Sera-t-elle la nouvelle Gréco ? Elle porte un nom de contrées orientales, Alka Balbir, et la France sur son visage. Aussi sombres qu'ardentes, ses chansons touchent par leur tempérament: «Prenons la porte et fuyons vers les maquis, les sous-bois/ Toi sous moi, moi sur toi, on risque fort d'aimer ça...» (Te satisfaire) On dit souvent des chanteuses qui ne signent pas les pièces de leur répertoire qu'elles ne sont « qu'interprètes», elles qu'on déconsidère depuis trois décennies. Ce qu'avaient essayé de remuer Jean-Max Rivière, Serge Gainsbourg et Michel Berger dans la variété des années 60/70 avec Brigitte Bardot, France Gall, Françoise Hardy puis Jane Birkin semblait mort. On n'entendait nulle tentative, nul aplomb, nulle hardiesse qui tentât la modernité, s'attaquât à la vérité, forçât la sottise prude («Où as-tu passé la nuit dernière?/ Tu sens la femelle, le foutre et la bière», La main dans le sac). D'une voix hyper féminine, d'oiseau inapprivoisable quand elle frôle les aigus, Alka ravive la flamme des divas, ces femmes qui donnent toujours l'impression de jaillir de l'ombre, telles des sources. Si comme toute brune chez Verlaine, Balbir a des yeux de braise («Et qu'un cœur qui cherche fortune/ S'y brûle… Ô la bonne foutaise!»), ses lèvres, sur la photo, semblent avoir la fermeté prometteuse des bigarreaux. Et c'est Benjamin Biolay le premier qui eut l'heur de les faire chanter... Écrit et réalisé par le chéri de ces dames, cet album séduisant sorti en octobre 2013 s'intitule LA PREMIÈRE FOIS. On ne l'oubliera pas.
Baptiste Vignol