Sur le chemin de la poésie


À l'heure où chacun se présente avec une barbe de huit jours, Marcel Kanche est un prophète aux yeux bleus qui se montre rasé de près (À ma bouche). Mais Kanche est en marge. On ne peut pas dire qu'il chante, il dit ou récite, d'une voix grise. Ses musiques ne sont pas entrainantes, elles entêtent, inquiètent ou apaisent, c'est selon. Et ses paroles sont d'abord de la poésie, fine. Tout cela fait une chanson pilote, animale, dont l'assise est hyper soignée, à base de piano, de violoncelle, de percussions et de guitares. Depuis JE SOURIS ET JE FUME en 1990, Kanche a enregistré une demi-douzaine de disques solo et signé deux tubes, Qui de nous deux (2003) pour -M- et Divine idylle (2007) pour Vanessa Paradis. Sorti en novembre 2015, ÉPAISSEUR DU VIDE s'ouvre en beauté avec Des vers et de l'orge pour camper le décor: «Un peu de ciment / Un peu de ferraille / Sur la lande sauvage…» L'album aligne treize morceaux relativement courts qu'embellit la clarté des chœurs mélodieux d'Isabelle Lemaitre-K, épouse du poète. De la chanson hermétique? Un peu. Sauf que la dixième pièce du CD (très belle pochette, superbe livret, avec en épigraphe une citation de Pierre Michon: «Ils pleurent parce que le monde ne s'arrête pas sur l'instant de leur joie») aurait tout du hit majuscule s'il était «chanté» pour de bon, par Mylène Farmer par exemple.

Baptiste Vignol