclerc, la chanson va s'affranchir de Charles Trenet. Interprétés à la guitare, les refrains du Québécois connaissent un formidable succès. Le Petit bonheur, Bozo, Moi, mes souliers... Autant de références pour ces jeunes gens inconnus que sont alors Georges Brassens, Jacques Brel, Guy Béart...



RÉCITAL DE L'ÉTOILE (1952) de Charles Trenet. En 1952, Charles Trenet est (déjà) considéré comme le légendaire Fou chantant. Je chante, Y a d'la joie, Boum, La mer, Revoir Paris, La folle complainte, J'ai ta main, Douce France... l'ont pour toujours installé au panthéon de la chanson. Mais au théâtre de l'Étoile, Trenet présente ses dernières créations. Encore des classiques ! L'âme des poètes, Mes jeunes années, Le serpent Python, Mon vieux ciné... Fabuleux Charles Trenet qui disait écrire des chansons comme un pommier fait des pommes.



GEORGES BRASSENS CHANTE LES CHANSONS POÉTIQUES (ET SOUVENT PAILLARDES) DE GEORGES BRASSENS (1952) de Georges Brassens. Éduqué au Trenet, libéré par Leclerc, encouragé par Patachou, Georges Brassens devient en un seul disque le nouveau phénomène de la chanson. La mauvaise réputation, Le parapluie, Le gorille, La chasse aux papillons, Cornes d'auroch, Hécatombe... Jamais autant de chefs-d'œuvres n'avaient été réunis sur un seul et même album !



LE VENT (1953) de Georges Brassens. Un an après son premier essai, Brassens récidive... et ne faiblit pas. J'ai rendez-vous avec vous, Bancs publics, Brave Margot, La cane de Jeanne... Ahurissant. Une question se pose cependant: quand cessera de souffler l'ouragan Brassens ?



LES SABOTS D'HÉLÈNE (1954) de Georges Brassens. Intarrissable et toujours aussi génial, Brassens propose maintenant Les sabots d'Hélène, Chanson pour l'Auvergnat, Une jolie fleur, Je suis un voyou, La première fille, P... de toi. En moins de trois ans, et trois galettes seulement, il a signé plus de chefs-d'œuvres que n'importe quel autre confrère (mis à part Charles Trenet) en une carrière. Phénoménal.



ALORS RACONTE (1956) de Gilbert Bécaud. Mr 100 000 volts comme on le surnomme depuis son triomphe à l'Olympia en 1954, publie là son deuxième 25 cm. Il s'y révèle un mélodiste redoutable : Le pianiste de Varsovie, La corrida, Alors raconte (l'un des hits de l'année) et l'éternel Je t'appartiens que reprendront ensuite (Let it be me) les Everly Brothers, James Brown et Bob Dylan.



CHARLES AZNAVOUR (1956) de Charles Aznavour. Auteur à succès pour Juliette Gréco (Je hais les dimanches, 1951), Édith Piaf (Jezebel, 1951), Gilbert Bécaud (Viens, 1952; Mequé Mequé, 1953), il n'a pas encore réussi à imposer sa voix... Sur ma vie, une chanson sur l'amour physique (thème scandaleux à l'époque), va faire d'Aznavour une star de la chanson. Qu'il est toujours 55 ans (et une ribambelle de succès) plus tard. Éloquent.



L'EAU VIVE (1958) de Guy Béart. Ce deuxième 25cm de Béart contient quelques modèles d'écriture comme Vous, Poste restante, Moitié moi, moitié toi... Mais c'est L'eau vive qui va tout emporter. Pendant deux ans, de juin 58 à mai 1960, cette chanson oscillera entre la première et la vingtième place du hit-parade. Un record.



LA SERVANTE DU CHATEAU (1958) de Ricet Barrier. La gaudriole, la pièce rigolote, l'inspiration grivoise compose un genre d'autant plus respectable qu'elle est troussée avec tendresse. En la matière, Ricet Barrier est un maître. La servante du château, La java des Gaulois, Dolly 25, La dame de Ris-Orangis lui valent une reconnaissance immédiate et l'estime des Frères Jacques pour qui ce diseur à l'ancienne écrira une vingtaine de chansons formidables.



