Du bonheur de se faire enc...

... en passant pour un fils de pute. (par Vincent Baguian)



Quand en haut lieu on se scandalise des mots supposés d’un footballeur énervé dans un vestiaire, on oublie un peu trop vite à mon goût que les actes ont plus de portée que les mots.
Peu m’importe qu’Anelka ait proposé à son entraîneur d’aller se faire sodomiser. Il paraît même que la pratique peut s’avérer agréable quand elle est administrée avec délicatesse. Et être le fils d’une prostituée n’a rien de déshonorant. Si j’avais à choisir, je préfèrerais sans hésiter être l’enfant d’une de ces dames dévouées corps et âme à l’amour tarifé qu’avoir à assumer aujourd’hui d’être né du ventre de Madame Roselyne Bachelot. L’immoralité me fait beaucoup plus honte quand elle est pratiquée avec sa tête qu’avec son cul.
Les retournements de vestes successifs de la ministre des sports en disent long sur son ambition personnelle, et sur rien d’autre. Un jour mielleuse à souhait devant les caméras (alors qu’elle est hébergée aux côtés des joueurs), elle s’affiche sans vergogne et sans pudeur comme la mère dévouée qui a su tirer des larmes aux bleus. Par son discours charismatique elle prétend avoir réussi à leur insuffler la fierté de représenter la France balle au pied. Grâce à elle, ils en auraient enfin pris conscience ? Dès le lendemain, infanticide, elle crucifie ses gosses chéris devant l’Assemblée Nationale; ceux là mêmes qu'elle défendait et nous demandait de tant aimer, sont devenus une bande de "caïds immatures". Beurk! L'opportunisme, c'est plus sale qu'un bidet après l'amour. Par cette stratégie, elle gagnait forcément. En cas de victoire des petits, elle apparaissait comme la sauveuse. Après la défaite de ce groupe indigne, elle dirige la fronde et gagne de toute manière, mais en assassinant sans scrupules. Un ministre des Sports devrait apprendre à perdre, cela fait partie du jeu. Mais voilà, si on l’ignorait encore, il n’est pas envisageable de perdre en politique. Il faut gagner à tout prix, en trichant éventuellement, en changeant de camp si nécessaire, en profitant au passage, si possible. Les comportements antisportifs sont la règle. L’équipe gouvernementale le prouve. Voici les joueurs dont chacun connaît le palmarès.
Christian Blanc, Jean-Luc Hees, Eric Woerth, Alain Joyandet, Fadela Amara, Eric Besson, Nicolas Sarkozy… Sans oublier ceux qui se sont révélés par le passé ou ne manqueront pas de se révéler prochainement.
Du coup, l’appel à la « déontologie » lancé par Roselyne Bachelot devant les députés, sonne comme une insulte à notre intelligence et à notre discernement ; une insulte bien plus grande que toutes les promesses d’enculades. Je préfère pour ma part me faire traiter de tous les noms par un joueur de foot que me faire humilier par un élu de la République qui joue de son mépris, use de son impunité et croit ma bêtise suffisante pour ne pas me rendre compte qu’au plus profond de lui, il pense que je suis un fils de rien et que je peux bien aller mourir.

Vincent Baguian.

