Putain de Sidaction




















La bienséance voudrait que je ne dise rien, et que le petit problème qui motive cette bafouille s’efface devant la noblesse de la cause que nous étions tous venus défendre lors du Sidaction diffusé hier soir sur France 2. J’ai été élevé en apprenant à me taire, comme un bon arménien qui s’excuse d’être encore là, vivant. Mais je me suis soigné, et maintenant, parfois, je parle.
Quand j’ai constaté que j’étais le seul artiste à ne pas figurer au générique en début d’émission, j’ai eu de la peine. Disparaître, être oublié, c’est toute mon histoire, alors j’ai du mal. Preuve que je ne suis pas tout à fait guéri, j’ai quand même eu tendance à comprendre. « Tu n’es pas assez connu, le Sida, c’est plus important que toi. Arrête un peu avec ton ego surdimensionné d’artiste, pour une fois, sers une cause en t’oubliant un peu. Ils n’ont pas dû le faire exprès, sois sage, fais pas de bruit, ils sont gentils, ils t’accueillent ». Et j’ai réussi à me persuader que c’était normal de pas être présent au générique du Sidaction, au milieu de tous ces gens dont la notoriété sert la cause, alors que moi, c’est la cause qui me sert.
Et puis est arrivée la chanson que nous interprétions Zazie et moi. La tendresse de Bourvil. Et là, bing, patatra, tout s’écroule. Ils ont coupé le premier couplet de la chanson que chantait Zazie. Nous avions répété et joué à 3 guitares, en live, et là comme par miracle, un orchestre est venu repeindre la bande-son, après coup, gommant toute l’intimité. Tout cela, sans nous prévenir avant diffusion, bien entendu. De Tendresse, non, non, non, non, il n’en est plus question. Et je comprends, qu’ils ont fait vraiment exprès. Volontairement. Pour être EFFICACE. Avec tout le manque de respect que cela implique.
Pour être efficace, ils m’ont viré du générique. Et tant pis pour mon engagement auprès de Solidarité Enfants Sida depuis plus de 15 ans, tant pis pour Sol en Cirque et les centaines de milliers de gamins qui chantent mes chansons et ont entendu parler du sida grâce à elles . «Patrick Hernandez », « Laurie », ça c’est vendeur, c’est « born to be alive ». Mais « Vincent Baguian », on présuppose que tout le monde s’en fout, alors on le zappe, on est à la télé, oui, ou non ? Même Zazie, si elle ne joue pas le jeu de l’efficacité, on coupe, on arrange. C’est qui le chef ? Pas les artistes quand même. C’est quoi un artiste sans audimat. Il faut faire péter les scores. Toute la soirée, on fera appel à la générosité, mais elle doit être efficace, elle aussi. Il faut faire des dons. C’est seulement de cette générosité-là que l’on parle.
Il suffira d’aligner des chiffres pour tenter de me prouver que c’était efficace. Et en plus au service de la recherche et des malades, alors ta gueule. Je ne pourrais de toute manière jamais prouver que cela aurait été plus efficace autrement; et j’en demeure donc persuadé. Cela aurait été en tout cas moins désobligeant; important, quand on veut donner des leçons de savoir vivre...

NOUS ORGANISONS ZAZIE ET MOI, LE 13 AVRIL AU ZENITH DE PARIS «LES GRANDS GAMINS » AU PROFIT DE L’ASSOCIATION SOL EN SI.
23 Artistes viendront chanter les chansons qui évoquent leur enfance.
Avec : Adamo, Vincent Baguian, Axel Bauer, Bénabar, Francis Cabrel, Calogero, Louis Chedid, Jeanne Cherhal, Clarika, Thomas Dutronc, Michel Jonasz, Sandrine Kiberlain, Catherine Lara, Renan Luce, Maxime Le Forestier, Maurane, MC Solaar, Yannick Noah, Ours, Raphaël, Alain Souchon, Christophe Willem, Zazie.
Un spectacle produit par TS3.

J’espère que je n’oublie personne !

Vincent Baguian

Sous vos applaudissements !


















