Douze années depuis AQUANAUTE (2002) qu'on attend que la France se laisse captiver par Ariane Moffatt, idole moderne au Québec où la jeune femme collectionne disques d'or et Félix. Compositrice de très haut vol, ses chansons sont des navettes propulsées par une voix magnétique, de lumière et de soie. Sorti en février 2012, MA est son projet numéro quatre. Dix-huit mois après son lancement, quand, apaisé, on s'y replonge, passé le stade de l'écoute forcément troublante d'un «nouveau Moffatt», cet album t'explose dans la tête. Pan, pan, pan. C'est du 77. Électronique mais onctueux, grisant et voluptueux. MA ? Titre d'inspiration japonaise. «Une expérience sensorielle du vide en tant que substance, l'intervalle, la durée, la distance, non pas celle qui sépare mais celle qui relie. Le vide comme matière à ressentir, à contempler, à entendre» lit-on au recto du livret, traduit en english au verso. Car la Montréalaise joue sur les deux versants culturels de sa ville, son pays, qui proposent aujourd'hui ce qui se conçoit de plus ambitieux en matière de chanson. Onze pistes, six chantées en anglais (l'immense All yours) contre cinq en langue de chez nous qui s'étendent comme des élastiques. Objectif : décrire le sensitif. L'appel des plaisirs charnels (Hôtel amour), la question du jeûne, de la jeunesse et la sacralisation du jeunisme (Mon corps), les canicules étouffantes (La pluie et le beau temps), l'affliction qui foudroie (L'homme dans l'automobile), le désir de l'autre (Sourire sincère). Assez puissant pour que ce disque trouve son orbite. Nominée dans quatre catégories au prochain Gala de l'Adisq, Ariane Moffat concourra le 27 octobre 2013 pour un onzième Félix. Il deviendrait presque urgent que les Français prêtent l'oreille à l'une de «nos» très rares chanteuses au potentiel planétaire.
Baptiste Vignol