Une polémique à deux balles


Depuis la fin du mois de juin, des médiocres lui cherchaient des poux. Et l’accusaient de plagiat. Carrément. Parce que la musique de Damn dis-moi est en partie inspirée d'une boucle musicale disponible et libre de droits. Assez pour fâcher les grincheux, les donneurs de leçon, les internautes frustrés qui trouvent, c’est toujours agaçant, en Héloïse Letissier le feu d’un talent qu’ils n'auront jamais. Déjà consacrée par la une du mythique magazine américain Times qui la voyait en octobre 2016 parmi celles et ceux qui sont en train de refaire le monde, elle vient d'obtenir, le 23 juillet, celle du New York Times ! Sans jamais mentionner le moindre plagiat, le quotidien souligne, avec admiration, l’audace artistique de la Française. Serait-ce suffisant pour éteindre l'incendie? Même pas, les suspicieux, à court d’arguments, parlant alors de « bad buzz », d’opportunisme… Comme si Chris(tine and the Queens) pouvait jouir d’un « bad buzz »… Ce sont les rappeurs à la con ou les chanteurs en perdition qui espèrent ces dérapages-là. Chris n’a pas besoin d’une quelconque rumeur négative pour assurer sa publicité : le monde la regarde. Pourtant, dans un long tweet publié le 13 août, elle a tenu à s’exprimer sur cette polémique parce qu'elle lui donne en vérité l’occasion d'aborder, pour une fois, en profondeur, sa démarche artistique. Parlant de collage, de réécriture, d’esthétisme, de récupération dans la pop music, Chris rappelle : « C’est la bonne idée qui prévaut, c’est la mélodie catchy, c’est l’intelligence du bon geste au bon moment. » Concernant le sampling sur lequel se base Damn dis-moi, et dont elle aura finalement préféré ne pas souligner l’existence dans les crédits du morceau, elle explique, posément : « J’ai aimé le coup de poker, le danger, j’ai aimé l’idée qu’on puisse se rendre compte que ce qui avait été utilisé pour faire un single radio se trouve à la portée de tous. » Les sceptiques, c’est évident, y verront une mauvaise élève qui cherche à se raccrocher aux branches de l’arbre à palabres. « Je ne fais pas ce métier pour le high éphémère des petites gloires, leur répond-elle, c’est la rage qui me fait avancer, le frisson de passer la main dans la flamme. » Si l’argument ne pourra pas convaincre ceux qui sont tout juste capables d’allumer un briquet, il dévoile en vérité une tendance hyper actuelle. Ce frisson de « passer la main dans la flamme », de se brûler, de prendre le risque grisant de se faire démasquer (alors qu’en plongeant son inspiration dans un pot de confiture, la chanteuse n’a blessé ni volé personne) met à jour une créatrice qui ne fait que suivre avec malice les règles du jeu d’une époque dont elle est devenue, que ça plaise ou non, par la seule force de son univers, une reine. Pour clore le débat, la voilà, ce 16 août, qui revient avec 5 dollars, troisième extrait de son prochain album, comme un direct balancé à la face des trouble-fête et que les fans s’échangeront avec légèreté comme on lâche, dans nos sociétés d’abondance, un billet contre un peu de rêve.

Baptiste Vignol