Le risque Barbara


Sollicitée en vue d'un ouvrage qui paraîtra en janvier 2013 et pour lequel lui était demandée la liste de ses 10 chansons de chevet, Daphné avait dévoilé son Top (Quand on n'a que l'amour - Brel, Marilou sous la neige - Gainsbourg, La Ballade Irlandaise - Bourvil, Quand je serai KO - Souchon, La vie en rose - Piaf, Tu verras - Nougaro, Dis, quand reviendras-tu? - Barbara, Manchester et Liverpool - Laforêt, Mistral Gagnant - Renaud, et La chanson d'Hélène - Romy/Piccoli) avant de faire dire par un tiers qu'elle ne souhaitait finalement plus apparaître dans ce livre... La fatuité, qui s'accompagne toujours d'un peu de sottise, est source de déceptions. Si la présence de Daphné aurait été remarquée parmi Dominique A, Françoise Hardy, Michel Polnareff, Keren Ann, Renaud ou Anne Sylvestre, son absence, elle, passera complètement inaperçue. Prétentieuse. Une prétention à l'élégance et à la distinction. Au tout début du siècle, Daphné animait humblement dans le Poitou des séminaires en chantant en anglais. Son univers féerique la portait déjà, mais avec Vincent Baguian, puisqu'elle nous demanda conseil, nous lui avions suggéré de ne pas s'égarer dans les limbes de Kate Bush, et d'exprimer en français sa sensibilité... Deux ou trois ans plus tard, elle sortait un premier disque prometteur, L'ÉMERAUDE (2005). Hélas, sacrifiant à l'élitisme, CARMIN (2007) puis BLEU VENISE (2011), ses successeurs, furent des fours commerciaux. Probablement consciente du temps qui passe (Daphné est née en 1974) et souhaitant légitimement toucher du doigt le succès, la jeune femme reprend aujourd'hui, quinze ans après sa disparition, quelques grands titres du répertoire de Barbara. À l'origine, elle devait recréer sur scène un tour de chant donné en 1967 par la Longue Dame brune à Bobino, à l'instar de Jeanne Cherhal qui, en mars 2012, à l'occasion du quarantième anniversaire de sa sortie, joua dans l'ordre du disque les 12 morceaux du 33 tours AMOUREUSE de Véronique Sanson. Pourquoi briser le charme de cette idée première? Daphné a finalement décidé d'enregistrer un CD casse-gueule, platement intitulé TREIZE CHANSONS DE BARBARA. Connerie. Ce qui peut plaire au spectateur et même l'émerveiller grâce à la magie du spectacle vivant entraine forcément la comparaison dès lors qu'on en grave le son. Et là, l'ennui. Qu'on écoute seulement sa version de Dis, quand reviendras-tu... Au final, démoli par la critique, cette compilation s'avère un échec supplémentaire: 5.500 exemplaires vendus en six semaines d'exploitation. Le dernier naufrage?
Dans un dossier récent sur Barbara, Valérie Lehoux (Télérama) notait qu'il arrive à Jean-Louis Aubert et Vincent Delerm de chanter Dis, quand reviendras-tu?. Elle oubliait de préciser que la plus troublante des reprises demeure celle de Nilda Fernandez avec lequel d'ailleurs Barbara entretenait une correspondance et qu'elle appelait «mon cep». Cette peine empreinte de lassitude qu'il insuffle dans le vers «Je n'ai pas la vertu des chevaliers anciens». Le sens de l'interprétation, quoi.

Baptiste Vignol