Deux secondes d'éternité


La fille qui danse derrière Bernard Lavilliers, qu’on nous donne son nom! Des jours que le clip de L’Éxilé est visible sur le site Rue 89 sans qu’on puisse le regarder jusqu’au bout, tellement tout s’arrête à la vingt-troisième seconde de la deuxième minute quand elle surgit à l’image, plein centre, derrière le chanteur. Who’s that girl? Probablement l’amoureuse du réalisateur, à moins qu’elle ne soit l'ultime conquête de Bernard. Cette apparition fugace et ensorcelante ne peut être qu’un hommage. Deux secondes à l’écran, mais deux secondes de chaloupée parfaite. À tel point qu’étourdi, on ne sait pas vraiment comment se termine cette chanson, qui dure 3 min 44 sec.

Baptiste Vignol

Des coups de pied au cul qui se perdent


Révélation : personne dont il est brusquement donné au public de découvrir le talent, les performances. La dernière révélation de la chanson française.
Les Victoires de la Musique n’oublient pas de fêter les jeunes talents de la variété en leur dédiant une catégorie, la bien nommée “Révélation”. Mais plutôt que de faire simple en “nominant” quatre ou cinq artistes ayant publié leur premier ou deuxième album de chansons originales (il y avait de quoi cette année proposer un plateau plutôt coloré parmi Babet, Brune, Dorémus, Féfé, Féloche, Arnaud Fleurent-Didier, Katel, Karimouche, Ludéal, Zaz et sa petite comédie…), l’organisation des Victoires a cru judicieux de scinder ce trophée : une “Révélation du public” et une “Révélation scène” consacrent désormais les artistes “apparus récemment dans l’actualité musicale” explique le livret des Victoires. Bien.
Un listing comprenant deux cents prétendants a été envoyé mi-novembre aux professionnels du spectacle pour arrêter trois noms, parmi lesquels Bertrand Belin qui vient de sortir HYPERNUIT, sa troisième réalisation, son premier album datant de 2005 ;
Ag
nès Bihl, quatre disques au compteur (le premier, LA TERRE EST BLONDE, est sorti en 2001) + un Grand Prix de l’Académie Charles Cros pour MERCI MAMAN, MERCI PAPA en 2005 ;
Louis Ronan Choisy
, quatre CD à ce jour (le premier, D'APPARENCE EN APPARENCE, date de 2003) + une bande originale pour un film de François Ozon ("Le refuge", 2010) ;
Clarika
, cinq albums (le premier, J’ATTENDRAI PAS CENT ANS, remonte à 1993), finaliste avec JOKER du Prix Constantin 2006 (un prix justement créé en 2002 afin d’honorer les révélations de la production francophone, signe que pour les professionnels du disque, les Victoires de la Musique ne remplissaient pas leur mission…), des centaines de concerts, des duos enregistrés avec Michel Delpech, Michel Jonasz & Bernard Lavilliers ;
Eiffel
, cinq albums (le premier paraissait en 1996), autant de tournées au long cours + des collaborations avec Dominique A, Noir Désir, les Têtes Raides… ;
Lo’Jo, 28 ans de carrière, une dizaine d’albums, des spectacles en Russie, au Canada, en Allemagne, aux États-Unis, en Angleterre, en Australie, au Cameroun, en Nouvelle-Zélande, en Amérique Latine… ;
Florent Marchet
, trois CD (le premier, GARGILESSE, est sorti en 2004), Prix de l’Académie Charles Cros 2004, finaliste du Prix Constantin 2005 pour GARGILESSE puis en 2007 pour RIO BARIL, programmé à plusieurs reprises au Printemps de Bourges, aux Francofolies de la Rochelle et de Montréal, au festival des Vieilles Charrues…
Que des blancs-becs en somme, “apparus récemment dans l’actualité musicale”.

Moi, Clarika, chanteuse de variété, 18 ans de carrière, 5 albums, des centaines de concerts;
nominable aux Victoires de la Musique, catégorie "Révélation 2011".


Une sélection inepte, irrespectueuse pour les artistes sus-cités (un peu comme si l’académie des Césars nominait en 2011 Jeanne Balibar, Bruno Putzulu ou Natacha Regnier dans la catégorie “Espoir de l’année”), et parfaitement inutile quand on sait que la grande gagnante, et cela n’a rien d’une révélation, sera Camélia Jordana…
Le problème avec la cérémonie des Victoires, c’est qu’elle est devenue par trop prévisible, et la prévisibilité n’est pas signe de bonne santé artistique. Reste une chose à éclaircir : le nom des nullards qui ont établi cette pré-sélection.