DU CHANT À LA UNE !... (1958) de Serge Gainsbourg. Premier album, premier chef-d'œuvre. Le poinçonneur des Lilas, La recette de l'amour fou, Douze belles dans la peau, Ce mortel ennui... Tout Gainsbourg est là. Brillant, hautain, moderne, éminemment original.



NUMÉRO 4 : LA VALSE (1959) de Jacques Brel. Une bête de scène doublée d'un admirable auteur-compositeur. Avec ce quatrième album, Jacques Brel fait dans la perfection. La valse à mille temps, Les flamandes, La tendresse... Et Ne me quitte pas, qui sera repris dans le monde entier par Frank Sinatra, Nina Simone et Ray Charles. Un standard.

Baptiste Vignol

Nouvelle vague

11 albums (pourquoi 11? parce que) par décennie pour se constituer la discothèque idéale, à l'heure où le CD se meurt. Et nous voilà déjà dans les années 60... Que chantait-on il y a cinquante ans, quand Johnny se trémoussait sur Souvenirs, souvenirs et qu'on passait doucement du 25cm au 33-tours ?
Voilà 11 joyaux à retenir :



LES FUNÉRAILLES D'ANTAN
(1960) de Georges Brassens. Le terme yé-yé n'était pas encore inventé, mais l'on s'agitait déjà au Golf Drouot. L'idole du moment s'appelait Sacha Distel. La chanson française se variétisait, mais Georges Brassens, comme à chaque fois qu'il publiait un nouveau disque, mettait tout le monde d'accord. Huit bijoux figurent sur ce 25 cm, dont un solitaire, L'Orage.



PANAME (1960) de Léo Ferré. Bien sûr, Léo Ferré a déjà enregistré La vie d'artiste (1953) et Monsieur William (1954). Mais il livre-là un recueil somptueux sur lequel on peut découvrir Paname, Merde à Vauban, Les poètes, Jolie môme (que Ferré hissera dans le hit-parade parmi les premiers succès des Chaussettes Noires, de Richard Anthony, de Johnny Hallyday) et l'incroyable Comme à Ostende ("On voyait les chevaux d'la mer / Qui fonçaient la tête la première / Et qui fracassaient leur crinière...") sur des paroles de Jean-Roger Caussimon. Un chef-d'œuvre.



LE CINÉMA (1962) de Claude Nougaro. Pour ses débuts, Claude Nougaro tire le gros lot : Le cinéma, Une petite fille, Le jazz et la java (initialement écrite pour Marcel Amont) et Les Don Juan ! Quatre classiques intemporels. Cécile, ma fille sortira quelques mois plus tard... Nougaro s'impose d'entrée comme une figure majeure de la chanson française.



N°2 (1965) de Barbara. Voilà 12 ans qu'elle a débuté à l'Écluse. Ses premiers enregistrements sont des reprises d'Yvette Guibert, de Georges Brassens et Jacques Brel. C'est avec cet opus de chansons originales, son deuxième (le premier contenait tout de même Dis, quand reviendras-tu?...), que Barbara devient une immense vedette. Et pour cause, Le mal de vivre, Gottingen, La solitude ou Une petite cantate la propulsent illico parmi les géants du Music-Hall.



POTEMKINE (1965) de Jean Ferrat. L'exemple type du chanteur dit "de qualité" apparu au début des années 60. Je ne chante pas pour passer le temps affirme-t-il sur cet album où il salue notamment les mutins du cuirassé Potemkine. Ferrat sera censuré mais sa chanson (Potemkine) atteindra la première place du hit-parade devant Michelle des Beatles ! À retenir encore C'est si peu dire que je t'aime et On ne voit pas le temps passer. Du sérieux.



MICHEL POLNAREFF (1966) de Michel Polnareff. Dès son premier 33 tours, il révolutionne la variété. Et n'a que 22 ans ! Formidable mélodiste, chanteur incomparable, Polnareff offusque la morale en déclamant crânement - deux ans avant mai 68 : "Il est des mots qu'on peut penser / Mais à pas dire en société / Moi je me fous de la société / J'aimerais simplement faire l'amour avec toi." (L'amour avec toi) Puis Love me, please love me, La poupée qui fait non, Sous quelle étoile suis-je né?... Le génie de la pop française.



