Blond Vartan

Le disque commence par un piano-voix, cette voix qui geint languissamment, si familière à ceux qui traversèrent les années 70 et grandirent devant la télévision en regardant le samedi soir les shows orchestrés par Maritie et Gilbert Carpentier. Une voix d’effroi, mauve, qui, cinquante ans plus tard, n’a rien perdu de ses nuances. Sylvie Vartan vient de sortir un bel album mélancolique, sans amertume aucune. Au fil des quatorze chansons qui le composent, l’artiste rappelle, à ceux qui l’avaient oublié, ou ne l’avaient point remarqué, quelle superbe interprète elle est, nette, ondulante, sensuelle, avec ce grain qui fit la joie des imitateurs jadis, et cette petite fleur blanche qui, au sommet de quelques syllabes, parfois, éclot comme un sourire. Clarika (Le bleu de la mer noire), Patrick Loiseau (Ma tendre enfance), La Grande Sophie (Du côté de ma peine) se sont montrés dignes de l’idole, sans tomber dans le larmoiement. Leurs chansons déploient la blondeur lacrymale des enfants de l’exil. Mais c'est avec la plume d'Éric Chemouny, taillée sur mesure, que son phrasé chatoie. Grâce aux mots simples de Chemouny, Sylvie chante comme une actrice joue, tout en sobriété. Qu’on écoute Une dernière danse (musique Michel Amsellem) et l’on voudrait entendre La Maritza. L'effet Vartan. Qu'on découvre On s’aime encore, mais autrement (musique  M. Amsellem) et l'on pense à Nicolas. Indémodable. Enfin, avec Ce jour-là (musique Michael Ohayon), ceux qui connaissent le music-hall se remémoreront la délicatesse opaline de Cora Vaucaire. Une chanteuse, c’est d’abord une voix, dont la caresse, la chevelure vous accompagnent. Celle de Sylvie Vartan se pose-là.

Baptiste Vignol
 
 

 

Les masterclass de Juliette

Que retenir de l'interview de Juliette Armanet dans Elle, qui a tout d'une diarrhée verbale, et qu'elle promeut à grands coups de trompette sur ses réseaux ? Que “faire la couverture de Elle, c'est mythique, comme une entrée au panthéon des figures de femmes puissantes”. Tranquille. Que son image l'obsède (on l'avait compris). Que ses proches doivent accepter sa “part de lumière”, et le fait qu’elle “gagne de l’argent”! Qu’elle est “la daronne de la chanson française”. (Si, si.) Qu’elle ne fait pas la même musique qu’Angèle. (Ce qui lui permet d’échapper à toute comparaison, bien ouèj.) Que sa concurrente à elle, c'est Clara Luciani, mais qu'elles s'envoient des sms sororaux de bienveillance bien sûr. Qu'elle est “quelqu'un d'hyper torturé.” (Une artiste quoi.) Que le piano est son meilleur ami. Qu'elle a “une intransigeance et une quête musicales extrêmes”. (Qui passent par une resucée du disco...) Qu'elle lit Mona Chollet. (Comme tout le monde.) Qu'à 37 ans, elle se sent enfin bien dans son corps. Qu'elle correspond avec Françoise Hardy. Et surtout, surtout, qu’elle a depuis toujours accrochée dans ses toilettes la couverture d'un vieux Elle avec Charlotte Rampling. Au moins, on sait qui elle regarde quand elle pousse.

Baptiste Vignol