15€ jetés par la fenêtre


Au fond, il serait presque plaisant d'affirmer crânement: «Le nouveau Bénabar n'est pas si mal fichu que ça!». La réalité, c'est qu'INSPIRÉ DE FAITS RÉELS est un disque à la médiocrité affligeante. Parce qu'avec ce parolier les «arbres» sont «obséquieux» et les «orages» forcément «déchaînés», sans parler des «yeux qui klaxonnent» ni du mot «route» qui rime avec «minute» entre autres vers épouvantables… Tout est stéréotypé, prévisible, approximatif et cucul la praline. Quand il veut se montrer comique (Gilles César), Bénabar fait peine à entendre, et s'il souhaite insuffler de l'émotion (Titouan), c'est l'interprétation qui flanche. Avec Paris by night, on sent bien son désir de taper dans le bon gros refrain populaire, mais à ce jeu-là, plus compliqué qu'il n'en a l'air, Serge Lama (Les P'tites femmes de Pigalle) et Michel Sardou (La Java de Broadway) le dépassent encore de trois têtes. Nul besoin d'évoquer Les deux chiens, cette insupportable chanson, le mauvais goût des arrangements ni la fainéantise des musiques… Cependant, si dans Coming in (dont on taira l'inanité de la chute), l'auteur précise d'entrée: «"Surpris"! C'est pas le mot / C'est plutôt "stupéfait"», il a encore tout faux! Le terme approprié aurait dû être «étonné». «Chacun a ses faiblesses, écrivaient Alain Duchesne et Thierry Leguay dans  leur dictionnaire des subtilités du français. Littré en avait pour sa bonne. Un jour qu’il la lutinait, Madame Littré poussa la porte et s’écria: "Ah, monsieur, je suis surprise !" Et le regretté Littré, se rajustant, lui répondit: "Non, madame, vous êtes étonnée. C’est nous qui sommes surpris."» Nuance.
À la fin du livret, le chanteur dédie son album «à tous ceux qui voudront bien l'écouter». «C'est à vous, souligne-t-il, rien qu'à vous qu'il est destiné.» Comment le remercier?

Baptiste Vignol