Vingt-cinq ans qu’elle chante. Vingt-cinq ans qu’elle nous enchante, nous qui l’écoutons. Certains artistes bâtissent une œuvre, patiemment, en soignant leur retour. LA VIE MODERNE est le huitième retour de La Grande Sophie (donc son neuvième album). Sa voix s’y fait plus précise, pop et dansante que jamais. Notable de constater que si les voix d’hommes se fanent en vieillissant, flétrissent, se rabougrissent (ne cherchez pas, pas un n’y échappe, ni même Daho), celles de leurs consœurs, souvent, s’éclairent et gagnent en pulpe, en épaisseur. Au fil de ces douze chansons, La Grande Sophie démontre également que son écriture est celle d’une autrice exigeante, musicale, pour qui les mots doivent se confondre aux mélodies qu’elle cisèle, et dont elle possède une recette, une marque, qui fait son style. Ensemble fut probablement écrite pendant le premier confinement et parait tellement datée, déjà (ceux qui juraient, au printemps 2020, que rien ne serait plus jamais comme avant… Hum.). La vie moderne parle du vieillissement qui isole, met au ban, autant que les réseaux, puisqu’aucun succès ne dure jamais tout à fait, ce qu’aborde également L’escalier: « Tu seras / Balayé / Tout comme moi / Balayée / Tu iras balayer / Devant ta porte tu apprendras à / Pagayer ». Vulgaire revient sur ce qu’il faut dire, sur ce que nous devons faire, les injonctions qu’on nous impose. Vendredi glorifie les amours baladeuses qui ne s’emprisonnent pas. Les au revoir fait une peinture réaliste sur les ruptures qu’on laisse si bêtement passer. Un roman fixe l’attente, qui finit par lasser : « Le temps que tu… / Le temps que… / J’ai d’quoi écrire un roman. » Bonne idée. Enfin, si Voir les gens pleurer aurait pu naître d’Alain Souchon, La mer pourrait bien être la plus belle sur ce thème depuis celle de Charles Trenet. «La mer / Nous attrape / Par les chevilles / Elle nous enlace / La mer / Avec grâce elle se retire et / On garde / Le sel / Collé sur nos peaux»... Le chemin vers le beau, c'est le mot juste. Tout est dit.