Baptiste Vignol


Cliquer sur les images pour zoomer






Une explication vaudrait mieux

Les Victoires de la Musique. Il faudra qu'on nous explique. Mi-novembre 2010, la liste des artistes "nominables" aux Victoires 2011 (dont la cérémonie devrait se dérouler début mars au Palais des Congrès de Paris) est envoyée aux gens du métier, artistes, producteurs, éditeurs, directeurs artistiques, programmateurs radio, tourneurs, journalistes introduits... Un collège d'un millier de votants. De ce livret, par catégorie (artiste féminine de l'année, artiste masculin, révélations, albums rock/rap/musiques du monde, etc.), les zheureux zélecteurs doivent dégager un nom, et un seul ! Bonjour l'éclectisme. Les trois prétendants les plus cités concourront au trophée. Trois. Pas un de plus. Au diable le sectarisme.

(Cliquer sur l'image pour zoomer)

Elles sont 39 à pouvoir faire partie du trio de tête et décrocher une Victoire. Trente-neuf chanteuses, dont certaines étaient déjà présentes les années précédentes, avec peu ou prou le même produit, autrement dit son succédané: un disque live.
La question devrait se poser, mais elle ne se pose pas semble-il: un album studio, composé de chansons inédites, peut-il être comparé et concourir avec un enregistrement public composé de chansons anciennes? A fortiori, l’enregistrement du concert d’un artiste peut-il avoir quelque ambition quand son disque original le plus récent a été nominé lors d'une édition précédente? Bien que Vanessa Paradis ait emporté la Victoire 2008 grâce à DIVINYDILLE, elle concourt encore cette année avec UNE NUIT À VERSAILLES, captation d’un spectacle acoustique né dans la foulée de DIVINYDILLE ! Du pouvoir des majors de placer coûte que coûte leurs vedettes, au détriment de créations originales d’une part et de la diversité d’autre part. Qu'on en juge: Cœur de Pirate, qui ne dispose pas d'un nouvel album, se retrouve dans la liste des possibles prétendantes alors qu'elle était déjà nominée en 2010. Diam's l'est également pour l’incarnation scénique d'un CD sorti en octobre 2009 (S.O.S.) et curieusement oublié en mars 2010. Même chose pour Arielle Dombasle, retenue alors que GLAMOUR À MORT est sorti en avril 2009. Pour ce qui est d'Ariane Moffatt, toujours en course cette année, elle était déjà nominée en 2010, catégorie Révélation, tandis que (l'excellent) TOUS LES SENS est sorti en avril 2008... Sans parler des disques "nominables" avant même qu'ils ne soient dans le commerce! UNE NUIT À VERSAILLES de Vanessa Paradis et SOLEIL BLEU de Sylvie Vartan, par exemple, paraîtront le 29 novembre ! Comment voter pour un disque qui n'est pas sorti? Quant au CD de Line Renaud (RUE WASHINGTON), il n’a paru que le 8 novembre 2010, quelques heures avant l’envoi des bulletins… Façon d’imposer aux votants, et par ricochet au public, les productions jugées «importantes»? Dans son édition du 19 novembre, le Figaro annonçait que Warner espérait vendre 70.000 unités de RUE WASHINGTON, présenté comme un événement. C'est mal parti. Malgré le battage médiatique, il s'en est écoulé moins de 6.000 exemplaires (3.829 ex. + 2.033) en deux semaines d’exploitation...
Il serait tellement plus simple et plus juste de faire concourir des artistes qui ont publié un album de nouvelles chansons au cours des douze mois qui précédent la cérémonie.
Pour 2010, l'affaire au final se réglerait entre 3 ou 4 de ces demoiselles: Jeanne Cherhal (pour CHARADE), Françoise Hardy (LA PLUIE SANS PARAPLUIE), Claire Diterzi (ROSA LA ROUGE), Souad Massi (O HOURIA), Zazie (7) - car Zazie est toujours nominée!..., et Lynda Lemay (BLESSÉE). Il y aurait du suspens et du show.
Côté garçons, ils ne sont pas trente-neuf, mais quatre-vingt quatre (84!) à se disputer un fauteuil au Palais des Congrès, dans un embrouillamini de styles musicaux, de redites « live » et d'absurdités artistiques (Dany Brillant, Patrick Fiori, Gilbert Montagné, Michel Sardou…), sans que n'y figurent les disques remarquables d’Érik Arnaud (L’ARMURE, son troisième album-studio), Bertrand Belin (HYPERNUIT, son troisième), Louis-Ronan Choisy (RIVIÈRE DE PLUMES, son quatrième), Bertrand Louis (LE CENTRE COMMERCIAL, son quatrième) et Florent Marchet (COURCHEVEL, son troisième) qui sont tout sauf des débutants, mais jouent sous les couleurs d’un petit label… Les Victoires de la Musique, ça sent l'embrouille.

