L'autel de Ville


Ça n'est pas un disque facile et c'est à l'honneur d'EPM de permettre au BAL DES FOUS d'être disponible dans les bacs (comme on ne dira bientôt plus) des quelques fnac jouissant encore des services précieux d'un disquaire aimant son métier. Ce cinquième album de Louis Ville depuis HÔTEL POURRI en 1999 n'est pas moins tourmenté que les précédents. La chaude voix du chanteur rappelle toujours celles d'Arno et de Loïc Lantoine. Et son inspiration n'a rien perdu de sa crudité rauque. Louis Ville enfonce le clou donc, mais la contrebasse de Gérard Pierron enrobe l'ensemble d'une humeur fraternelle. «Sais-tu que ce volcan est une île / Et la mer qui l'enserre craint son feu, ses tourments…» (Le Grand marchand) Une poésie brumeuse, écorchée, où les mots se griffent au sang, au travers de laquelle reviendront en mémoire le souvenir spumescent de Léo Ferré («Dehors, la mer s'était tue, plus d'écume, plus de tumulte / Et les mouettes regrettaient ses gros temps, ses vents mauvais…», Dehors), la délicatesse de Murat dans sa veine villageoise (Ma rue) et l'écho de Bashung : «Et je chevauche des plaines endormies / Et j'echymose des fesses aplaties…» (La nuit j'ose). Moins sombre qu'il n'y parait.

Baptiste Vignol