LES PLAYBOYS (1966) de Jacques Dutronc. Un million d'exemplaires pour ce premier album. Les playboys, Les Cactus, Et moi et moi et moi, La fille du père Noël... Lanzmann-Dutronc à leur top. Pour des chansons qui n'ont pas pris une ride. Inimitable.



SUPPLIQUE POUR ÊTRE ENTERRÉ À LA PLAGE DE SÈTE (1966) de Georges Brassens. Le onzième ouvrage de Brassens contient l'une des chansons les plus impressionnantes qui soient (Supplique pour être enterré à la plage de Sète) plus un autre chef-d'œuvre : La non-demande en mariage. Assez pour figurer dans ce palmarès.



JULIEN CLERC (1968) de Julien Clerc. Incroyable comme le talent émergeait tôt à cette époque; les artistes atteignant l'eldorado dès leurs premières chevauchées. Porté par La cavalerie et sa formidable fraîcheur, ce 33 tours recèle d'autres trésors comme Ivanovitch ou Yann et les Dauphins. Ainsi surgissait à l'âge de 21 ans l'une des voix les plus singulières de la chanson française. Respect.



JE SUIS DIEU (1968) de Gérard Manset. Quel album choisir chez Manset? Peut-être le premier, pour son titre prophétique, et parce qu'il contient la chanson fondatrice de son œuvre, Animal on est mal. La vedette la plus culte, la plus mystérieuse, et l'une des plus intègres du paysage francophone.



LE MÉTÈQUE (1969) de Georges Moustaki. Dix ans après avoir écrit Milord pour Édith Piaf, Moustaki enregistre une chanson que vient de lui refuser Serge Reggiani, Le Métèque. Ce sera un triomphe (#1 du hit parade). L'album propose d'autres pépites comme Le temps de vivre, Joseph ou Ma solitude. Plusieurs disques suivront qui berceront les années 70-80 d'irrésistibles odes à la paresse...

Baptiste Vignol

Sous Pompidou, sous Giscard

Pour Daniela Lumbroso, présentatrice officielle des Victoires de la Musique, c'était quoi, les années 70 ? Les Gondoles à Venise ? Magnolias for ever ? Qui saura ? Le France ? Vanina ? Le Zizi ? Big Bisou ?
Les années 70, Daniela, c'est aussi ça :



AMOUR ANARCHIE
(1970) de Léo Ferré. Ce double album d'anthologie (Petite, Poètes vos papiers !, La "The Nana", La mémoire et la mer...) contient Avec le temps (parue initialement en 45 tours), second triomphe populaire de Léo Ferré après C'est extra, sorti quelques mois plus tôt. Transformé par Mai 68, le free jazz et la révolution pop, l'Anarchiste est devenu une idole. À 54 ans.



HISTOIRE DE MELODY NELSON (1971) de Serge Gainsbourg. Un album concept, parce qu'il raconte une histoire, celle d'une adolescente incarnée par Jane Birkin. "-Tu t'appelles comment? -Melody. -Melody comment? -Melody Nelson." Passé inaperçu lors de sa sortie, il marquera pourtant, et d'une empreinte indélébile, la Chanson française. Sublime.



LA QUESTION (1971) de Françoise Hardy. Un album sans âge, écrit et enregistré avec la musicienne brésilienne Tuca. Françoise Hardy quittait l'autoroute des sixties, et son statut d'icône yéyé, pour des chemins plus aventureux qui feront d'elle une référence absolue.



AMOUREUSE (1972) de Véronique Sanson. Une voix unique, des compositions lumineuses pour des chansons contemporaines. Ce premier disque est en fait le point de départ d'une ahurissante série d'albums (DE L'AUTRE CÔTÉ DE MON RÊVE, 1972; LE MAUDIT, 1974; VANCOUVER, 1976; HOLLYWOOD, 1977) qui coloreront la décennie.



FERNANDE (1972) de Georges Brassens. Fernande, La ballade des gens qui sont nés quelque part, Mourir pour des idées, Quatre-vingt-quinze pour cent, Le blason, Les passantes... Faut-il en rajouter ?



À BESANÇON (1974) de Jacques Bertin. L'enfance, la naissance du désir amoureux, la solitude, les affres du vieillissement, mais aussi l'engagement politique nourrissent l'œuvre de ce franc-tireur, poète épris de jazz, respecté par ses pairs, mais parfaitement ignoré des médias. Le sommet d'une discographie exemplaire.