Lors des obsèques nationales célébrées le 15 mars 2008 aux Invalides en l’honneur de Lazare Ponticelli, le dernier de “la der des der” décédé dans sa cent onzième année, Mgr Le Gall, évêque des armées, déclara que ce qui l’avait le plus marqué dans la vie du vieux Poilu, au-delà d’avoir survécu aux tranchées, c’était la longévité de son mariage. “71 ans. 71 ans de fidélité” insista Mgr Le Gall. Assis au premier rang, Nicolas Sarkozy, assez romantique pour s’être déjà marié à trois reprises, écoutait religieusement.
“Avec Carla, c’est du sérieux” avait-il assuré le 8 janvier 2008. Trois semaines plus tard, le président se mariait en catimini. “Je ne vois vraiment rien de romantique dans une demande en mariage, écrivait Oscar Wilde. Il est très romantique d’être amoureux, mais une demande en mariage explicite n’a vraiment rien de romantique. Il se peut qu’elle soit acceptée. C’est, je crois, le cas le plus fréquent. Alors toute l’excitation disparaît. L’incertitude est l’essence même de l’aventure amoureuse.” Et Michèle Arnaud conseillait : “Ne vous mariez pas les filles, ne vous mariez pas/ […] Changez d’amant quat’ fois par mois/ Cachez la fraiche sous vos matelas,/ À cinquante ans, ça servira/ À vous payer de beaux p’tits gars” (Ne vous mariez pas les filles, 1958). L’humour corrosif de Boris Vian dénonce ici, démystifie, parodie sans vergogne le modus vivendi d’une société dont le mariage est un pilier.
Des siècles durant, le mariage se limita à n’être qu’une opération patrimoniale, des gens de bonne entente, rois ou paysans, formant des alliances pour ne pas s’appauvrir. La chanson d’autrefois fourmille d’airs sur cet hymen-là, de raison. L’image du mariage aujourd’hui repose sur le bonheur des époux. Il est synonyme de fête, de robe blanche, de voilettes, de pièces montées, de discours enflammés, de nuit de noces et d’enfants cravatés courant autour d’un cerisier devant des familles béates et la ronde de leurs amis qui alimentent bon gré mal gré le grand bazar des épousailles. En France, chaque mariage rassemble une moyenne de 80 invités. Tous secteurs confondus, le marché du mariage pèserait trois milliards d’euros! “Quelle belle liste de mariage/ Un autocuiseur, un aspirateur/ […] Et pour c’qu’est du batifolage/ Des draps en nylons et des films cochons” s’amusait Pascaline Herveet, la chanteuse du groupe Les Elles, dans Tonton Amédée (1995).
Le Pacs, instauré fin 1999, pourrait affecter les tables de nuptialité tant il progresse d’année en année. Mais le mariage n’est pas près d’être démodé ! Mathieu Boogaerts, figure d’une chanson aérienne, en fit une insigne odyssée parcourant en décapotable le désert du Nevada: “Sur la route qui mène à Vegas/ […] Elle et moi on avait la classe/ C’est grave comme c’est bien, quand on s’marie/ Ça j’m’en souviens, c’est c’qu’on s’était dit” (Las Vegas, 2002). Dans un clip tourné au cœur d’un désert voisin, au Texas, la troublante Berry, dont les chansons sont aussi douces qu’un ongle, nuance, tout sourire aux lèvres: “N’ayez pas peur du bonheur/ Il n’existe pas/[…] Le bonheur conjugal/ Restera de l’artisanat local…” (Le bonheur, 2008). Effectivement, un couple sur trois finit par divorcer. Trentenaires ou quinquas, les conjoints ne sont plus ce qu’ils étaient! Ils ont le feu aux fesses et mènent leur vie bredi-breda…
Si l’immense majorité des couples se dit “oui” à la mairie, un ménage sur six refuse l’idée que l’amour puisse s’institionnaliser. Jeanne Moreau fait partie de ces affranchis. Dans Juste un fil de soie, elle déclarait en 1968: “Je suis prête pour l’esclavage/ Prête à recevoir vos hommages/ Mais pas la bague aux doigts/ Juste un fil de soie”. Quasiment quarante ans plus tard, Clarika implorait: “Je f’rais tout pour toi/ M’ach’ter l’intégrale de Sardou/ […] Je ferais baptiser nos filles/ J’arrêt’rais la Danette vanille/ Mais ne me demande pas/ Ma main, tu l’as déjà !” (Ne me demande pas, 2005).
L’État de nature, selon les “ananars”, sauvegarde la liberté quand l’avilissante société, dont le mariage intègre les fondations, attache ses cordes à nos pieds. Tout mariage, par définition, suppose un contrat. Et tout contrat entraîne des obligations… Le mariage ne peut donc être qu’une entrave à la liberté! C.Q.F.D. C’est ce que chanta Jean Ferrat: “Avec ces amours qui s’arrêtent/ Pas plus tôt dites qu’aussitôt faites/ Pour devenir loi conjugale/ Trois mômes et la vie à perpète/ Avec une femme qui te débecte/ Comme un paquet de linge sale” (La cavale, 1970). Un tableau qui donne la nausée. À rebuter la plus motivée des promises! Et choquer la ménagère de cinquante balais… “C’est d’les voir, les épouses/ Qui, de moins en moins belles/ Virent jalouses et n’inspirent/ Qu’un désir mensuel” (Les épouses, 2003) martèle Lynda Lemay, avant de reconnaître, piteuse : “Il est hors de question/ Qu’on m’épouse, mais je sais/ Que j’pourrais pas dire non/ Si tu me le demandais.”
Brassens, lui, clama sans fard son mépris de la société, de ses servitudes religieuses, policières et amoureuses. “Je ne me marierai jamais! assurait-il. Pourquoi faire, le mariage? Les gens se marient pour tellement de raisons, et qui ne sont pas des plus brillantes en général.”
Le mariage, à l’en croire, serait une agression qui bride les passions. Un miroir aux alouettes. Le libertaire de la chanson en fit une éblouissante création, l’une des plus belles chansons d’amour qui soient: “J’ai l’honneur de/ Ne pas te de-/ Mander ta main,/ Ne gravons pas/ Nos noms au bas/ D’un parchemin.” (La non-demande en mariage, 1966).
Le 23 mars 2008, l’ex-première Dame de France, Cécilia Ciganer-Albéniz, qui fut jadis mariée par Nicolas Sarkozy, alors maire de Neuilly, avant de l’épouser et de lui donner un enfant, convolait en grande pompe et en troisièmes noces, moins de deux mois après son ex-mari, et cinq mois après leur divorce, avec un riche publicitaire. Un événement sans doute assez sérieux pour que toute la presse en relate la mise en scène et les échos fastueux: trois jours de festivités à New York, avec 150 invités triés sur le volet. Qui dit mieux?

