Julien Clerc Etc.


Le vingt-quatrième album de Julien Clerc s’intitule À NOS AMOURS, d’après un texte de Vincent Ravalec, l’un des plus fades du recueil, dont le titre rappelle forcément celui d'un disque de Kent sorti chez Barclay en 1990 qui contenait J’aime un pays, son premier succès populaire dans lequel il fustigeait, l’air de rien, la figure de Le Pen. Bizarre d’ailleurs que jamais, sauf erreur, Julien Clerc n’ait fait appel à l’ancien chanteur de Starshooter pour quelques paroles ciselées. Passons. À NOS AMOURS donc, joli CD plein de fougue, rondement enregistré, où domine Ma Colère, sur des mots de Maxime Le Forestier. Du grand Clerc, de toujours, après cinquante de carrière: « Roulée en boule, ma colère […] / Comme une chienne couchée par terre / Dormait / Un coup d’épingle dans l’orgueil / Un mot qu’il ne fallait pas dire / Ont suffi à lui faire ouvrir / Un œil. » Et l’on se plonge alors dans nos années lycée en songeant à ce qu’écrivait Chateaubriand dans le Tome 1 de ses «Mémoires»: « Je n’ai jamais vu un pareil regard; quand la colère y montait, la prunelle étincelante semblait se détacher et venir vous frapper comme une balle. » Pour l’anecdote, cette chanson règle un différent professionnel qui finit par empoisonner les relations qu’entretenaient Julien Clerc et Maxime Le Forestier avec leur ancien impresario, Bertrand de Labbey, qui s’occupait du premier depuis ses débuts en 1968 lorsque le futur créateur de l'agence VMA travaillait auprès de Gilbert Bécaud pour lequel il gérait les éditions Rideau rouge. D’où, probablement, le dernier mot du morceau: « Rideau! » La chanson La Plata composée sur un poème de Henry Jean-Marie Levet est une autre réussite, sur un dandy globe-trotter. Comme est attachante Jusqu’à la fin du monde parolée par Didier Barbelivien, qui aurait à coup sûr fait tilt, jadis. Opportune romance troussée par d'inlassables songwriters. Avec Carla Bruni, en revanche, Julien Clerc tourne en rond. C’est propre, lisse, prévisible, comme un top model. Quant à La mère évanouie de Vianney, elle ressemble à une vieille chanson secondaire de Gérard Berliner – paix à son âme.

Baptiste Vignol