Triple A


Pour démarquer un fameux calligramme de Guillaume Apollinaire dont on vient de retrouver trois inédits, imaginons de vieux amis se demander: «As-tu connu "Tof" au galop/ Du temps qu'il était Alister?»… Ceux qui ont écouté AUCUN MAL NE VOUS SERA FAIT en 2008 puis DOUBLE DÉTENTE trois ans plus tard savent combien les chansons de Christophe Ernault, alias Alister, sont romantiques et nerveuses. Alors que son prochain album sortira au printemps 2015, trois titres annonciateurs éclos ce 17 novembre 2014 s'encastrent sans forcer dans une œuvre ordonnée. À la question posée sur son tout premier disque, Qu'est-ce qu'on va faire de toi?, le songwriter avait répondu en 2011: «Je voudrais juste être quelqu'un/ Que l'on se souvienne de mon nom…» (Docteur). Aujourd'hui, dans un morceau dont la belle chevauchée ne fait plus toucher terre (Avant/Après), Alister proclame: «J'en avais assez de me ressembler:/ Admire l'avant-après!». Avec la deuxième nouveauté, Cathédrale, ce sont des ombres et des démons («"Il faut souffrir" te dit-elle et se signe…»), des mots rares («Sous son alfange/ Poussière d'or si fine...»), des souvenirs vifs ou de vagues réminiscences qui percent sous de fugitives allusions qu'effleurent quelques notes de piano. Enfin, dans Chaque jour comme le dernier, tel le Caïn d'Hugo, voilà le chanteur contraint de marcher muet, pâle et frémissant « sur les trottoirs, les toits, les miroirs et les croix…»! Ce qui scotche ici, pendant et après, c'est l'ampleur du son, l'élégance de la production, l'éclat des évocations qui bâtissent de conserve des chansons ambitieuses. Qu'Alister interprète avec une désinvolture impériale. De la «pop-point barre» de gala.

Baptiste Vignol