Sacrés millésimes


Aurait-elle lancé une mode ? Le 21 mars 2012, date du quarantième anniversaire de la sortie d'AMOUREUSEpremier 33 tours de Véronique Sanson, Jeanne Cherhal recréait sur une scène parisienne les douze chansons de l'album, dans l'ordre, au plus près des originales, avec une mini-pause après le sixième morceau, tout comme l'on devait autrefois retourner son disque sur la platine pour découvrir la face B. Quarante minutes chrono pour un one shot conceptuel, radiodiffusé en intégralité sur les ondes de France Inter.
L'année suivante, sans avoir la pointilleuse élégance de respecter le quantième du mois ni même le millésime de sa commercialisation, Gaetan Roussel, sur ce modèle initié par Jeanne Cherhal, rouvrait en public PLAY-BLESSURES qu'Alain Bashung avait lancé en 1982.
Si l'on s'étonne aujourd'hui que Mathieu Boggaerts n'ait pas pensé reprendre l'immense BRUXELLES (1974) de Dick Annegarn, Julien Doré, que l'on aurait pourtant davantage vu visiter LES PARADIS PERDUS (1974) de Christophe, aura tout de même l'occasion le 11 juillet 2014 dans le cadre des Francofolies de La Rochelle d'interpréter quelques chansons parfaites en rendant hommage à Étienne Daho via l'album LA NOTTE, LA NOTTE… qui à lui tout seul éblouit le mois de mars 84.
À qui le tour l'année prochaine pour dépiauter en trois quart d'heure MISTRAL GAGNANT sorti en novembre 1985? Renan Luce doit déjà y songer… Barbara Carlotti ou La Grande Sophie étant les figures idéales pour ressusciter (n'est-ce pas aussi l'un des buts, presque divin, de l'art?) Le Mal de vivre, La Solitude, Göttingen ou La Petite Cantate qui composaient N°2 (1965) de Barbara.
Pour l'année 2016, nous suggérerons à Thomas Dutronc de jouer LES PLAYS BOYS que son père immortalisa cinquante ans auparavant et dont les titres phares (Et moi et moi et moi, Les Cactus, On nous cache tout on nous dit rien…) n'ont pas pris une ride. Mika, de son côté, pourrait fort bien s'attaquer aux premières perles (L'Amour avec toi, Love me, please love me, La Poupée qui fait non, Sous quelle étoile suis-je né?) ciselées par un jeune homme de 22 ans, en 1966… Qui pour s'approprier le temps d'une soirée les chefs-d'œuvre (Allô maman bobo, Y a d'la rumba dans l'air, J'ai perdu tout ce que j'aimais, Poulaillers' song…) signés Souchon-Voulzy sur le 33 JAMAIS CONTENT paru en 1977? Vincent Delerm? Alex Beaupain? Mais chose sûre, le 17 novembre 2017, quarante ans jour pour jour après l'événement que constitua sa mise en vente chez les disquaires, Kent, parce qu'il en a la voix et les épaules, chantera in extenso les douze titres du dernier album de Jacques Brel: LES MARQUISES. Belles soirées.

Baptiste Vignol