Éternel Mouloudji


Mouloudji, Marcel, dit «Moulou»; poulbot né en 1922. Comédien, peintre et chanteur. Poète avant tout. Qu'on résume souvent à trois rengaines du ruisseau dont il fit des standards: Comme un p'tit coquelicot de Raymond Asso, Un jour tu verras de Georges Van Parys et Le Déserteur de Boris Vian que Mouloudji créa par hasard au théâtre de l'Œuvre le jour même de la chute de Diên Biên Phu, le 7 mai 1954. Aujourd'hui, vingt ans après sa mort, ses enfants, Annabelle et Grégory, sortent un livre de photos ("Athée! Ô grâce à Dieu…" chez Didier Carpentier) ainsi qu'un disque de reprises, EN SOUVENIR DES SOUVENIRS… Si Louis Chedid y accroche le P'tit Coquelicot à la tête de sa guitare, Alain Chamfort et Annabelle reprennent Un jour tu verras tandis que Christian Olivier s'ajoute à la file de ceux qui ont chanté Le Déserteur (dont Nilda Fernandez propose également sur scène une superbe version). Mais ce sont deux autres pépites «parolées» par Moulou qui s'imposent ici, scintillant d'une mélancolie hérissée de ronces. Enfin tu me viendras d'abord, sur une merveilleuse musique co-composée par le chanteur et Cris Carol, qu'Annabelle Mouloudji sublime avec un Frédéric Lo d'une intense justesse. «Le bonheur, c'est à peine gros comme un dé à coudre/ Viens, nous le cacherons tout là-haut sous mon toit/ Et qu'au clair de ta chair je puisse enfin recoudre/ Ces morceaux de ce cœur déchiré ça et là…» Six feuilles mortes de San Francisco ensuite, belle et digne d'orner les plus beaux répertoires, joliment fredonnée par Daphné mais dont Camélia Jordana ou même Patricia Kaas auraient fait un classique: «Je t'envoie six feuilles mortes de San Francisco / Des poissons volants volés à Valparaiso / Un récif de corail, une petite sirène / Comme on en voit danser à minuit sur la Seine...» On dirait du Dimey. Les bonnes chansons sont immortelles, elles fleurissent quand sonne l'heure.

Baptiste Vignol