Toujours Renaud


Et hop, après les cinq millions d'écoutes depuis que la chanson a été dévoilée sur la Toile le 28 janvier 2016, c'est un million de vues qui viennent de s'ajouter pour le clip de Toujours debout tourné dans un Grand Palais désert mais plein d'une émotion propre à submerger les fans de Renaud. «J'suis retapé», dégaine-t-il à l'entrée du morceau, «remis sur pieds, droit sur mes guiboles. Ressuscité !» Et c'est vrai qu'il touche au cœur, le plaisir de retrouver le regard bleu du chanteur, lucide et droit. Sa dégaine aussi, élégante et fidèle au héros populaire que l'ancien minot de la Porte d'O est devenu à force de refrains légendaires soufflés sur l'hexagone depuis 1975. Les doigts bagués d'or comme aux temps d'espérance des années Mitterrand, bien posé sur ses jambes (de plus en plus?) arquées, le chanteur énervant rassure ici son public en montrant un visage reposé. La gestuelle est là, nette, et les mimiques aussi, attendrissantes. Chaussé de camarguaises, tout simplement fringué du fameux équipage jean délavé, t-shirt et cuir noir, Renaud, croix huguenote sur la poitrine, continue d'agacer ceux-là qui le détestent tant, et l'on devine ici le pied qu'il y prend. Pourtant, comment ne pas s'émouvoir au sourire enfantin, celui du garnement, qu'il esquisse à la quarante et unième seconde du morceau et qui ressemble à un baiser? Le secret de l'immense succès de Renaud réside aussi, par-delà la force des mots et son sens de la métaphore («C'est l'hécatombe, c'est Guernica», qu'il est beau ce vers-là qui dit tant à la fois), dans la complicité, unique, avec laquelle ce mec imprévisible a su, avec le temps, tatouer l'âme des Français. 

Baptiste Vignol