Baptiste Vignol


Avec la croix et la bannière

















Vous commencez à nous courir chère Madame de Fontenay. Vous vous prétendez femme de gauche ? Mais quelle farce! Vous colportez des idées réacs qui vont à merveille avec vos tailleurs, vos chapeaux et votre particule. Seule votre gouaille sent un peu la rue. Tout le reste pue le confessionnal. Retirer son écharpe à Miss France parce qu’elle a posé nue, ou sur une croix? Alors il aurait fallu interdire Gustave Courbet de pinceau parce qu'il a peint le naissance du monde. Caillasser Boris Vian parce qui est allé cracher sur nos tombes. Le problème n’est pas toujours ce qui nous est dévoilé, c’est parfois ce que l’on y voit. Dans le tableau de Courbet, il est à parier, chère Geneviève, que vous ne voyez qu’une nymphomane qui écarte vulgairement les cuisses pour nous exhiber de manière pornographique sa "chatte". Alors que Courbet a dévoilé ce qu’il y a de plus beau au monde, de plus sacré : le passage du noir à la lumière, notre point de départ commun, la porte de la vie. La saleté est dans votre tête Madame de Fontenay, pas dans les images que vous condamnez. N’oubliez pas que vos Dauphines bien respectables, celles qui défilent sagement, toutes vêtues qu’elles soient, provoquent des réactions d’indignation chez quelques intégristes. N’appliquez donc pas des méthodes, voire une censure que vous réprouvez quand vous en êtes victime. Certes, Valérie Bègue ne s’est pas livrée à de la photo d’Art, mais elle n’a pas non plus poussé la vulgarité aussi loin que votre défilé cathodique de chair fraîche. Surtout qu’il était diffusé, cette année encore, face au Téléthon ; ce qui aurait dû vous choquer d’avantage que l'image d’une jeune femme allongée sur une croix, si votre âme est un tant soit peu charitable ! Moi, la saleté, la vulgarité, l’impudeur, je la vois là.