Le bel art mineur


On n’en sortira donc jamais! Depuis que Serge Gainsbourg déclara dans un fameux numéro d’Apostrophe, l’émission littéraire de Bernard Pivot: “La musique de variété est un art mineur contrairement à la musique classique qui demande une initiation”, on ne sait plus quoi faire de la chanson, où la classer, comment la traiter, ni même si elle est digne d’intérêt. Il est évident qu’une chanson de Brel, Brassens, Trenet, Gainsbourg ou Ferré, pour prendre le dessus du panier, peut se comprendre et s’apprécier sans aucun apprentissage, ce qui n’est pas le cas des musiques dites “savante” ou “contemporaine”, ni de la peinture ou de l’architecture. Ce constat ne souffre d’aucune contestation possible. La chanson est un art mineur, oui, mais qui peut provoquer, à l’instar d’un tableau de Turner, d’une direction de Pierre Boulez, d’une vidéo de Laurent Grasso ou d’une sculpture de Giacometti, d’intenses émotions. Ajoutons que l’on doit trouver autant de mauvaises choses en musique “contemporaine” qu’en chanson française et qu’une musique très réussie de Michel Polnareff, Barbara, William Sheller ou Charles Trenet n’a rien à envier à un thème mélodique inspiré d’un opus de musique classique.
On apprenait récemment que la Villa Médicis allait en septembre 2010, et pour la première fois, ouvrir ses portes à des artistes de musique “actuelle”. Les pensionnaires de l’Académie de France à Rome, écrivains, designers, cinéastes ou musiciens sont logés - et rémunérés - aux frais de l’État français dans un cadre paradisiaque, afin de pouvoir créer dans les meilleurs conditions. La chanteuse Claire Diterzi et le flûtiste Malik Mezzadri pourront ainsi profiter du palais situé sur le mont Pincio où séjournèrent avant eux Berlioz, Debussy ou Henri Dutilleux. Les bienheureux.
Ce qui aurait dû passer pour une sympathique ouverture aux arts dits “populaires” en la personne d’artistes libres et authentiques qui élèvent leurs domaines respectifs, la chanson et le jazz, fait aujourd’hui l’objet d’une polémique dont le journal Le Monde s’est fait l’écho dans son édition du 10 juin 2010. Le milieu de la musique contemporaine, en effet, s’émeut de la vulgarité d’un choix qui dénigre de véritables musiciens porteurs, eux, de projets “audacieux et ambitieux”. Une lettre ouverte a été adressée au ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, et au directeur de la Villa Medicis, Eric de Chassey, accompagnée d’une pétition pour s’offusquer de cette décision.
Contacté par Le Monde, le compositeur de musique “concrète” Denis Dufour croit bon de s’interroger : “À quand les peintres et caricaturistes de la butte Montmartre, de la Côte d’Azur et de la place Beaubourg à la Villa Medicis ?” Une attaque indigne d’un homme qui, d’après Le Monde, serait une référence en création acousmatique.
Claire Diterzi est une artiste authentique, “ambitieuse” et “audacieuse”. Pour qui suit son travail depuis ses premiers disques (reviennent alors en mémoire quelques nottes délicieuses d’Embrase-moi sur la bûche…), sait qu’elle a étudié puis enseigné les arts graphiques, collaboré avec Philippe Découflé, travaillé pour le Musée de l’Homme, créé les chansons de son avant-dernier album TABLEAU DE CHASSE (dont chaque morceau était inspiré d’une œuvre d’art) au Théâtre de Chaillot, la remarque de Dufour n’appelle qu’un commentaire: Motus, Monsieur! Car le parcours de Mademoiselle Diterzi vaut le vôtre, tout professeur de composition électroacoustique que vous soyez.

Baptiste Vignol

Une contre-pétition est ouverte, signée notamment par d'anciens pensionnaires de la Villa.

Dans chaque parole péremptoire, il y a un âne.


Au rayon "Grandes affirmations qui ne veulent absolument rien dire mais qui vous donnent une image so cool", Marco Prince, l'ancien leader du groupe FFF, a déclaré en s'adressant à un candidat de la Nouvelle Star (M6): "Dans tous les grands chanteurs, il y a une chanteuse. Je veux voir la chanteuse en toi!" Hum. Il aurait fallu pouvoir en débattre avec Georges Brassens, Jacques Brel, Philippe Clay, Jean Ferrat, Léo Ferré, Félix Leclerc...
Et l'inverse, Monsieur Prince, se vérifie-t-il?

Baptiste Vignol

L'année Waro


On a appris hier, mardi 15 juin, que Danyel Waro recevra le 31 octobre prochain à Copenhague, lors du Womex (World Music Expo, la plus grosse rencontre professionnelle autour des musiques du monde), le Womex Artist Award 2010. Mieux qu'une victoire, une consécration pour ce poète d'une rare intégrité.
Son dernier disque, AOU AMWIN (littéralement DE TOI À MOI), paru début juin à La Réunion sortira le 13 septembre en France. Enregistré et mixé par Yann Costa (du band réunionnais Zong), on y retrouve des collaborations avec le groupe de polyphonie corse A Filetta et avec Tumi, le leader sud-africain de Tumi & The Volume.

