Vaine pâture


Il ne faut pas fréquenter Bertrand Cantat, ni chercher sa caution, ça porte malheur. Voilà des années qu'on nous empoisonne l'air avec cette histoire de nouvel aéroport dans la région nantaise, comme si l'existant ne pouvait pas être rénové… Début juin 2016, une chanson, assez médiocre il faut bien le dire, était mise en ligne pour soutenir les opposants au projet avant le référendum qui s'est tenu ce week-end en Loire-Atlantique. Rien que le titre du morceau, faussement spectaculaire, avait de quoi laisser perplexe: Notre-Dame-des oiseaux de fer. Ça commençait mal. Et Cantat qui déboule, affirmant tout de go: «On veut cultiver nos enfants». De force?… Avant qu'Emily Loizeau n'avertisse: «On ne veut pas de votre enfer.» Ça, non! Et vive la poésie. Défilent ensuite sur un air bêtement folklorique quelques anciens chanteurs en passe d'être oubliés. La ringardise du grand ouest dans ses œuvres. Pourquoi diable Emily Loizeau, auteur d'un fort beau disque, MONA, sorti tout récemment, mais qui peine à trouver son public, a-t-elle accepté de prêter sa voix à une ânerie qui ne vaut pas un pet de lapin? Sans parler du casting, qui horripile.

Baptiste Vignol

Jeu, set et match Séverin



Non seulement son troisième album, ÇA IRA TU VERRAS, paru début 2016, est l'un des quatre ou cinq plus beaux disques de chanson française sorti depuis l'an 2000, non seulement son concert donné à Paris le 7 avril dernier aux Étoiles figure parmi les plus séduisants vus ces vingt-cinq derniers années, non seulement il possède tous les atouts pour devenir immense: la gueule, l'identifiable grain de voix, la plume claire et taillée, l'inestimable capacité de décocher des mélodies arc-en-ciel (il est probablement le meilleur compositeur français en activité), mais son nouveau clip, Les hommes à la mer, tourné par Aurélie Saada du binôme Brigitte, devrait déjà recevoir la Victoire de la meilleure vidéo 2016. Toute la classe de Séverin s'y trouve condensée comme dans une balle de tennis: l'aspect cinoche de ses chansons, leur trame narrative, cool et désaxée, l'élasticité du refrain qui s'envole tel un lob et retombe en plein sur la ligne, l'imparable sourire dans la voix, avec cette pointe de tristesse automnale, ce détachement chic et solaire aussi, et, coup d'enfer à la Victor Pecci, l'art de dénicher, pour l'accompagner en images et régaler son public, la pépée qui tape dans l'œil. On n'avait pas trouvé mieux en France depuis Julien Baer. Ou Alain Souchon. En gros.

Baptiste Vignol