Éruptif Murat


Les chansons humides de Murat. Dans des siècles de ça, les hurluberlus qui fouilleront les ruines de la «variété» les écouteront comme on regarde les fresques de Pompéi: en silence. Voilà! Murat est un fresquiste. Ses chansons caressantes, de grandes dimensions, interdisent toute retouche. Le remord lui semble défendu. Sous peine de tout gratter, d'avoir à tout recommencer… La clef de son génie? 
Le nouvel album de Murat propose vingt envolées, dont une demi-douzaine à la grâce inouïe (J'ai fréquenté la beauté, La chèvre alpestre, Vallée des merveilles, Le jour se lève sur Chamablanc, Tout m'attire, Frelons d'Asie). L'Auvergne, qui possède son hymne, enregistré par Brassens, n'a nul besoin d'un héraut, elle jouit déjà de ses fromages, de sa chaine des Puys, de ses eaux, de ses églises romanes... Mais Murat s'entête à planter son œuvre au cœur de ses pierres volcaniques, imposant cette terre de France comme un royaume d'inspiration. On gardait souvenance de «la neige qui tombe sur Ceyrat» (Le Mendiant à Rio), du Col de la Croix-Morand, de «ce pays qui n'est plus qu'un mouroir entre Tuillères et Sanadoire…». Bien sûr. Mais cette coulée 2014 dévoile un sanctuaire. Babel de silences et de mots, de chansons absolues, d'amour, de givre, d'enfance et de deuils, portées par une voix dont nul autre chanteur par chez nous ne possède la volupté. Trente années d'écriture, et Murat impressionne encore.

Baptiste Vignol