LES MOTS BLEUS (1975) de Christophe. Le disque ovni des années 70. Une ouverture ébouriffante (Le dernier des Bevilacqua), des tubes imparables (Senorita, Les mots bleus), des chansons émouvantes (Drôle de vie, "Pourquoi faut-il cacher ses larmes quand on vieillit ?"). Un an après son formidable come back (LES PARADIS PERDUS), Christophe s'imposait définitivement comme le plus épatant des mélodistes français.



L'HOMME À TÊTE DE CHOU (1976) de Serge Gainsbourg. Nouvel album concept et disque préféré de Gainsbourg, dit-on. À l'instar de Melody Nelson, il faudra attendre plusieurs années pour que l'histoire de Marilou soit enfin reconnue et couverte de fleurs. Hypnotique.



JAMAIS CONTENT (1977) d'Alain Souchon. Alain Souchon et Laurent Voulzy avaient déjà signé J'ai dix ans en 1974, puis Bidon en 1976. Ils ajoutent là quatre classiques à leur escarcelle : Allo Maman bobo, Poulailler's song, Y a d'la rumba dans l'air et Jamais content. Prodigieux.



LES MARQUISES (1977) de Jacques Brel. Pour certains, le dernier très grand disque de chanson française. Un album magistral, porté par un interprète à bout de force. "Veux-tu que je te dise ? / Gémir n'est pas de mise / Aux Marquises." L'année suivante, Jacques Brel serait enterré dans le petit cimetière d'Atuona, à deux pas de Gauguin.



CHAMPAGNE POUR TOUT LE MONDE (1979) de Jacques Higelin. Dantesque, déjanté, rock et grandiose. Higelin rayonne, seul dans son royaume, et balance ses plus beaux morceaux : Champagne, Cayenne c'est fini, Tête en l'air, Dans mon aéroplane blindé... Du caviar.

Baptiste Vignol

Chansons 80

En ce mois de janvier 2010, pas inintéressant de lorgner trente ans en arrière pour isoler 11 albums de chanson (pourquoi 11? parce que) symboles, dans leur perfection, des années Mitterrand.
Cette décennie sera aussi la dernière du vinyl, et des pochettes de 33-tours pensées comme des œuvres porteuses de sens - ou de messages subliminaux, qui s'analysaient comme on interprète un tableau...



FERRAT 80 (1980) de Jean Ferrat. La pochette d'abord, où l'on voit le poète devant un incendie, illustration d'un monde en dangereuse mutation... Jean Ferrat était de retour, avec des chansons coups de poing (Le Bilan), charnelles (L'amour est cerise) ou grivoises (La bourrée des trois célibataires), écologiques (Mon pays était beau) quand ça n'était pas encore la mode, de circonstance (Chanter)... Deux millions d'exemplaires écoulés en quelques semaines. Engagé, humaniste, citoyen, Ferrat démontrait qu'il était (encore) le maître du genre.



O GRINGO (1980) de Bernard Lavilliers. La salsa, Stand the guetto, O Gringo... Quelques-uns des titres-phares du chanteur baroudeur (au sens littéral du terme, "Vous commencez à m'énerver. Et les baroudeurs comme moi, quand ils s'impatientent, leurs revolvers partent tout seuls" Alain Bosquet, Les Bonnes intentions) figurent sur ce 33-tours conçu entre New-York et la Jamaïque. Lavilliers attaquait la décennie affûté, sûr de son talent, le flingue à portée de main (posé dans la valise).



LE RETOUR DE GÉRARD LAMBERT (1981) de Renaud. Avec cet album (le 5ème dans sa discographie), Renaud continue d'imposer son personnage, celui du poteau, du grand frère, du loubard idéal. Dix chansons taillées au couteau, dont l'immense Manu. Avec le retour de Gérard Lambert, on assistait aussi à l'apparition du bandana, le fameux foulard rouge qui deviendrait l'indissociable accessoire du chanteur, comme la pipe pour Brassens.



SEPPUKU (1982) de Taxi Girl. Janvier 82, Taxi Girl publie son unique album. Un disque pionnier : la pochette, la façon de chanter (la voix blanche de Daniel Darc), le son, la production, les riffs de Mirwais... Un must de la new wave française. Et les critiques débattaient : Taxi Girl est-il rock ou pas? Vingt ans plus tard, Daniel Darc sortirait de l'enfer avec l'admirable CRÈVE-CŒUR (2004), tandis que Mirwais produirait Madonna. Pas mal.



