Dernier week-end avant Noël

Douze disques 2012? Dans le désordre douze cadeaux idéals pour ceux qui voudraient absolument offrir du made in french :


L'AMOUR FOU. L'élégance des mots, la perfection de l'interprétation, la justesse des mélodies, de Thierry Stremler notamment. Françoise Hardy, quoi. Et cette chanson, Pourquoi vous, épatant démarquage d'un vieux bijou de Guy Béart qui commençait par: « Ce qu'il y a de bon en vous c'est vous / Tout le reste de vaut rien du tout» (Vous).


FLIRT. Parce que Damien, c'est de l'amour à fleur de peau, un rayon de soleil plongé dans de l'eau froide. Une chanson qui brûlerait ses oripeaux, la caresse d'un maître, un voyage à Bagdad...


Le premier album solo de Séverin comporte douze chansons de pop française absolument charmantes et parfaitement indémodables.


VISE LE CIEL. Ne serait-ce que pour cette entame, dont seul Cabrel a les clefs : «L'hiver approche, le portail grince / La rouille le ronge, la pluie le rince...» (On ne va nulle part). Le reste est à l'avenant.


L'EXISTOIRE. Est-il utile de rappeler que Richard Desjardins n'est rien de moins que le plus magnétique des auteurs-compositeurs-interprètes en activité?


Avec L'AMOUR, L'ARGENT, LE VENT, Barbara Carlotti a réussi l'album qu'on n'aura jamais honte d'offrir à des amis non francophones. La production française à son sommet.


2 de Benjamin Paulin. «T'as des faux cils, t'as des faux seins, t'as des faux ongles / Malgré ça, il faudrait que je te croie / Tu dis que tes sentiments sont vrais...» (Les fleurs en plastique sont éternelles). Si les programmateurs-radios n'étaient pas à pendre, ils auraient fait de ce refrain l'un des cartons de l'année. Sans parler des autres tubes en puissance qu'étaient Je vais m'envoler, Paris m'appelle ou Variations de noirs. Des nuls.


LA PLACE DU FANTÔME. Le disque après lequel Zazie court depuis des années... Grande Sophie.


LISA LEBLANC. Quand en 2050 l'on s'interrogera sur un siècle de chanson québécoise (le premier disque de Félix Leclerc est sorti fin 1950), on pourrait bien placer Lisa Leblanc, née en 1990, entre Diane Dufresne et Robert Charlebois au pic de leurs formes. «Aujourd'hui, ma vie c'est d'la marde...» balance-t-elle avec une énergie contagieuse. Premier hymne d'une star en devenir?


LESCOP. Le mec à cause duquel Étienne Daho, qui n'a pas fait grand chose depuis CORPS ET ARMES en 2000, serait bien inspiré de les rendre.


Tout est bon dans LE DERNIER PRÉSENT - si l'on écarte l'inutile morceau qui tend le micro à Renan Luce. Une question cependant pour Alexis HK:
- Charité populaire invite, au nom de la tolérance, à fréquenter les «beaux quartiers» pour honorer les femmes de droite. Deuxième chanson de votre répertoire, après Coming out, à mettre ce mot sale en lumière. Entre un «anarchiste de gauche» type Ferré et un «anarchiste de droite» genre Brassens, de quel côté votre cœur centriste penche-t-il? Hein?


VERS LES LUEURS. La voix, Dominique l'a. Le style, idem. Quant à l'intelligence du grand chauve, elle nous élève. Éblouissant.


MESSINA de Damien Saez enfin. Triple album quatre étoiles, dont la dernière chanson, Châtillon-sur-Seine, mériterait à elle seule 15€.

Baptiste Vignol

Le risque Barbara


Sollicitée en vue d'un ouvrage qui paraîtra en janvier 2013 et pour lequel lui était demandée la liste de ses 10 chansons de chevet, Daphné avait dévoilé son Top (Quand on n'a que l'amour - Brel, Marilou sous la neige - Gainsbourg, La Ballade Irlandaise - Bourvil, Quand je serai KO - Souchon, La vie en rose - Piaf, Tu verras - Nougaro, Dis, quand reviendras-tu? - Barbara, Manchester et Liverpool - Laforêt, Mistral Gagnant - Renaud, et La chanson d'Hélène - Romy/Piccoli) avant de faire dire par un tiers qu'elle ne souhaitait finalement plus apparaître dans ce livre... La fatuité, qui s'accompagne toujours d'un peu de sottise, est source de déceptions. Si la présence de Daphné aurait été remarquée parmi Dominique A, Françoise Hardy, Michel Polnareff, Keren Ann, Renaud ou Anne Sylvestre, son absence, elle, passera complètement inaperçue. Prétentieuse. Une prétention à l'élégance et à la distinction. Au tout début du siècle, Daphné animait humblement dans le Poitou des séminaires en chantant en anglais. Son univers féerique la portait déjà, mais avec Vincent Baguian, puisqu'elle nous demanda conseil, nous lui avions suggéré de ne pas s'égarer dans les limbes de Kate Bush, et d'exprimer en français sa sensibilité... Deux ou trois ans plus tard, elle sortait un premier disque prometteur, L'ÉMERAUDE (2005). Hélas, sacrifiant à l'élitisme, CARMIN (2007) puis BLEU VENISE (2011), ses successeurs, furent des fours commerciaux. Probablement consciente du temps qui passe (Daphné est née en 1974) et souhaitant légitimement toucher du doigt le succès, la jeune femme reprend aujourd'hui, quinze ans après sa disparition, quelques grands titres du répertoire de Barbara. À l'origine, elle devait recréer sur scène un tour de chant donné en 1967 par la Longue Dame brune à Bobino, à l'instar de Jeanne Cherhal qui, en mars 2012, à l'occasion du quarantième anniversaire de sa sortie, joua dans l'ordre du disque les 12 morceaux du 33 tours AMOUREUSE de Véronique Sanson. Pourquoi briser le charme de cette idée première? Daphné a finalement décidé d'enregistrer un CD casse-gueule, platement intitulé TREIZE CHANSONS DE BARBARA. Connerie. Ce qui peut plaire au spectateur et même l'émerveiller grâce à la magie du spectacle vivant entraine forcément la comparaison dès lors qu'on en grave le son. Et là, l'ennui. Qu'on écoute seulement sa version de Dis, quand reviendras-tu... Au final, démoli par la critique, cette compilation s'avère un échec supplémentaire: 5.500 exemplaires vendus en six semaines d'exploitation. Le dernier naufrage?
Dans un dossier récent sur Barbara, Valérie Lehoux (Télérama) notait qu'il arrive à Jean-Louis Aubert et Vincent Delerm de chanter Dis, quand reviendras-tu?. Elle oubliait de préciser que la plus troublante des reprises demeure celle de Nilda Fernandez avec lequel d'ailleurs Barbara entretenait une correspondance et qu'elle appelait «mon cep». Cette peine empreinte de lassitude qu'il insuffle dans le vers «Je n'ai pas la vertu des chevaliers anciens». Le sens de l'interprétation, quoi.

Baptiste Vignol