Lescop sort du bois


Des mois que La Forêt poussait sur le Net. Le parcours idéal d'un mini-tube underground. Lescop, cet inconnu, fait aujourd'hui la couverture des Inrocks, après avoir eu l'honneur d'une pleine page dans Technikart et - consécration ?- chanté dans le «Live» du Grand Journal de papy Denisot. Démarrage en fanfare. Systématiquement comparé aux vénérables Darc et Daho, Mathieu Lescop soufflerait une brise marine - et rochellaise - sur la pop éduquée magnéto-synthétique que ses aînés infusèrent dans les charts français il y a une éternité.
Son premier album LESCOP n'était pas encore dans les bacs que l'on savait déjà tout de l'univers ténébreux du jeune homme, Melville (Le Samouraï) et Schoendoerffer (La 317è section) pour le cinéma, la coldwave de Manchester ou Drieu La Rochelle, probablement pour sa plume kaléidoscopique. Tout? Sauf un détail, qui saute aux yeux: sa chanson phare, l'insondable La Forêt, rappelle un film contemporain de la Nouvelle Vague génialement photographié par Pierre Lhomme avec à l'affiche Romy Schneider, parfaite, et Jean-Louis Trintignant, sidérant dans le rôle d'un exalté de l'OAS... «Le combat dans l'île» (1961) d'Alain Cavalier. La référence cinéphile du morceau à l'insoutenable scène finale où Jean-Louis Trintignant, dont la fauve interprétation semble imprégner Lescop, et Henri Serre se chassent à main armée est tellement lumineuse que si le chanteur la niait, on ne saurait le croire. Des chefs-d'œuvre du septième art naissent parfois de fulgurantes chansons. Au bazooka.

Baptiste Vignol