BABY ALONE IN BABYLONE (1983) de Jane Birkin. Trois ans après leur rupture, Serge Gainsbourg, inconsolable, compose pour sa muse un album fascinant. Sûrement le dernier chef-d'œuvre du Monsieur. Qu'on en juge : Les dessous chics, Fuir le bonheur de peur qu'il ne se sauve ou Baby alone in Babylone ! Consécration pour Jane B., renversante d'émotion.



MORGANE DE TOI (1983) de Renaud. En août 1982, la naissance de sa fille va changer la vie de Renaud, épaissir son œuvre, consacrer son écriture, en même temps que Lolita semble l'assagir. N'a-t-il pas troqué son cuir contre un blouson en jean? Parce qu'il comprend cinq piliers du répertoire rénaldien (Dès que le vent soufflera, Morgane de toi, Deuxième génération, En cloque, Déserteur), MORGANE DE TOI est un album incontournable.



MISTRAL GAGNANT (1985) de Renaud. Jamais chanteur n'aura autant -et à lui-seul ! - symbolisé une époque. Avec MISTRAL GAGNANT, Renaud finit de sculpter sa légende. Après le loubard, le papa ébahi, voici l'homme, le père de famille, en proie à la mélancolie. Un album magnifique, dans la lignée du précédent, qui contient notamment l'une des dix plus belles réalisations de l'histoire de la chanson française : Mistral gagnant.



POP SATORI (1986) d'Étienne Daho. Deux ans après Week-end à Rome, Daho publie l'opus indispensable de la pop hexagonale. Tombé pour la France, Épaule Tattoo, Paris Le Flore, Duel au soleil... Que rajouter ? Des textes intelligents sur des musiques idéales. La jeunesse s'était trouvé une idole. Le meilleur des années FM. Quand on pouvait encore poser avec une cigarette...



THE NO COMPRENDO (1986) des Rita Mitsouko. L'album culte des Rita. À peine sortis de Marcia Baïla (#3 en juillet 85), Catherine Ringer et Fred Chichin revenaient sur les chapeaux de roue : Les histoires d'A., puis Andy avant C'est comme ça... La la la la. Une véritable usine à tubes. Inoxydable. La belle année 86 ! Si l'on excepte la défaite de la France en demi-finale (contre l'Allemagne forcément) du Mundial mexicain...



ULTRA MODERN SOLITUDE (1988) d'Alain Souchon. Il fallait qu'en 1988, Alain Souchon vienne sauver la Chanson de ses nouvelles têtes d'affiche (Patrick Bruel, Florent Pagny, François Feldman), histoire de rappeler que la variété peut ne pas manquer d'ambition, de poésie, de subtilité, d'humour et de rêverie. Toutes ces choses aussi mystérieuses que la beauté d'Ava Gardner...



CHEYENNE AUTUMN (1989) de Jean-Louis Murat. Plus rimbaldien (sur la pochette) que jamais, Jean-Louis Murat élève la chanson d'amour au rang des muses respectables. "Si je devais manquer de toi/ Mon vague à l'âme, mon poisson chat..." Un jour on entend ça à la radio et l'on se dit : "Bon sang, mais c'est bien sûr !" Un album d'une rare élégance, qui se révélera en outre libérateur pour Dominique Dalcan, Dominique A, Holden et ceatera.

Baptiste Vignol

La Chanson de l'année est...


