Ce que sème Coline

Voilà l’un des très beaux disques de l’année. En treize chansons lumineuses, Coline Rio dévoile une rare finesse d’expression, poétique, méandreuse – mais limpide – que sa voix claire, légère comme une flamme, porte aux nues. D'Elle laisse, ensorcelante plage d’ouverture (et fort beau clip) comme une ode à la liberté, à Ce qu’il restera de nous («…le bruit du silence après l’éclat de nos cris…») qui clôt l’album et lui donne son titre, les pépites s'enchainent : On m’a dit, par exemple, sur les coachs en tous genres (« Et ta voix, cristalline, / Est trop fine / Sois moins clean / Sois plus brute / Faut t’changer Coline»), ou Ma mère, sur les liens mystérieux et les reflets de la descendance («Ma mère a des rires / Et des larmes cachées / Dans ses sourires / Des amours inavouées»). Monstres aussi (et ses superbes vocalises) sur le « flou » qui nappe nos êtres ; La Rivière (et ses chœurs sensoriels, fougueux et mordants) sur le souffle purifiant de l'eau («Allongée dans la rivière / Quand mon corps se fait de pierre / Oh j'y respire / J'y respire»). Homme, ce trésor de la chanson post #MeToo. Cartographie, brûlante et charnelle («Je sonde curieuse, tes plaies indolentes / Griffures, morsures d'anciennes passantes / Houleuses luxures / Je divague en ton antre...»), ou Se dire au revoir qui, a contrario, dépeint les braises éteintes... Se laisser prendre par la voix de Coline Rio et découvrir le penchant de ses mots, le versant de ses mélodies, leurs collines brumeuses – mais dorées – qui s’ouvrent vers un avenir éclatant dont il devrait rester beaucoup. Coline, Clara, Zaho, Pomme, Gabi, Marie-Flore, Angèle... Nous y sommes. La jeune chanson d'avant-garde est définitivement devenue féminine. De sa bouche souffle un vent sauvage, elle est sa rumeur et son bruit... Le vieux poète avait raison.

Baptiste Vignol