Les chansons de Thierry Stremler

Son quatrième album-studio, RIO, est sorti en novembre 2011. Des chansons d'amour douces amères, en alternance avec des morceaux pop et légers. Comme un rayon de soleil qui fuserait du ciel  couleur papier calque qui chapeaute Paris en hiver. Mais un bouquet passé inaperçu. Désespérant. Thierry Stremler répond ici à quelques questions naïves nées pendant l'écoute de ce disque. On y apprendra notamment qu'il aurait pu être le chanteur préféré de Jean-Claude Bourret...


«Écoute bien mon cœur qui bat / Il bat pour toi». C'est sur ces mots que s'ouvre RIO, votre nouvel album. Pourquoi l'avoir baptisé ainsi?
Thierry Stremler - Tout simplement parce que j'ai fait la plupart des chansons à Rio... J'avais loué une chambre dans un appartement pendant un mois, dans le but d'écrire un album, et c'est bien ce qui est arrivé...

Vous étiez dans quel quartier? À quelle période de l'année? 
- J'étais à Santa Tereza, sur une montagne, à la limite du quartier de Laranjeras, entre mi-novembre et mi-décembre. Rio a vraiment influencé tout ce que j'ai écrit là-bas. C'est une ambiance générale, une culture, une nonchalance, un rapport à la musique et à la danse très fort... J'écrivais et composais la journée, et le soir, je sortais, et la musique était tout le temps présente...  Finalement jour et nuit...   J'en parle dans Écoute bien mon cœur qui bat. Le site naturel est aussi très beau et invite à la poésie...

Pas trop ému par les beach-socceuses qui taquinent le ballon sur Ipanema? Il y avait de quoi écrire une chanson.
- Ah, je ne crois pas les avoir vues, flûte...


En revanche, vous en pincez pour les serveuses ! «J'aime les serveuses / Ce fantasme est en moi.» (Les serveuses) Deuxième chanson du disque. Une chanson gag, plus légère, façon Dutronc période Lanzmann. Davantage dans le style de ce que l'on trouvait sur TOUT EST RELATIF (2000), votre premier CD produit par Thierry Ardisson, non? Des nouvelles de Thierry? 
- Non, ce disque n'a pas été produit par Ardisson, que je n'ai jamais rencontré, mais par le label Solid dirigé par Étienne de Crecy. Oui, le style peut rappeler TOUT EST RELATIF, c'est vrai.

Ça alors. J'étais convaincu que vous aviez été produit par Ardissong. Avec qui puis-je confondre?...
- Ça me dit vaguement quelque chose...  Mais je ne sais pas de qui il pourrait s'agir.

Pour le refrain des Serveuses, avez-vous fait appel à Michel Polnareff?... Michel Polnareff dont on dit qu'il rechercherait des auteurs. Après Rio, voleriez-vous sur Los Angeles si l'Amiral vous y invitait? 
- Non, c'est moi qui chante ! (rires) Bien sûr, j'irais à L.A. si l'occasion se présentait... Je suis fan de Polnareff, même si je suis loin de connaître toute sa discographie...

Nous allons demander aux moussaillons de faire remonter l'info!... «"Tu n’avais que de l’amour à m’offrir" / C’était bien la phrase qu’il te fallait écrire / Pour que je te fasse cette chanson» (Tu n'avais que de l'amour à m'offrir) Troisième titre, mais déjà la deuxième chanson d'amour, triste et belle. Une chanson digne de Françoise Hardy. Françoise Hardy, pour qui vous avez composé. Pourquoi ne pas lui avoir offerte? 
- C'est une chanson qui me concerne trop personnellement, c'est une histoire vraie ! Bien qu'un peu romancée, quand même... Je viens d'ailleurs de composer trois nouvelles chansons pour Françoise Hardy qui sortiront en novembre...

Comment vous êtes-vous rencontrés, Françoise Hardy et vous? Est-elle difficile, pointilleuse plutôt, dans le choix de ses collaborations?
- Je suis ami avec son fils depuis longtemps, j'ai donc été amené à la rencontrer quelque fois dans les années 90. Mais la vraie rencontre a eu lieu après qu'elle ait réagi à des chansons que je lui avais envoyées au début de l'été 2003... Oui, elle est très difficile, les choses doivent obéir à une logique et des critères qui lui sont extrêmement personnels, donc parfois difficiles à comprendre pour les autres... C'est donc intéressant de trouver une zone où les subjectivités se rejoignent. Ça se fait naturellement avec moi, quand on travaille ensemble.


«Qui sont les porno stars ?/ Ce sont les nouvelles stars» (Porno star). Et hop, un peu de up tempo. Seul morceau daté du CD, puisque les nouvelles stars sont désormais les nageurs de compétition. Camille Lacourt, Fabien Gilot, Florent Manaudou, invités sur le plateau du Grand Journal (Canal +) pendant le festival de Cannes ! Comme eux, êtes-vous tatoués?
- Non ! Mais le X n'est pas mort...  Bien au contraire, il ne cesse de se banaliser et est de plus en plus à la portée de n'importe qui possédant un smart phone...

