Alma Forrer


« Entrée maladroite au milieu de la piste / Et celui que j’aimais déjà se désiste…» (Conquistadors) Les chansons romantiques d’Alma Forrer possèdent le charme incendiaire des premiers succès d'Etienne Daho, période POP SATORI. Ce serait gentil pour nos oreilles que les radios s'en rendent compte. Le 21 mai 2019, sur la scène de La Maroquinerie, la chanteuse fit une apparition pour accompagner à la guitare Baptiste W. Hamon. Ceux qui ne la connaissaient pas découvrirent une jeune femme à la présence indéniable, avec quelque chose dans son être de sensuel et d’animal dont elle donne l’air d’ignorer les effets. Une nonchalance dandy. «J’ai le diable au corps / Si tout s’effondre je suis d’accord / Je marche sur l’or / D’une rêverie...» On se souvient aussi que ce soir-là, parmi les musiciens du plus américanophile des songwriters français, elle irradiait comme un soleil à travers des mailles de brumes. D'une voix d'art et d'essai, dont le souffle clair imprime l'atmosphère, Alma Forrer propose sur SOLSTICE quatre balades mystérieuses, spleenétiques, envoutantes et sentimentales… « Je suis le secret espoir d’une passion violente...» (Je suis) Chansons d’une héroïne qui sait toucher les garçons. Album annoncé pour l'automne.

Baptiste Vignol


Alma Forrer et Baptiste W. Hamon le 21 mai 2019 à la Maroquinerie



Bloody Mary


SOLEIL, SOLEIL BLEU, son deuxième album, est à ce jour le plus beau de l’année. Son écriture au couteau, sa peinture au scalpel des émois amoureux, des déchirures éternelles, des chagrins dont on ne veut pas se défaire, auraient même, parait-il, pour certaines chansons, séduite Annie Ernaux. Ses musiques sont des mélopées qu’un soleil du Kansas empourpre en déclinant. Quant à la voix de Baptiste W. Hamon, elle couve une netteté aznavourienne. Ceux qui l’ont découvert à La Maroquinerie le 21 mai dernier ont eu le sentiment de vivre une soirée exceptionnelle, neuve, à part dans le monde désormais plaintif de la variété masculine. L’aisance américaine de Baptiste W. Hamon est une aubaine. Enfin un mec qui, parce qu’il chevauche seul son domaine  – et qu'il domine son sujet – pourrait se joindre à l’armada sauvage des Angèle, Aya Nakamura et Clara Luciani qui, sans prévenir personne, a mis en quelques mois la main sur la chanson française. En attendant la prochaine canicule, Baptiste W. Hamon vient de dégainer un clip, celui de Bloody Mary réalisé par l’hyper inventif Romain Winkler. Aussi torride et pimenté que le sont ses chansons. Avec ce grain d’humour qu’on lui trouve sur scène. Un pur cocktail. En playlist sur Inter.

Baptiste Vignol


Une étonnante clarté


« La corde à linge de mes cils / Pesante de gouttes à sécher… » (Ta fille) Dès la première plage de ce disque sorti en novembre 2018, Stéphanie Boulay impose sa poésie. Depuis combien d’années n’avait-on pas chanté la solitude avec autant de délicatesse? «Maman, tu sais, t’as fait ta fille / Pleine de défauts à cacher / Pleine de bobos à guérir…» Voilà une chanson rare. Aussi pure qu’un soleil naissant lorsqu’il couvre les champs d’une marée de clarté douce. Dans la chanson suivante, Des histoires qui ne seront jamais finies, la Québécoise parle du souvenir indélébile de certaines rencontres, lorsqu’elles se fixent en nous comme sur une plaque photographique. Le piège, troisième titre du CD, évoquant la nuit blanche et torride d’une passion citadine aussitôt éteinte (« J’espère que tu me pardonneras »), tandis que Je pourrai plus jamais zoome sur le chambardement que constitue l'arrivée d'un enfant dans nos vies de mères (et de pères) : «Ça me prendra du courage / Pour apprendre à être mieux que moi / A laisser passer les mirages / Et à m’oublier pour une fois». Les musiques automnales de Stéphanie Boulay possèdent l'indicible charme des folles complaintes qui floconnent et prennent la pâleur frissonnante d'une aube limpide. Sa voix regorge de frôlements doux. Et ses mots soulèvent la poussière en providentielles volutes. Rien d'étonnant alors à sentir sa poitrine se gonfler d’un sanglot long qui monte. Avec Printemps, l'auteure-compositrice-interprète s’inscrit parmi les sorcières de son temps, faisant de la solidarité féminine – « cette sororité que je vis encore davantage depuis #metoo » (Paroles et Musiques, 1er novembre 2018) – le cœur de ce recueil: « On sera douces comme le printemps / On sera vibrantes comme le dégel / On arrachera la peau du serpent / A la fois vulnérables et immortelles »… Les huit chansons cristallines de CE QUE JE TE DONNE NE DISPARAIT PAS luisent d'un reflet symbolique et bizarre. Comme chez Verlaine, l’atmosphère y est de perle et la mer d’or fané.

Baptiste Vignol