Le chanteur des hauts plateaux


Impossible, si l'on veut être sérieux, d'échapper au nouveau Murat quand le gars sort un disque. JLM fait partie des rares artistes qui survolent, d'un simple bond, le poulailler de la chanson française. La force de Murat, c'est que, même sans l'adorer, on ne peut qu'admirer son parcours, son opiniâtre détresse, et tomber sous le charme de sa voix. La plus belle du pays. Pensante. Et voluptueuse. Alors bien sûr certaines chansons de MORITURI s'égouttent, comme d'autres, quelque peu malmenées par un batteur tchouc tchouc tchouc qui semble tourner la mayonnaise. Mais écoutez La pharmacienne d'Yvetot ! «Sont-ce bien là raison ma mie… / Pour chialer dans la cuisine?» Partez en balade avec Le chant du coucou : «Je marchais vers les bruyères / Au loin guettait le taureau / Cornes prises dans la lumière...» C'est du Murat! Hors série. Plongez en France profonde maintenant, ouvrez les yeux, vous y verrez Tous mourus. «Le buraliste est cocu / Mais ça n'a rien à voir…» Laissez-vous prendre aussi, caresser, c'est Nuit sur l'Hymalaya: «Comment va la chose / Vers le ruisselet / Toujours le désir / À longue portée». LE MANTEAU DE PLUIE (1991) n'est pas loin. Tiens, la chanson suivante ressuscite Cathy, l'héroïne des Paradis perdus sur CHEYENNE AUTUMN (1989)! Tandis que Le cafard, lui, vous filera des frissons d'intelligence. Murat, quoi.

Baptiste Vignol

Katel épure


Élégie. Trois syllabes. Plainte et deuil. Pas très gai. Passons la pochette jaune Armstrong. Plate, elle affadit la robe jaune papillon que porte la dame dans le livret... Ce disque est un savon. S'en saisir, c'est pas de la tarte au citron. Mais il purifie les oreilles. N'écouter que Katel. Sa voix de feutre, ses inflexions. «Au large, au large, au large», largue-t-elle, dessinant de ses mots la présence glaciale de l'absence. «À l'aphélie», chante-t-elle par ailleurs, pour dire qu'elle s'éloigne du Soleil. De la chanson cométaire. Des paroles de cloitre et des musiques d'éther, réverbérantes. Ambiance «"Adieu" — "Adieu!" répliqua Écho...» (Ovide, Métamorphoses). On y entre à pas lents sous de longues et mélancoliques arcades. Car les chansons de Katel ne font pas de tralalas. Il faut se glisser dedans. Mais déjà le disque s'achève: «Ne parlez plus de ma peine / Ma peine a fait le tour de moi.» Le parcours de la peine chantait le roi Murat. Après la brume, la pluie. Vient ensuite l'éclaircie. Pure.

Baptiste Vignol

Biolay bande encore


Il y avait dans son tribute à Trenet sorti en 2015 tellement de respect pour l'œuvre en or massif du Fou chantant que son écoute passait. Quant à sa précédente production, LOVE SONGS (2013), double album pour Vanessa Paradis, elle n'avait plu qu'à moitié. Disque-fleuve? Disque-mare. Trop long. Son dernier enregistrement de chansons originales, VENGEANCE, qui datait de 2012, ayant, lui, carrément déçu. Mais comment éblouir après cet astre qu'était LA SUPERBE (2009)? Six ans déjà, et quelques mois, que ses fans espéraient pouvoir un jour revoir leur idole briller de tous ses feux. PALERMO HOLLYWOOD marque ce réveil triomphant. Des chansons pleines de pétards audacieux, de larmes et d'amour, de clins d'œil à Cloclo, à Miss Bliss, à Gainsbourg, des chansons savoureuses, vivantes, bien campées, qui consolent et favorisent aussi la circulation des rêves et des pensées. Ces chansons, surtout, regorgent de sensualité, l'appétit qui forge les Artistes.

Baptiste Vignol