«Inconsolable, irréparable / J’ai la vue sur le pain de sucre» (La vue sur le pain de sucre) Bien trouvée l'image du barbe à papa («Les nuages se collent au pain de sucre, etc») La photo intérieure qui illustre votre CD a-t-elle été prise de l'appartement que vous occupiez à Rio?
- Oui, c'est exactement ça !

«Économie», une chanson où le mot économie est mis en perspective à une trentaine de reprises. Que pensez-vous de l'approche néo-keynésienne somme toute assez classique défendue par François Hollande?
- Joker, j'ai le droit ?


«Nous n’étions pour être honnête / Pas de la même planète / Mais que veut la femme ?» (Que veut la femme?) Une autre perle de lenteur. Tant de chansons parlent des rapports de Vénus et Mars depuis John Gray... Pourquoi ne pas proposer de livret à votre CD?
- Uniquement pour des raisons financières... Pas de maison de disque, donc très peu d'argent.

Mais des featuring et des participations haut-de-gamme : Cyril Atef, Jeanne Cherhal, Fixi, Seb Martel... Comment se fait-ce, d'après vous, au-delà de la crise du disque, qu'un artiste aussi estimé que vous par ses collègues n'ait pas de label? Vous êtes fâché avec tous les D.A. de la place ou quoi?
- Non, pas du tout. Simplement, on vit dans une époque «courtermiste» et quelqu'un qui, après avoir sorti trois ou quatre disques, n'est pas devenu une vedette, n'a déjà plus sa chance... Autrefois, il y a quinze, vingt, trente ans, les maisons de disque gardaient des gens qui ne marchaient pas pendant des années, leur faisaient faire jusqu'à cinq ou six disques avant de les virer. Aujourd'hui, c'est un ou deux et puis au revoir ! Comme toujours, les médias suivent la tendance...   Et c'est donc la surenchère à la nouveauté.


En parlant «collaborations», Mathieu Boogaerts, Albin de la Simone, -M- ont également travaillé avec vous. Vous êtes aussi l'un des rares chanteurs pour qui Jean-Louis Murat ait écrit une chanson, Le plus grand amour. C'était sur votre troisième disque, JE SUIS VOTRE HOMME en 2007. Comment cela s'était déroulé avec Murat?
- Je suis devenu fan de Murat à l'époque de l'album MUSTANGO. Plusieurs années après, alors que j'étais dans un train (pendant la tournée du spectacle «Fantômas revient»,) je l'ai rencontré au wagon bar. Nous avons un peu discuté, et quelques mois plus tard, je lui ai écrit pour lui demander un texte sur une musique restée jusque là sans paroles... Il a tout de suite accepté, tout s'est déroulé naturellement.

«L’été est bien avancé / Quand une lueur apparaît / Un espoir presque oublié / Soudain l’amour» (Et pourquoi pas?) Morceau lumineux, single en puissance, avec sa flûte traversière tendue comme le fil du téléphérique qui monte au Corcovado. Que sont les disques Daunay, votre label? Qui s'occupe de votre promo? C'est scandaleux que ce morceau n'ait pas cartonné! 
- Disques Daunay est une association, un tout petit label sans grands moyens... Concernant Et pourquoi pas ?, je n'ai malheureusement aucune explication, et j'ai bien peur de ne jamais en avoir !

Il existe un clip (à voir ici) réalisé par Ken Higelin, dont la morale pourrait être «Fais-la rire». Hervé Vilard chantait ça, et portait aussi des vestes blanches... Qui est la bombe sud-américaine qu'on voit dans cette vidéo?
- Zita Hanrot, une jeune actrice qui était serveuse quand je l'ai rencontrée !

Ah! Les serveuses... Dans le titre suivant, vous dites «Tu imagines même pas, j’ai raté le coche / Il est passé par là, mais j’ai raté le coche» (J'ai raté le coche) Auriez-vous donc le sentiment d'avoir raté le coche au milieu des années zéro? 
- Non, je parle d'une fille, d'un amour que je pense avoir raté parce que je ne me suis pas rendu à l'invitation qu'on m'avait faite...

En revanche, «Un jour à Saint-Brieuc / Dans une papeterie / [vous] accostez Lucie, / Une fille des plus jolies: / "Bonjour mademoiselle / Je joue ce soir à la Passerelle"» (La chanson de Lucie). Pour info, la Passerelle se trouve Place de la Résistance à Saint-Brieuc. Chanson autobiographique? Vous pouvez répondre: «Cela ne vous regarde pas!»
- Totalement autobiographique, tout est vrai.


