La reine Moffatt



En vertu des heures miroirs qui seraient, selon certains, une manifestation de nos anges gardiens, peut-être Ariane Moffatt aurait-elle baptisé ce disque 1h01 (ou bien 11h11) si l'existence ne lui avait donnée qu'un enfant. La numérologie considérant le nombre 2 comme la représentation de l'union, du couple, de la fusion des pôles féminin et masculin, il est permis d'apercevoir dans le titre 22h22 le clin d'œil d'une jeune maman dont la deuxième vie vient d'éclore avec l'arrivée d'une paire de nouveaux nés, Paul et Henri Marcil-Moffatt auxquels cet album est dédié: «Flo, Paul & Henri, voici le fruit de notre début de vie à 4», et qu'on entend babiller dans Matelots&frères, dixième plage du recueil. Treize années, trois disques et dix Félix après AQUANAUTE, la Montréalaise, idole en son pays (nombreuses sont ses chansons remixées par des DJ nord-américains, Poirier, Tommy Kruise, Nautiluss, Bonjay, Dubbel Dutch…), chante ici ses jumeaux mais également le temps qui passe (La nostalgie des jours qui tombent), le désillusionnement (Rêve), les amitiés évaporées (Miami), la violence moderne (Tireurs fous), l'architecture urbaine à laquelle on peut parfois s'identifier (Les deux cheminées - splendide) ou les figures disparues (Domenico - en hommage à Domenico Mike Meduri, célèbre clochard de Montréal mort en février 2014 à l'âge de 82 ans)… Bien entendu, 22h22 contient aussi son tube, ce truc qui t'éperonne, classé numéro un au Québec: Debout, mis en clip par le studio Vallée Duhamel dans lequel dansent ensemble Kimberly Bittner-Quinn et Alexandre Wilhelm. Un album de pop onirique, ambitieuse et technologique qu'aurait pu produire Balavoine s'il avait trente-cinq ans aujourd'hui et qu'Ariane Moffatt vêt de sa voix captivante dans laquelle il est apaisant de s'envelopper comme dans un manteau.

Baptiste Vignol