D'ailleurs


"Le français est une langue qui résonne", chantait Daniel Balavoine en 1978. Riche de ses dialectes, patois et créoles, le français arbore une variété, une résonance c’est vrai, qui témoigne de son histoire séculaire et de ses multiples identités. Quel meilleur porte-voix que le chant pour affirmer sa singularité linguistique et transmettre sa culture?
Les voix d'Afiletta en Corse, de Peio Serbielle au Pays basque, de Richard Desjardins pour le français du Québec, de Jaojoby à Madagascar, d’Edou en Nouvelle Calédonie sont des drapeaux de la francophonie, même si certaines oreilles de France métropolitaine leur restent sourdes. "C'est bien agréable une langue dont on ne comprend rien... C'est comme un brouillard aussi qui vadrouille dans les idées... C'est bon, y a pas meilleur !" notait Céline dans Mort à Crédit.
S'il existe encore 3000 langues parlées sur la Terre, des dizaines sont en train de disparaître, inexorablement. Certaines résistent cependant, voire se libèrent, comme le créole réunionnais, né avec le peuplement de l’île, découverte en 1642, où furent déportés jusqu’au XIXème siècle des dizaines de milliers d’esclaves parlant des langues d'Afrique de l'Est, de Madagascar, d'Inde et de Chine, nourries des lexiques de leurs esclavagistes, français, bien sûr, mais également, pour l'océan Indien, anglais, néerlandais et portugais.
Danyèl Waro est une figure majeure du maloya réunionnais, ce genre musical, blues mascarin, récemment inscrit au patrimoine de l’Unesco. Une voix incomparable, étourdissante, aussi vertigineuse que le cirque de Mafate vu depuis le pic du Maïdo,


portée par une démarche artistique, une perfection rythmique, une esthétique du métissage qui forcent le respect, et l'admiration - c'est notable - de quelques jeunes ambassadeurs de la chanson française. Matthieu Boogaerts, Jeanne Cherhal, Albin de La Simone, Camille Bazbaz, Thomas Pitiot ou Emily Loizeau (qui a enregistré un duo, Dis-moi que tu ne pleures pas, avec Danyel Waro) sont des inconditionnels du personnage.
Danyel Waro vient de sortir son cinquième disque, AOU AMWIN. Son chant est plus envoûtant que jamais, enregistré au plus près, accompagnée ici et là par des complices dont le rappeur sud-africain Tumi Molekane du groupe Tumi & The Volume qui, le 10 juin 2010, chantait avec Shakira pour le concert d'inauguration de la Coupe du Monde de football. Un double CD d'une beauté sidérante, incendiaire, que l’on écoutera en prière ou en tapant du pied sur le sol.


Chaque année, les Victoires de la Musique décernent un prix au «meilleur» album de musique d’ailleurs. Depuis 1994, I Muvrini y a été nominé à six reprises (pour deux victoires), Cesaria Evora à cinq reprises (pour deux victoires), Dan Ar Braz à quatre reprises (pour deux victoires), Rachid Taha à quatre reprises (pour une victoire), Soud Massi à trois reprises (pour une victoire), Amadou et Mariam, Rokia Traore, Idir, Manu Chao, Alan Stivell chacuns à deux reprises… Il est hors de question de remettre en cause le talent de ces lauréats, mais n’est-il pas étonnant, pour ne pas dire scandaleux, que la voix de Danyel Waro n'ait jamais été honorée ? Une preuve supplémentaire de l’étroitesse d’esprit de cette Académie pour qui les musiques du monde se résument à une douzaine d’artistes qui, une fois l’an, se partagent l’opportunité médiatique de s’adresser au grand public, lequel pourtant, cette soirée-là, ne demanderait que ça : découvrir d’autres univers.

Baptiste Vignol

L'art de la reprise


À faire entendre aux apprentis chanteurs de la Nouvelle Star (M6) qui se dandinent et hurlent dans leur micro comme un porc qu'on égorge, ainsi qu'aux membres du jury de cette émission qui, excepté Philippe Manœuvre, poussent le ridicule à applaudir debout (ah! le tic télévisuel de la standing ovation dans les programmes de variété...) des prestations dont l'insigne particularité est de désosser, au mieux, ou d'affadir, au pire, les chansons qu'ils reprennent.
"La tarte à la crème m'a affadi le cœur, et j'ai pensé vomir au potage" écrivait un certain Jean-Baptiste Poquelin que doit méconnaître Manoukian, pourtant proclamé juste (!) Expert de la citation qui tue.
En somme, bonnes gens, ça, c'est d'la reprise, c'est signé Ariane Moffatt et c'est chanté sans prétention :

Fuir le bonheur de peur qu'il ne sauve

Baptiste Vignol

(!) Depuis quelques années, les journalistes, les responsables politiques, les chanteurs, les sportifs, les animateurs de télévision - au premier rang desquels André Manoukian- ne peuvent plus formuler une phrase sans employer l'adverbe juste. Un tic de langage aussi bizarre que superfétatoire qui ne fait que dévoyer la bonne utilisation de ce joli mot. "Il trouve toujours à dire, juste au moment convenable, un mot spirituel et fin." (Stendhal, Le Rouge et le Noir)