Toujours là


La sixième pyramide des pharaons d'IAM a pour nom ARTS MARTIENS. Titre choc pour disque sec, dense, épique et mouvant, conçu comme la b.o. d'un film noir où les ruelles de Naples, les calanques de Marseille, le port de New York et les jardins japonais seraient le décor d'un théâtre mythologique dont les règles d'honneur demeurent la loyauté, la mémoire et la fidélité. Voix off viriles et martiales, scratchs au scalpel, «ouais» approbatifs, boucles enivrantes, lignes pures et sculpturales. Rares sont les groupes qui passent les décennies. Akhenaton, Shurik'n, Imhotep, Kheops et Kephren, frères d'armes depuis 25 ans, sont les serviteurs, les «samouraï», d'un art dont ils furent, à l'état vif, des conquistadores. ARTS MARTIENS constitue donc la sixième bataille de leurs aventures. Le quintette marseillais plus uni que jamais la mène avec l'ascèse des bushis, «sembl[ant] un crustacé noir gigantesque et vermeil.» (De Heredia, Les Trophées, "Le Samouraï") Si les Parnassiens prônaient l'art pour l'art, avec IAM, serait-ce le rap pour le rap? La puissance évocatrice du binôme à deux sabres composé par Shurik'n et Akhenaton semble en tout cas évoquer, désormais, par endroits, José-Maria de Heredia. «C'est lui. Sabres au flanc, l'éventail haut, il va...» ("Le Samouraï")
N°1 du Top à sa sortie, l'album glorifie l'âme d'un groupe dont l'esthétique, selon certains exégètes, figure déjà dans la légende. Précieux, les textes d'IAM déchiffrent l'époque. La dixième flèche du disque, Habitude, transperce qui l'écoute. Le soliloque d'un sdf, celui-là qui hante nos rues mais semble devenu transparent. «Et si le vent parfois me force à squatter vos entrées / N'oubliez pas, même les vaincus ont droit au respect». Imparable. IAM, ouais, toujours là.

Baptiste Vignol