Les NRJ Music Awards l'ont décrété, la Chanson francophone de l'année (vote du public) est... : L'Assasymphonie, de la comédie musicale "Mozart, l'Opéra rock". Un choix qui a le mérite d'être populaire. Car cette cérémonie, à la différence des Victoires de la Musique, n'a pas honte de l'être, populaire ! Si bien que des artistes aussi remarquables que Diam's, Robbie Williams, Beyoncé ou Lady Gaga aiment y participer. Cela fait au final 5 millions de téléspectateurs quand les Victoires (et leur sélection à la fois prétentieuse et incohérente : Murat, Brigitte Fontaine, JPNataf, Eiffel ou Diam's n'apparaissent pas dans la liste des prétendants au prochain palmarès, mais Grégoire, Johnny Hallyday et Pascal Obispo...) en réunissent à peine deux.
L'auteur de L'Assasymphonie s'appelle Vincent Baguian, trois albums à son actif, plus un Grand Prix de l'Académie Charles Cros. Récemment remercié par sa maison de disques, il a répondu à l'invitation de Dove Attia - qui lui ne manque pas de nez... - et cosigné quinze morceaux du livret de "Mozart". 350 000 disques plus tard, voilà un titre de Baguian "awardisé" par NRJ en direct sur TF1, lui, "l'écrivain de chansons" comme l'appelait Claude Nougaro ! Et ça n'est pas fini puisque l'on sait déjà que la tournée de "Mozart" sera l'un des triomphes de 2010 - tous les Zéniths sont complets et l'on rajoute des dates. De quoi faire naître quelques regrets aux benêts qui lui ont rendu son contrat, d'autant plus que Baguian est également l'éditeur de ses œuvres...
Maintenant qu'il a en partie gagné sa liberté, vivement qu'il se mette à l'écriture de son quatrième album ! En attendant, après Julien Baer et Emma Daumas, Vincent Baguian vient d'enregistrer une chanson pour le site "Dans les yeux d'Alain Delon.com". À découvrir ici :

À l'instar de Delon

En une phrase, de Nilda à Peyrac



N'est-il pas tentant de noter à quel point Les plages de l'Atlantique, le premier titre extrait du nouvel album de Nilda Fernandez, rappelle le Nicolas Peyrac période 75-77, quand sur des mélodies limpides et populaires, Nicolas Peyrac se singularisait par une écriture journalistique, encline au voyage, truffée de destinations plus élégantes qu'exotiques, quoi qu'aventureuses, le tout poussé par une vraie soif de liberté mais tempérée, au final, par la conscience d'un inéluctable retour ? Allez, on respire...

Baptiste Vignol

Les plages de l'Atlantique

Vive les professionnels de la profession


JP Nataf, Brigitte Fontaine, Jean-Louis Murat, Diam's, Eiffel, Miossec, même pas nominés aux Victoires de la Musique, mais BB Brunes, Grégoire, Pascal Obispo, Indochine, Johnny Hallyday... Mort de rire.

Baptiste Vignol

Back in the 90'

Après le florilège des années zéro paru récemment ci-dessous, voici 11 autres vieux albums essentiels (pourquoi 11? parce que) siglés fin de millénaire. Vive les années 90 !


TU M'AIMES-TU (1990) de Richard Desjardins. Un disque-balise écrit par un porte-parole majuscule de la chanson québécoise, digne héritier des poètes indépendantistes Félix Leclerc et Gilles Vigneault, délivreurs de conscience et d'identités. Quand ton corps touche, Nataq, ...Et j'ai couché dans mon char, chansons claires comme de l'eau. Sans parler de Tu m'aimes-tu ("Ton dos parfait comme un désert/ Quand la tempête a passé sur nos corps/ Un grain d'beauté où j'm'en vas boire..."), ni de Quand j'aime une fois j'aime pour toujours popularisée en France par Francis Cabrel. Avec Richard Desjardins, l'aube des années 90 prenait un timbre délicieusement rocailleux.



PARIS AILLEURS (1991) d'Étienne Daho. L'album new-yorkais de Daho, au meilleur de sa forme, lascif, noctambule, ambigu, up tempo. "Daho/ M'avez-vous déjà vu quelque part/ Rafraîchissez-moi donc la mémoire/ Extasié devant une toile de Wintzen à Rome/ Londres ou Rennes vous m'appeliez Étienne..." énonce-t-il dans Des attractions désastre. Une collec de tubes essentiel pour qui eut 20 ans cette décennie-là. "Et tu viens avec moi faire l'avion ?" Lumineux.



FOUS À LIER (1992) des Innocents. Quand la pop hexagonale n'avait pas à rougir face aux productions anglo-saxonnes. JP Nataf et Jean-Chistophe Urbain lâchaient là quelques bombes indémodables : L'autre Finistère, Un homme extraordinaire, Mon dernier soldat... Les Zinos étaient simplement le groupe français plus doué des années 90, et de loin. Victoire de la Musique, Bus d'acier, disque d'or, tournée à guichets fermés. Un triomphe.



