Parmi les étoiles


« Souviens-toi de ce nom "Elsie"/ Comm' du vent doux sur la toundra...»
Certaines chansons agissent comme des flèches de diamant, elles vous emportent et vous clouent le col à la voie lactée, vous laissant comme ça, planté-là, les pieds ballants, à vous demander depuis combien de lustres vous n'avez pas entendu quelque chose d'aussi troublant. Avec le temps (1970)? Dis, quand reviendras-tu? (1964)? La Chanson des vieux amants (1968)?... Allez savoir.
Moi, Elsie détient ce pouvoir boréal qui fige comme un coup de blizzard à 45 en-dessous de zéro. L'aveu d'une jeune Inuit au gars de la capitale qui, mission accomplie, s'en retourne chez lui à Montréal : « Paraît que ton contrat achève,/ Tu r'prends l'avion à ' fin du mois/ Écoute un peu, je serai brève/ Tu vas m'manquer, pas juste à moi. »
Une déclaration d'amour dont la douceur foudroie, avec en dedans du poil, des larmes, du sang, de la sueur et du sperme. Une complainte en fourrure taillée par deux guides québécois, Richard Desjardins pour les paroles et Pierre Lapointe pour la musique ; une chanson comme seul Jean-Louis Murat en France pourrait en écrire s'il s'en donnait seulement la peine. « Je veux te dire comment j'me sens,/ Je suis vraiment bien avec toi,/ T'es fin, t'es doux pis t'es vaillant,/ T'as un beau sexe, je l'veux pour moi. » Sur un piano d'une sobriété quasi-monacale, un texte à fleur de peau, et cette voix de velours d'Elisapie Isaac, chanteuse inuk dont le folk fait des ravages dans la Belle province.
À l'heure où la Chanson semble vouloir se trouver une nouvelle égérie, que ses commentateurs parisiens regardent par-dessus leurs épaules où penche l'aiguille de sa boussole...

Baptiste Vignol

Le clip de Moi, Elsie