The Voice


Lundi 2 décembre 2019. Jean-Louis Murat chante au théâtre de la Madeleine, fort bel écrin de 700 places sis à deux pas de l’église où trois présidents de la République s’inclinèrent devant la dépouille de Johnny Hallyday, ce «héros français». 21 heures, les lumières s’éteignent. L’homme surgit sur la scène accompagné par ses deux musiciens. Fred Jimenez attrape sa basse, Stéphane Raynaud s’installe à la batterie et Murat se saisit d’une guitare douze cordes qu’il ne lâchera pas de la soirée. Le charisme ne s’est pas émoussé, tout en nonchalance. Cheveux longs, rasé de frais, pantalons et veste en blue jean, Murat n’a pas de temps à perdre. Il attaque aussitôt. Et c’est du costaud. Ça ondule, ça s’élève, ça tranche, ça groove sévère, ça vous capture, ça vous conquiert et ça vous recouvre le cœur, l'âme et le corps comme le lichen son rocher. Après une demie heure de blues taillé à la serpe, qu’un art poétique rend unique dans le paysage de la chanson française, Murat, chevelure humide, tombe la veste. «I’m still alive» assure son t-shirt. Alors, l'Auvergnat, de son timbre de miel, demande à Stéphane Raynaud: «Joue un truc pépère… Un truc vraiment pépère... On ne va pas réveiller Brigitte Macron!» Le palais de l’Elysée se trouve à portée. Ce sera son seul aparté. Pas de tatouage à la con sur ses bras de bêcheur, pas d'énormes bagouses aux doigts pour jouer les rockeurs, Murat n’a rien d’un roc, c’est un pays, irrigué de sources anciennes. C'est un maitre d’élégance et de sensualité. C'est un musicien exceptionnel doté d’une voix sans nulle autre pareille. Et c’est sur une version galactique de son dernier chef-d’œuvre en date, Je me souviens, qu’il quittera la Madeleine sans trémolos. Le génie de Murat rend péremptoire. Son pouvoir peut vous faire prétendre, sans qu’on n'en doute une seconde à l'instant où on l'affirme, qu’à côté de lui, tous les chanteurs français sont des nains. Tous. Ou presque. La vérité n'est pas loin.

Baptiste Vignol