«Et le vent berçait les nénuphars blêmes; / Les grands nénuphars, entre les roseaux, / Tristement luisaient sur les calmes eaux...» Pierre Schott a-t-il lu les Poèmes Saturniens de Verlaine? À l'instar du poète né à Metz, l'Alsacien guitariste consacre des chansons brumeuses à la beauté des sages paysages où s'inscrit son quotidien. LE GARDIEN DE NÉNUPHAR est son sixième album, alors qu'il avait officialisé ses adieux discographiques avec LA FIANCÉE DU SILENCE en 2010. Bonne idée d'en être revenu. Chaque échappée musicale de Pierre Schott lui vaut une chronique de Bayon. La dernière, titrée «One Schott» (Libération du 15 mai 2013), est accompagnée d'un entretien. Pleine page. Autant d'égard suffira-t-il pour fouetter la curiosité sophistiquée de Pascale Clark? Puisqu'il ne manque aux chansons primitives de Pierre Schott qu'un peu de résonance... La mélancolie de ce chevalier têtu, c'est le blues, qu'il partage avec Cabrel, Christophe, Manset ou Murat. Même retenue, identiques inquiétudes, élégance d'autrefois... Ce CD d'artisan, qu'on peut se procurer en le commandant à l'artiste via son site, abrite neuf chansons-fleuve, vagabondes et contemplatives, immédiatement familières, caressées d'ombres et de lumière pâlie. Elles peignent avec candeur la mélancolie des soleils couchants, la fuite d'un train Corail, les hanches nues d'une baigneuse, l'écroulement d'un monde dont on peut encore soutirer quelques plaisirs épidermiques: «Parfois la vie peut être douce». Tristesse, vraiment, pour les âmes mélomanes dont les promenades sont passées sans percevoir les notes des ballades de Pierre Schott.
Baptiste Vignol