Barbaratomique


Depuis CHANSONS en 2005, son tout premier album, Barbara Carlotti se distingue par le soleil de sa voix d’abord, sa diction, ses envolées, d’une langueur capiteuse, chic et envoûtante ; par ses chansons sensuelles ensuite, voyageuses, troublantes et pointues qui puisent leur esthétisme dans le tourbillon pop et lettré des sixties ; et par les flashes cinématographiques qui parsèment son inspiration où passent les ombres, ici, de Gregory Peck, de Brigitte Bardot, de Catherine Deneuve, de Jane Birkin et de Michel Piccoli. CHÉRIS TON FUTUR ! est un disque nitescent qui parle d’amour fou, de désir et de sexe, de Sagan, d’Italie, de dolce vita, de la mort qui rôde partout («Elle t’attend dans tous les recoins / Avec ta perche à selfie sur le bord du ravin / Il suffit d’un pas dans le vide…»), de convalescence, de soleil rouge et de rayon vert, «Hôtel des Amériques, entre Téchiné et Rohmer». De l’essentiel en somme que cette blonde méditerranéenne verse avec style en nous berçant d’un phrasé tout en zibeline, les paupières bleu Callas. 


Baptiste Vignol

 

 

Admiration

Elle n’a que trois albums et un EP à son actif mais tellement de succès que son label devrait déjà songer à sortir un best of ! D’où provient donc l'immense aura de Clara Luciani, cette élégance qui transporte les foules, ce petit quelque chose par lequel elle rayonne, dominant de sa chevelure et des épaules son sujet ? De l’impeccable veste en daim de sa voix. Du vison de ses textes où luit toujours le mot exact pour dépeindre un sentiment. De l’immédiate poésie de certaines images qui sont la trace d’une griffe invisible et visent tellement juste qu’elles se cristallisent aussitôt jusqu’à ressusciter Sagan : « C’est si fragile / Ce bonheur subtil / On voudrait le garder sous verre / On l’asphyxierait dans sa serre / Je voudrais figer / Cet instant parfait / Comme les statues de Pompéi / Enlacées pour mille autres vies » (Cette vie) – ne serait-ce que pour celle-ci qui clôt la première plage de MON SANG, merci. Du cuir souple et raffiné de ses mélodies. De cette présence tombée des nues, verticale et féline ; cette façon d’être, presqu’en recul, lunaire, qui aimante les regards. De son sourire, bien entendu, qui vous saisit comme un lasso. Et de son chapelet de tubes depuis La Grenade dont le plus récent insuffle du Courage mais qui cachent aussi des bijoux de mélancolie qui vous attrapent le cœur comme un nœud qui se serre, abordent des rivages escarpés, des forêts indociles où rampent de noires araignées et font qu’en les écoutant, qu’en se glissant dedans, l’on se sent moins seul. (Dans MON SANG, Chagrin d’ami et Ma mère ont ce pouvoir-là, net, d’une pureté coupante, qui dentèle un répertoire.) Françoise Hardy d’abord dès 1962, Barbara ensuite avec Nantes et Dis, quand reviendras-tu? (1964) puis Véronique Sanson à partir d’AMOUREUSE (1972) se sont imposées comme - et demeurent - les trois phares d’une prodigieuse lignée dont on guettait l’éclosion d'une éventuelle quatrième étoile. Et si le cœur de Clara Luciani flambait du même feu ?

Baptiste Vignol