La voix


Ça commence par une reprise d'Octobre postée sur Youtube le 15 du même mois et l'on pense en la découvrant qu'on devrait obliger les filles à jouer de la guitare, surtout quand elles ont la voix cristalline. Ça calmerait les fous et les profanateurs qui font que ce monde s'incline. Et puis l'on se dit très vite en voyant le visage d'Eskelina Svanstein que la Suède doit être irrésistible quand elle vous regarde dans les yeux… L'affaire, qui démarrait bien, se poursuit avec la sortie, fin janvier 2015, d'un album dont on ne sait trop pourquoi il s'intitule LE MATIN DU PÉLICAN même si ses chansons souples comme des roseaux sont des invitations aux voyages de toutes sortes (Je reviens, La valise rose, Émilie, Milan, Maman, Doucement), naïves, gourmandes, mutines et pleines de soleils mouillés. Mais le chant d'Eskelina! Ce chant céleste qui rôde et blondoie devrait rendre jalouses les candidates à The Voice. Oui, ce chant-là, ondoyant, qui s'élève et plane sans effort… Un bonheur.

Baptiste Vignol


Beau disque


Il y a les «aigrivains» dont parlait Patrick Besson et les «chianteurs» qui s'écoutent tellement chanter de leur voix rauque et maniérée que c'en est désolant. Sur son premier album sorti en octobre 2014, Clementi interprète seul à la guitare, d'une douce voix intelligible, d'intimes chansons à la peau fine, très écrites, d'amours usés et de peines, dont l'élégance rappelle les merveilles que façonnait pour Bourvil le tandem composé par Robert Nyel et Gaby Verlor, et qui vous mettent un poison dans la tête. «Oui mais voilà, ce soir tu n’es pas là/ La fête et les rires autour de moi/ Me déchirent l’âme/ Et je t’imagine/ Seule, et cette image me mine…» (Révolutions) Rien de révolutionnaire chez Clementi, mais une trainée de tristesse, un goût d'amertume qui, grâce à la clarté de ses mélodies, soulage les cœurs vieillissants… Il suffit d'apprécier Il Tormento Dell'Estate qu'une vidéo confidentielle accompagne sur le Net pour se rendre compte à quel point toute une frange de la chanson française est abandonnée dans l'obscurité.

Baptiste Vignol