C'EST DÉJÀ ÇA (1993) d'Alain Souchon. Forcément ! Comment un album contenant l'hymne de la décennie, Foule sentimentale, mais aussi, tenez-vous bien, L'amour à la machine, l'incisif C'est déjà ça, Les Regrets ou bien encore Sous les jupes des filles pourrait ne pas figurer dans ce Top 11 ?
Le chef-d'œuvre de Souchon. Qui nous ferait presque regretter les années Balladur.



LA MARMAILLE NUE (1993). Tout commença au Tourtour, petit théâtre parisien où chaque soir le public s'épaississait pour écouter en prière un rockeur âgé de 30 ans à la poésie disons impudique. Puis ce fut très vite le succès (disque d'or), les éloges critiques, la reconnaissance médiatique teintée d'une sincérité dérangeante. Ne serait-ce que pour C'est pas du gâteau, cet album mérite sa place dans la play list idéale des années 90.



PROSE COMBAT (1994) de MC Solaar. Un disque de rap parmi les plus beaux albums de la Variété ? Oui, car la diction de Solaar y est si fluide qu'elle en devient presque chantée. Rien n'est daté dans PROSE COMBAT, album truffé de tubes dont l'imparable Nouveau Western, qui s'appuie sur un sample du Bonnie & Clide de Gainsbourg. "On dit Gare au Gorille, mais gare à Gary Cooper..." Rimes, ironie, beat, vocabulaire, références, inspiration... Tout ici frôle la perfection. Un Everest, indépassable dans le genre.



BOIRE (1995) de Christophe Miossec. C'est avec BOIRE que Christophe Miossec s'est fait connaître comme on enfonce une porte. Écorché, de gauche et charnel, Miossec s'impose d'entrée avec un disque considéré comme l'élément fondateur d'une énième Nouvelle chanson française. Il y a du Brel chez Miossec : "Regarde un peu la France/ C'est magnifique, non, cette torpeur/ Tous ces anciens de l'adolescence..." La preuve qu'il n'y a pas plus de Nouvelle chanson française que d'humanité chez Éric Besson, mais une expression ancestrale en permanente évolution.



ÇA S'PEUT PAS (1996) de Clarika. En parlant de SNCF (de Soit-disant Nouvelle Chanson Française), on ne peut pas ignorer Clarika, la grande sœur des Elles, de la Grande Sophie, de Nina Morato - avant Camille, Jeanne Cherhal, Emily Loizeau, ces frondeuses qui, bien que peu exposées, drainent un public exigeant. Si chaque chanson de ÇA S'PEUT PAS mérite d'être écoutée, il en culmine une formidable... Ça faisait : "T'es beau comme garçon/ Mais y a tant d'air dans ta tête/ Qu'on peut y faire de l'avion, la la la la la" (T'es beau comme garçon). Souvenirs, souvenirs.



AU MILIEU DU GRAND NULLE PART (1997) de Pierre Schott. Dix morceaux magnifiques chantés par l'auteur-compositeur français le plus injustement méconnu. Contemplatif, nonchalant, mélancolique, apatride, cet album de Pierre Schott ne déparerait la discothèque d'aucun fan de Gérard Manset et/ou de J.J. Cale. "Des chansons en forme de chaise longue et des rêves de cambrousse intercontinentale" selon Pierre Schott lui-même. Indispensable.



FANTAISIE MILITAIRE (1998) d'Alain Bashung. S'il fallait n'en garder qu'un, serait-ce celui-là? Tout a été dit, écrit, disséqué sur FANTAISIE MILITAIRE. Mais c'est toujours la même émotion quand on le ré-écoute. Quelle chance ont ceux qui ne l'ont encore jamais entendu et vont le découvrir ! Adamantin.



MUSTANGO (1999) de Jean-Louis Murat. L'album américain du cul-terreux auvergnat. Dix ans après CHEYENNE AUTUMN, Murat prouve, s'il en était besoin, qu'il est bien le John McEnroe de la chanson made in France. Il écrit facile, joue facile, chante facile, d'une voix vaporeuse, érotique, et s'indigne (en promo) tout aussi tranquillement, sûr de son art, de son instinct. De l'interminable, mais ô combien envoûtant Nu dans la crevasse au mélodieux (voire folklorique) Mont Sans-Souci, tout incite à dire: Chapeau bas.

Baptiste Vignol