Vincent Baguian

Parenthèse pétrole
















Puits de pétrole, Long Beach, 1948.
"J'ai fait cette photo pour qu'on se souvienne à quoi sert le pétrole, et ce que son extraction cause à l'environnement. J'ai dû me reculer pour trouver la perspective avec ces derricks proches les uns des autres. C'est comme ça que j'ai compris leur importance, leur dynamique et leur horreur. Ils ont complètement ruiné le paysage, comme vous le voyez... C'est mort, totalement mort."  (Andreas Feininger, Life)

« Ici c’est infertile/ Y a jamais eu d’arbre/ D’ici j’ai fait fortune/ Et puis j’ai eu du charme… » (La fin du pétrole, 2008). Sur son premier album, le chanteur Ludéal propose un titre alarmant : il y campe en pétroleuses blafardes, deux stars du monde pétrolier, la Louisiane, 3ème producteur des États-Unis, et Riyad, capitale de l’Arabie Saoudite, le troisième producteur de la planète. « Miss Louisiana/ Tu n’es plus une idole/ Pour Miss Riyad et toi/ C’est la fin du pétrole ». 
Loin d’être des lieux arides comme le prétend Ludéal, la cité de Riyad fut bâtie dans une oasis où poussaient des vergers et d’immenses palmeraies (ar ryadh signifie «les jardins » en arabe), tandis que la Louisiane a toujours été agricole, traversée par la rivière Rouge, l’Ouachita et le Mississippi. « Un kilomètre d’une rive à l’autre/ Quelques bateaux à roues… » (Mississippi river, 1976) chantait Nicolas Peyrac pour décrire cette ancienne terre d’aventure où l’on ne cherche « plus de pépites » puisqu’« on [y] a trouvé l’or noir ».
Il y a 150 ans, Edwin Drake créait la première exploitation pétrolière en forant un puits en Pennsylvanie. Ce carburant qui sauva la baleine d’une très probable extinction puisqu’on en utilisait l’huile pour l’éclairage public, fut rapidement appelé « or noir». Il deviendrait un symbole de richesse et de chance, le plus gros commerce mondial et ferait la fortune de quelques familles. Quant à son exploitation, elle nourrirait le sujet de nombreuses intrigues, de "Géant" (1955) avec James Dean et Elizabeth Taylor à "There will be blood " (2007) avec Daniel Day Lewis, en passant par "Dallas" (1980) et son fameux générique: “Dallas, ton univers impitable/ Glorifie la loi du plus fort/ Patrie du dollar, du pétrole… ». 
À la fin des années 70, passées les deux crises pétrolières dont le Vieux Continent sortit chancelant, le commerce du pétrole suscita quelques aigreurs, jusque dans la chanson ! Michel Sardou, par exemple, toujours prompt à défendre la grandeur française, stigmatisait les Émirats : « Ils ont le pétrole/ Mais ils n'ont que ça » (Ils ont le pétrole mais c’est tout, 1978), argumentant aussitôt : « ils n'ont pas d'eau,/ Pas d'neige en montagne,/[…] Que des sables chauds ». C’est à cette époque également que l’on s’aperçut qu’une croissance de la production ne pourrait être maintenue sans épuiser les réserves. Un constat rassurant pour Sardou qui précisait, se montrant un brin xénophobe : « Ils ont le pétrole/ Pour 30 ans ! […]/ On a des idées,/[…] Un Martel à Poitiers » ! Et Johnny Hallyday, l’autre analyste (de poche) de notre variété, se fendait de son commentaire, moins franchouillard, mais tout aussi caricatural : « C'est pas de l'or blanc, c'est de l'or noir/ Et ça fait des pétrodollars/[…] Paraît qu'y en a qui ont des idées/ J'voudrais voir leur bagnole rouler/ S'ils mettent autre chose dedans que/ Du pétrole » (Le pétrole, 1978). 
