LOVE SONGS, c'est le double album révélateur d'une chanteuse magnifique, sublime même par fractions. Royalement réalisé par Benjamin Biolay, il compte hélas sept titres dispensables, dont trois du chanteur de charme né à Villefranche-sur-Saône. L'auteur-compositeur adulé dans les beaux quartiers n'est pas toujours à la hauteur du magicien de studio. S'il fallait absolument enregistrer vingt chansons, Biolay aurait dû solliciter ses aînés, Dominique A, Christophe Miossec et Jean-Louis Murat, dont on aurait adoré découvrir les offrandes à Vanessa. Effeuillage.
L'Au-delà (3'21). Après J'ai demandé à la lune pour Indochine, Je m'appelle Jane pour Birkin ou Mise à nu pour Pauline Croze, Mickaël Furnon continue d'agencer des couplets 100% cachemire. «Paradis, c'est l'enfer»... «L'au-delà divin de la beauté», oui! Source d'éclatantes inspirations.
C'est quoi? (3'11). Une chanson sur l'indécision. Mathieu Boogaerts a trouvé en Vanessa une muse qui le comprend.
Station Quatre-Septembre (3'29). Quand Benjamin Biolay se sort les doigts, ça donne ça. Quelques notes harmonieuses, de jolies formules («Depuis le premier verre de vin au dernier baiser sans la langue»), un refrain impeccable, pour une piécette délectable qu'on aimerait pouvoir écouter des lunettes 3D sur le nez tellement l'on s'y projette.
Tu vois c'que j'vois (3'13). Une chanson parapente; deuxième titre de Mathieu Boogaerts. «C'est facile / Au signal / Tu décolles», et ça marche. Euphorisant.
La Crème (2'42). Parolier du Madame rêve de Bashung, Pierre Grillet a la plume adroite. «J'veux pas qu'on m'crie / J'veux qu'on m'crème.» Paroles de tube. «Et si possible pas le faire moi-même.» Dit par Vanessa... Bon. Bien. Aux notes, Ben Ricourt. Pour info, depuis qu'il a composé la musique de J'traîne des pieds (Olivia Ruiz), ce chanteur inconnu du grand public se chausse sur mesure.
Le Rempart (3'11). Intense chanson de rupture. «Hey à quoi ça sert / À quoi ça sert de venir te voir?» N'y aurait-il pas un clip à tourner avec Johnny Depp en guess star? Un bijou signé Boogaerts.
Mi amor (3'07). Cette invitation naïve d'Adrien Gallo, Vanessa la chante à la galopade, comme quand elle avait vingt ans. C'était en 1992 et la môme cartonnait avec Be my baby. «All right! All right!»
Tu si na cosa grande (2'50). Parce que la mélodie sublime du grand Domenico Modugno touchera grâce à Vanessa une nouvelle génération d'auditeurs.
Sombreros (4'23). Qu'avait-elle en français, Vanessa, chanté de marquant depuis l'album VARIATIONS SUR LE MÊME T'AIME (1990) d'un Gainsbourg à bout de souffle, mais qui contenait sa paire de hits? Sombreros de Jérôme Attal, avec ses rîmes en "toc" et en "ox", aurait fait bonne figure sur ce CD. La partition est de Ben Ricourt. Tandem.
Être celle (3'38). «La» chanson du disque. Aux paroles, un poète: Marcel Kanche. «Je veux être celle / Qui boit le ciel...» Sur une musique composée par Vanessa Paradis. Céleste.
Doorway (2'58). Music and Lyrics: Vanessa Paradis. Why not.
La Chanson des vieux cons (4'44). Si le titre n'est pas bon (La Chanson des vieux cons, franchement) et le texte imparfait («le puits sombre et froid», cliché), l'interprétation de Vanessa emporte tout. À la quatre-vingt-cinquième seconde, elle se montre même presque géniale...
Les Roses roses (3'51). On l'attendait, le voilà. Le duo Biolay/Paradis. A-t-il la classe inoxydable de Brandt Rhapsodie? Non, mais ce gentil face-à-face, fiévreux, marcescible à la longue et germanopratin n'est pas déplaisant. Sans oublier, détail qui tue, que des fleurs, dans une cuisine, c'est joli, non? La vieille élégance française.
Baptiste Vignol