Des coups de pied au cul qui se perdent


Révélation : personne dont il est brusquement donné au public de découvrir le talent, les performances. La dernière révélation de la chanson française.
Les Victoires de la Musique n’oublient pas de fêter les jeunes talents de la variété en leur dédiant une catégorie, la bien nommée “Révélation”. Mais plutôt que de faire simple en “nominant” quatre ou cinq artistes ayant publié leur premier ou deuxième album de chansons originales (il y avait de quoi cette année proposer un plateau plutôt coloré parmi Babet, Brune, Dorémus, Féfé, Féloche, Arnaud Fleurent-Didier, Katel, Karimouche, Ludéal, Zaz et sa petite comédie…), l’organisation des Victoires a cru judicieux de scinder ce trophée : une “Révélation du public” et une “Révélation scène” consacrent désormais les artistes “apparus récemment dans l’actualité musicale” explique le livret des Victoires. Bien.
Un listing comprenant deux cents prétendants a été envoyé mi-novembre aux professionnels du spectacle pour arrêter trois noms, parmi lesquels Bertrand Belin qui vient de sortir HYPERNUIT, sa troisième réalisation, son premier album datant de 2005 ;
Ag
nès Bihl, quatre disques au compteur (le premier, LA TERRE EST BLONDE, est sorti en 2001) + un Grand Prix de l’Académie Charles Cros pour MERCI MAMAN, MERCI PAPA en 2005 ;
Louis Ronan Choisy
, quatre CD à ce jour (le premier, D'APPARENCE EN APPARENCE, date de 2003) + une bande originale pour un film de François Ozon ("Le refuge", 2010) ;
Clarika
, cinq albums (le premier, J’ATTENDRAI PAS CENT ANS, remonte à 1993), finaliste avec JOKER du Prix Constantin 2006 (un prix justement créé en 2002 afin d’honorer les révélations de la production francophone, signe que pour les professionnels du disque, les Victoires de la Musique ne remplissaient pas leur mission…), des centaines de concerts, des duos enregistrés avec Michel Delpech, Michel Jonasz & Bernard Lavilliers ;
Eiffel
, cinq albums (le premier paraissait en 1996), autant de tournées au long cours + des collaborations avec Dominique A, Noir Désir, les Têtes Raides… ;
Lo’Jo, 28 ans de carrière, une dizaine d’albums, des spectacles en Russie, au Canada, en Allemagne, aux États-Unis, en Angleterre, en Australie, au Cameroun, en Nouvelle-Zélande, en Amérique Latine… ;
Florent Marchet
, trois CD (le premier, GARGILESSE, est sorti en 2004), Prix de l’Académie Charles Cros 2004, finaliste du Prix Constantin 2005 pour GARGILESSE puis en 2007 pour RIO BARIL, programmé à plusieurs reprises au Printemps de Bourges, aux Francofolies de la Rochelle et de Montréal, au festival des Vieilles Charrues…
Que des blancs-becs en somme, “apparus récemment dans l’actualité musicale”.

Moi, Clarika, chanteuse de variété, 18 ans de carrière, 5 albums, des centaines de concerts;
nominable aux Victoires de la Musique, catégorie "Révélation 2011".


Une sélection inepte, irrespectueuse pour les artistes sus-cités (un peu comme si l’académie des Césars nominait en 2011 Jeanne Balibar, Bruno Putzulu ou Natacha Regnier dans la catégorie “Espoir de l’année”), et parfaitement inutile quand on sait que la grande gagnante, et cela n’a rien d’une révélation, sera Camélia Jordana…
Le problème avec la cérémonie des Victoires, c’est qu’elle est devenue par trop prévisible, et la prévisibilité n’est pas signe de bonne santé artistique. Reste une chose à éclaircir : le nom des nullards qui ont établi cette pré-sélection.

Baptiste Vignol


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