Avec les années 80, le mazout se retrouverait associé aux mots « pollution », « marée noire », « trou de l’ozone », « catastrophe écologique » et « réchauffement climatique ». Car la question de l’environnement commençait à nourrir le débat. Nouvel enjeu électoral, elle mettait en relief les travers du capitalisme. « Les puits, les derricks,/ L’Arabie, c'est où dîtes ?/ Compter les pétrodollars,/ Raffiner l’or noir » (Bidon de gas-oil, 1997) schématisait Louis Chedid, écartant au passage tout réalisme économique. De quoi vivraient ces pays sans leur trésor énergétique? Question sans intérêt ; ils subissent de fait un a priori négatif. Reprochera-t-on au Brésil d’avoir récemment découvert d’immenses gisements pétroliers qui devraient en faire prochainement l’un des nouveaux rois du pétrole ? Pourtant, au-delà de ces préjugés, comment ne pas rejoindre Chedid quand il observe : « Tuyaux d’échappement/ Cheminées qui fument/ Plus on en consomme/ Plus ça nous consume/ À croire que les hommes,/ C'est plus con qu’la lune... ».
La hausse de la demande, en particulier celle de la Chine, et l’épuisement des réserves de certaines régions, la Mer du Nord notamment, présagent la fin d’une époque. Les quantités que l’on extrait seront bientôt insuffisantes. La parenthèse pétrole se referme. L’homme aura donc mis 60 ans pour réduire à néant les réserves accessibles, dilapidant ainsi 60 millions d’années de travail de la nature. Les prix de cette huile minérale sont repartis à la hausse, atteignant des records historiques. 80$ le 12 septembre 2007, 90$ le 19 octobre, 99$ le 21 novembre. Le 2 janvier 2008, le baril franchissait la barre des 100$! Il s’élevait à 105$ le 6 mars, 109$ le 11, 110$ le 13…
Tout ce que nous consommons dépend du pétrole, l’ensemble de notre société s’organise grâce à lui (transports routiers et aériens, agriculture, pêche, industrie, fonctionnement des médias, téléphonie, télévision, internet…). Inhérent à nos vies, l’amenuisement progressif des réserves fera l’effet d’un long étranglement. 
En 1975, Ricet Barrier écrivait pour Les Frères Jacques une farce bucolique (« Quand il n'y aura plus d'pétrole,/ On s'promènera en carriole/ Parmi les fleurs, les feuillages ») mais visionnaire : « Quand il n'y aura plus d'benzine,/ Plus d'énergie, plus d'usine,/ Plus d'télé, plus d'téléphone,/ On r'd'viendra des autochtones/ Pour se réchauffer quand il gèle,/ On r'f'ra l'amour à la chandelle » (Plus de pétrole). Nous devrons alors ravaler notre soif d’apparat, de luxe et de clinquant, tous nos petits phantasmes de bobos parvenus ; et ranger où les 4x4 des temps révolus ? « Partez sur mon chameau/ Ou prenez mon cheval/ Mais n’espérez plus les fastes/ Dans ma Cadillac » (La fin du pétrole, 2008) résume Ludéal, quand Vincent Baguian fustige la morgue des nantis au volant de leur arrogance : « Rouler des mécaniques/ Le chic du fric/ Super, écraser en Ferrari/ Le moral du chômeur éconduit/ Maintenir ses distances/ Panne de décence/ L’être humain rétrograde à fond/ Cervelle sans plomb » (Hou hou je hue, 2007). 
C’est « une ère d’insouciance, de géopolitique compliquée et souvent aventureuse, d’énergie facile et de gaspillage » qui s’achève sous nos yeux, notait en avril 2005 le chef de cabinet du premier ministre Villepin, Bruno Le Maire (Des hommes d’État, Grasset, 2008). « Ce changement majeur, poursuit l’auteur, dont les journaux parlent peu, aura sur nos vies quotidiennes, sur nos mentalités, sur les rapports de force dans le monde, une influence autrement plus grande que l’attentat dans une station balnéaire qui fait l’ouverture du vingt heures. » (Lemaire évoque ici une série d’attaques terroristes perpétrées en Thaïlande et en Égypte.) Qu’attendent alors les politiques pour préparer l’avenir sans que cela s’achève dans des émeutes et du sang ?

Baptiste Vignol