La lumière verte du bayou


"Les arbres ont une luxuriance tropicale, des lianes s'y enchevêtrent et les branches sont voilées de mousses espagnoles; dans leur ombre paressent ces lentes rivières aux eaux molles, qu'on appelle ici des bayous" écrivait Simone de Beauvoir dans L'Amérique au jour le jour (1947). Depuis le 22 avril 2010, ce sont plusieurs dizaines de milliers de barils de pétrole qui se répandent chaque jour dans le golfe du Mexique. Le 19 mai, la marée noire a atteint les bayous. Ce joli mot français de Louisiane adapté de l'indien bajuk "rivière". En 2008, Francis Cabrel nous l'avais remis dans l'oreille en chantant "Et je danse, je danse sur la terre que j'aime / Celle qui se gagne sur la boue / Et je marche je marche dans la belle lumière verte / Du bayou" (Né dans le Bayou) adapté d'un titre du groupe CCR.
Fut-ce son ami Zachary Richard, né à Lafayette, qui ouvrit pour la chanson francophone un champ lexical au bayou ? Probablement pas, mais son premier 33 tours enregistré en français s'intitulait BAYOU DES MYSTÈRES (1976)... Deux ans plus tard, Mireille Mathieu participait à la popularisation du mot avec À Blue Bayou, #9 au hit-parade de septembre 1978. "Le soleil est bas sur ma ville/ Le soleil est haut sur son île/ On est si loin de l'an 2000/ À Blue Bayou". Et puis après ? Voilà peut-être un terme qu'il ne faudra plus chanter qu'au passé. Combien de décennies pour que l'écosystème particulièrement fragile des bayous retrouve son équilibre?
En 2005, Francis Cabrel et Zachary Richard s'étaient mobilisés pour la Nouvelle-Orléans après le passage de l'ouragan Katrina. Dans La promesse cachée, ils chantaient en duo : "Là sur l'eau/ Nos vies cassées en mille morceaux..." La dévastation se poursuit.

Baptiste Vignol