Comme quoi les chansons miroir sont souvent les plus réussies. Lucie a bien de la chance d'avoir une chanson pareille... Et qu'en est-il, enfin, de ce morceau caché loin, très loin après La chanson de Lucie?
- J'ai eu une période où j'étais un peu obsédé par les OVNI, «la mythologie ufologique», etc... J'ai même fini par voir un truc très étrange dans le ciel, un jour... Cette chanson est l'histoire d'un homme qui a vu un ovni et rencontré des extraterrestres, mais qui décide de tout oublier pour ne pas devenir fou ! Et être pris pour un fou... Il essaie de se convaincre et de convaincre sa copine que c'est un délire, alors qu'il sait très bien que ce n'est pas le cas.

(entretien Baptiste Vignol)
(Photos Thierry Stremler de Thibault Montamat)

L'amère Pascale


Décidément Pascale Clark est insupportable. Ses questions tendancieuses, ses minauderies un peu grasses tenant davantage du rond de jambe hypocrite, ses petits rires entendus... Ce matin, 19 juin 2012, pour prendre le micro sur France Inter, et vanner - c'est aussi ça le style Pascale Clark - Patrick Cohen qui lui passait l'antenne, la journaliste le soupçonnait, avec  sa condescendance coutumière, d'aimer... Annie Cordy et Les Frères Jacques! Pascale Clark, en effet, engoncée dans ses certitudes quelque peu étriquées, ne peut que mépriser une chanteuse populaire comme Annie Cordy, à propos de laquelle Paul Guth en son temps écrivait : «C'est peu de dire que vous brûlez les planches, vous les calcinez... On a envie d'appeler les pompiers, de vous acclamer à coups d'extincteur.» Nul besoin cependant d'encenser Paul Guth, Annie Cordy reste appréciée des meilleurs... Mais pour ce qui est des Frères Jacques, le jour où, Pascale, comme eux, vous inspirerez l'admiration de personnalités telles que Francis Blanche, Georges Brassens, Raymond Devos, Léo Ferré, Serge Gainsbourg, Jacques Prévert, Raymond Queneau, Jean-Paul Sartre, Charles Trenet ou Boris Vian, vous repasserez. Railler sur leur âge des artistes dont on n'aura jamais le rayonnement, c'est à peu près aussi minable, Pascale, que de vous reprocher, par exemple, de ne pas avoir le physique de votre voix.

Baptiste Vignol

Mister McCartney


Soixante-dix balais aujourd'hui. Mais toujours dans le vent. «Et les chansons de McCartney, dis-moi, dis, tu t'en souviens?» chantait Alain Souchon dans Londres sur Tamise en 1974. Avant lui, Michel Delpech avait fredonné Et Paul chantait Yesterday (1970), tandis que Christophe, en s'adressant au frère jumeau de Macca, baptiserait un morceau à l'intrigue frappadingue : Merci John d'être venu (1976). Que de refrains consacrés aux Fab four depuis Je préfère naturellement de Serge Gainsbourg par Dalida en 1966 qui leur était toute dédiée... «Lennon est mort» en 1980, et Barbara Carlotti le rappelle dans Nuit sans lune sur son dernier CD L'AMOUR, L'ARGENT, LE VENT. Harrison n'est plus. Ringo bouge encore; la Grande Sophie lui a consacré une chanson, Ringo Starr, en 2003. Et McCartney continue d'émerveiller la planète. Voir un concert de Paulo fait partie des événements d'une vie. Cela m'est arrivé à plusieurs reprises, dont une, en 1993, dans un cratère qui borde Auckland en Nouvelle-Zélande. Nous étions 50.000 sous les étoiles, et ce souvenir demeure inoubliable.
En ce jour anniversaire, l'Anglais Paul Weller propose sur la toile un cover de Birthday.


En France, Jeanne Cherhal a posté sur sa page facebook l'adaptation d'un morceau oublié, Temporary secretary, paru sur le 33 tours MCCARTNEY en 1980. Ce single dont le texte pastichait celui d'une offre d'emploi, McCartney le sortit uniquement en maxi 45 tours, dans une édition limitée à 25.000 exemplaires. L'art de choyer - et de frustrer en même temps, vu leur nombre - ses fans.


De leur côté, Ours et June publient un clip rigolo, simple et malin, Please Mr McCarney. Coiffés d'une perruque à la Paul, Charles «Ours» Souchon et Julien «June» Voulzy supplient leur idole, une Hofner dans les mains, de les inviter à venir jouer de la basse avec lui dans son château en Écosse. Brillant et bien accordé!
Rendre hommage, c'est risquer d'être pompeux, prévisible, poussiéreux. La musique de Paul McCartney aura semble-t-il assez marqué ses admirateurs pour qu'ils soient, quand ils le fêtent, à son image, légers, pétillants et inattendus. Thank you Sir.

Baptiste Vignol