Comme un gros plouf


Dommage d’être un compositeur aussi doué doté d’une belle voix claire et sûre et débiter des fadaises qui vous font passer au final pour un Michel Berger de poche. Entre rimes et jeux de mots poussifs («On a tous au fond du mental / Toutes ces choses fondamentales»...), thèmes éculés, textes inaboutis, fautes de goût et production pompière, les treize chansons vieillottes de LIBERTÉ CHÉRIE font ploum plouf tralala. Pourtant, quand on a la popularité du bassiste gaucher, trouver des paroliers qui visent juste ne devrait poser aucune difficulté ! Rappelons simplement que l'immense mérite de Julien Clerc fut de savoir s'entourer d'auteurs d'exception (Roda-Gil, Vallet, Dabadie, Le Forestier, Plamondon, McNeil, Hardy) dignes de son talent. Voilà qui ne semble pas être une préoccupation pour Calogero.

Baptiste Vignol

Petite Angèle


Se souvenir de Marka, chanteur belge qui connut en France un début de notoriété à la fin des années 90 grâce à deux albums (MERCI D'AVANCE, L'IDIOMATIC) tellement plus fins et mieux écrits que ce que proposait alors un autre débutant, Bénabar, lequel, bizarrement, malgré ses chansons muettes, sourdes, engourdies, sans verbe ni rien fut à l’époque sacré roi de la «nouvelle chanson française ». Hum. S’en souvenir aussi… Marka, donc, n'a pas fait que de chouettes chansons, il a aussi, avec la comédienne Laurence Bibot, des enfants pleins d'adresse. Si leur fils, Roméo Elvis, rappe – et c’est d'enfer, parait-il –, la cadette, Angèle, 21 ans (pour qui Marka avait écrit Angèle sur L'IDIOMATIC), surgit comme une bombe avec un tout premier single, La loi de Murphy, d’après la théorie de l’ingénieur américain selon lequel, en somme, le pire est toujours certain. On ne pourra qu’être charmé par le visage blond de la Bruxelloise (ces lèvres roses dans lesquelles tout tendron voudra bientôt mordre...) que sa voix de velours épais distingue illico. Quant au morceau, entre hip-hop et chanson bilingue, il décrit par le menu le type même d'une bonne «journée de merde», quand tout foire et va de travers. À chaque saison ses nouveautés. Si Fishback et Juliette Armanet, les dernières arrivées dans notre variété (mot subitement redevenu à la mode), sont hyper référencées (Sanson, Berger, les eighties), ce que semble vouloir proposer Angèle est tout neuf sous nos cieux. Cool, populaire et moderne, La loi de Murphy se clôt aussi sur une accablante réalité qui mine chaque jour des millions de citoyens « légers d’argent » comme le chantait Brassens, lorsque l’écran du distributeur te crache à la gueule: « Solde insuffisant ». Ce clin-d'œil fraternel pourrait bien lui ouvrir toutes les portes. De la chanson intelligente qui jamais ne se la pète.

Baptiste Vignol

Ignomineux



Regarde le sang couler sur la couve des Inrocks. Magazine de merde.

Baptiste Vignol


Bien avant l'heure des adieux


Sorti en février 2017, ce disque, d’une lucidité blanche, n’a pas suscité, malgré sa durable profondeur, l'attention qu'il méritait. Que faut-il donc pour qu’un album vif et généreux recueille le succès? Peut-être que son interprète soit (encore) assez à la mode pour obtenir une invitation chez Ruquier. Sur le plateau duquel défilent aussi des chanteurs de charme déclinants, qui attendent sagement, et en silence, devant une femme en pleurs rouée de reproches assassins, leur tour de servir, et en serrant les fesses, une soupe tiédasse aux téléspectateurs. « Faire un disque, c’est chercher une fraternité entre les gens » déclarait Raphaël dans L’Express le 27 septembre 2017. Et le vendre, c’est ne penser qu’à sa gueule, mec. Mais ce constat consternant n'est que le reflet d’une société définitivement individualiste. Ce que Kent dépeint parfaitement, et à pleine gorge, dans Si c’était à refaireL’amour est mort à la télévision / […] Alors on lui préfère les injures, les parjures, / Les blessures, les ruptures, / Les souillures et les caricatures…»). Si la chanson Éparpillé est un bel autoportrait («Des bouts de moi sont égarés / Dans des coins de vie détachés»), Un revenant, admirable description d’un homme ayant survécu à la barbarie, subjugue par sa finesse («La vie qui penche / Et tombe sur le trottoir / L’étonnement dans un dernier regard…»). Quant à La grande illusion, qui donne son titre au CD, elle frappe par son réalisme qui verse à cru sa morne clarté («Et puis nous irons chez toi faire l’amour / Au pied du lit dans le miroir / La cruauté de la lumière du jour / Nous jouera un porno blafard»)… Bref, dix chansons qui sonnent, délivrées d’une voix sans faille, que la réalisation de David Sztanke, alias Tahiti Boy, rend souvent épatantes.

Baptiste Vignol