Fascination


Ainsi donc Bertrand Cantat chantait avec Shaka Ponk ce samedi 5 janvier 2013 à Bercy, et cela, pour Emmanuel "Moi Je" Marolle, constituait le clou de la soirée par laquelle s'achevait la tournée triomphale d'un groupe qui fait depuis plusieurs mois sensation. «Cantat en invité ce soir» avertissait le franc-tireur dans un encadré du Parisien, soulignant sur sa page facebook, pour qui ne lirait pas le quotidien dans lequel il s'épanche, «Bertrand Cantat sera sur scène avec Shaka Ponk ce soir à Bercy pour plusieurs titres». Un scoop sobrement commenté sur facebook par une seule réaction, restée lettre morte : «À peu près aussi réjouissant que si Mark Chapman, libéré, dédicaçait son autobiographie dans une librairie de l'Upper East Side.» Mais visiblement Marolle est une groupie du Bordelais; ne se vantait-il pas sur son blog en juin 2011 avec un titre ronflant : «J'ai serré la main de Bertrand Cantat»? Cette main couverte de sang. Quand «J'ai salué Bertrand Cantat» aurait amplement suffi.
Question embarrassante: si l'ancien chanteur de Noir Désir n'était pas un assassin, susciterait-il pareille fascination chez le journaliste? Et question qui s'impose après la cascade de tweets postée hier par Marolle pendant le concert et l'article qu'il publie ce dimanche matin, vidéo à l'appui, à propos d'une interprétation criarde d'Avec le temps que Cantat exécute en rappels du show mais que l'infatigable Marolle, lui, juge intense et magnétique. Les goûts et les couleurs. «Le choix de cette reprise de Léo Ferré en gênera quelques-uns, croit-il alors bon de préciser. Drôle d'écho à l'affaire Trintignant...» Là, Marolle dépasse les bornes. Son «quelques-uns» n'est pas seulement de trop dans toute sa condescendance, il est insupportable, autant que la scandaleuse légèreté avec laquelle il évoque en trois mots le drame dont Marie Trintignant fut la victime. «Les 15.000 spectateurs de Bercy n'en étaient pas là, conclut-il par surcroît, trop contents d'assister à un instant musical magique.» Dis Marolle, la main de Roman Kolinka dans ta gueule, tu la cherches ou quoi?

Baptiste Vignol