La charge sexuelle des textes du premier album de Lisa (prononcer Lissa) Leblanc portés par une voix dont la nonchalance et la sauvagerie sont sans égale aujourd'hui, que l'amplification des guitares et le claquement des cordes de la basse tenue sur le disque par Louis-Jean Cormier vêtissent à la perfection, permettent d'espérer qu'avec cette Québécoise, une nouvelle page du rock francophone est enfin en train de s'écrire. Treize chansons qui balancent et qui roulent des r, s'imposant toutes, ô miracle, dès la première écoute. Amples, farouches, écorchées, drôles, urgentes, frustes, colères, tendres et gourmandes. «Pas des tounes de fifille !» rigole l'Acadienne. «Vas-y jusqu'au boutte, finis-moi ça / Pis, câlisse-moi là» (Câlisse-moi là). Numéro 1 la semaine de sa sortie en mars 2012, disque d'or (40.000 exemplaires au Québec) en juillet, Lisa Leblanc gagnait en octobre de la même année le Félix de la Révélation. Elle concourra le 27 octobre 2013 pour décrocher celui de la meilleure artiste face à la reine Céline. Un séisme musical pourrait bien frapper la Belle Province, que ce nouvel hymne de la jeunesse québécoise aurait finalement annoncé: «J'ai pus l'goût qu'on m'parle de contes de Disney / Le prince charmant c't'un cave, pis la princesse c't'une grosse salope / Y'en aura pas de facile / P't'être que demain ça ira mieux, mais aujourd'hui, ma vie c'est d'la marde». (Aujourd'hui, ma vie c'est l'la marde). Jubilatoire. «Quand je pense que ça fait vingt ans que je m'épuise à placer mes textes, et que Lisa Leblanc va tout rafler grâce à "ça"...» Parole vraie d'un auteur désarçonné de constater que le charisme, l'énergie et la crudité auront toujours le dernier mot.
Baptiste Vignol