La télé nouvelle


Qu'a donc accompli le pianiste André Manoukian pour jouir d'une réputation artistique qu'il ne mérite vraiment pas, lui qui n'a signé jusqu'ici, en trente cinq ans de carrière, qu'une chanson vaguement populaire (Au fur et à mesure) pour Liane Foly en 1991, cumulant en revanche les échecs commerciaux parmi lesquels ses projets solo dont tout le monde s'est toujours tamponné ou bien encore l'album CHEYENNE SONG qu'il a composé et produit en 2008 pour, mais si, souvenez-vous, Gaëtane Abrial… Des états de service assez lumineux visiblement pour avoir été fait Chevalier des Arts et Lettres en janvier 2014 des mains d'Aurélie Filippetti, alors ministre de la Culture. La bonne blague. Mais il faut dire que depuis 2003, Manoukian squatte les télé-crochets en tous genres (Nouvelle Star, Danse avec les stars, La France à un incroyable talent…) où il distille à tout-va des citations soi-disant philosophiques qui n'impressionnent que les gogos. Dans la nouvelle édition de Nouvelle Star où il vient comme chaque année prendre son chèque, Manoukian s'est révélé le 18 février 2016 tel qu'il est peut-être dans le fond, bête et méchant. Face au candidat sud-coréen venu interpréter à la demande de la production Je ne regrette rien d'Édith Piaf (il aurait souhaité chanter un titre de R.Kelly a-t-il expliqué au site Konbini), Manoukian et ses compères (Sinclair - mais qu'a donc accompli Sinclair pour… -, Élodie Frégé et l'ex-rappeur Joeystarr) se sont comportés comme ils n'auraient pas osé le faire face à quelqu'un venant d'Afrique Noire, raillant, à coups de fous-rires déplacés, son prénom («On va t'appeler Luc» lui balance Didier Morville, alors qu'il s'appelle Dukhwan Kim), son accent, son phrasé, ses origines en somme… Mais ça n'est pas tout. Deux secondes à peine après le début de sa prestation, Manoukian ricanait déjà, précisant, hilare, et content de lui: «Moi, un petit peu quand même», si tôt que l'étudiant francophile de 18 ans eut terminé les deux fameux premiers vers de la chanson («Non, rien de rien / Non, je ne regrette rien»), lequel sera stoppé net par Joeystarr avant la fin du troisième vers, au bout de vingt et une tristes et humiliantes secondes… Le pompon du mépris revenant à Élodie Frégé qui, pour commenter l'audition de Dukhwan Kim, avance simplement: «Je ne sais pas si c'est la cuisine française qui te reste dans la gorge, mais ça sonne très, très bizarre quand même!» Pauvre télévision française.

Baptiste Vignol