Baptiste Vignol


Dorémus avenue

Benoît Dorémus ira loin. Deux disques, JEUNESSE SE PASSE (2007), 2020 (2010), et déjà trois ou quatre chansons en béton: J'écris faux, je chante de la main gauche; Paris; De l'autre côté de l'ordi... Il est aussi le premier auteur-compositeur depuis Muriel Huster en 1977 (La chanson du loubard) dont Renaud ait enregistré les paroles et musique, Rien à te mettre, sur ROUGE SANG (2006).
Comme l'ont fait avant lui sur ce blog Françoise Hardy, Bertrand Louis, Lynda Lemay et Pierre Schott, Dorémus répond ici à quelques questions naïves nées pendant l'écoute de son plus récent CD.


« Quand je me douche plus d'dix minutes/ Je pense à l'ours polaire que j'bute » dites-vous dans Bilan Carbone qui ouvre 2020. Un chanteur de charme auvergnat, connu pour son goût de la provocation, affirmait récemment qu’il ne se voyait pas chanter les affres du changement climatique ou tout autre sujet sociétal, les seuls thèmes dignes d’intérêt étant selon lui l’amour et la mort (in La Montagne, 29/9/2010)… Comment vous situez-vous sur l’échiquier de la variété entre, disons, Jean-Louis Murat et Patrick Fiori ?

Dorémus - Sacré Brassens, c’est facile d’avoir raison quand on est mort… Cette fameuse théorie m’a souvent agacé. C’est comme si je vous disais que seulement deux sortes de films sont dignes d’intérêt : les films d’amour et les films de guerre. C’est pas un peu con ? Peut-être voulait-il signifier que derrière chaque thème se cache forcément l’amour, ou forcément la mort ?
En tant qu’auteur, je me sens particulièrement proche de ceux qui s’expriment à la première personne, qui savent mettre un peu d’eux-mêmes dans leurs textes. Renaud, Alain Souchon, en sont deux exemples. À les écouter, je me dis qu’il existe autant de thèmes de chansons qu’il existe d’états d’âme, et que tous sont dignes d’intérêt. Peut-être en revanche n’y a-t-il que deux manières de s’y prendre : la colère ou la poésie.

Comment vont les autres ? fait l'inventaire des vices et des névroses du siècle. Faut-il vouloir se faire du mal quand on s’évertue, en 2010, à prétendre gagner sa vie en faisant le chanteur ?

- Faire le chanteur ne me semble pas plus barjo qu’autre chose... J’ai écrit Comment vont les autres ? pour me souvenir qu’il existe mille manières de souffrir, mille degrés de souffrance, et qu’on peut s’en amuser. Je crois très fort qu’être chanteur peut servir quelquefois à soulager les autres, et j’étais trop flemmard pour faire médecine.


Que conseilleriez-vous aux bourgeoises luttant contre la surcharge pondérale ? Celles qui en période de diète vont au restaurant pour manger de la soupe et racontent comment elles ont essayé tous les régimes, en vain.

- Je leur conseillerais de baiser quand même.

Tu dors à contre-jour évoque l’inspiration, fulgurante parfois, qui peut s’évaporer si l’on ne la couche pas aussitôt…

- Souvent, mes chansons naissent d’une phrase qui me plaît, qui tourne et revient jusqu’à ce qu’elle se trouve une copine. D’autres fois, il s’agit d’un thème que je souhaite aborder, et c’est alors moi qui tourne autour en me demandant sous quel angle il faut attaquer.
Je n’écris pas facilement. Je profite donc à fond des moments précieux où « ça » vient, et cette question de l’écriture revient régulièrement dans mes chansons. Dans le meilleur des cas, la musique vient en même temps que le texte, mais ce sont souvent des chantiers parallèles. Et puis, il me faut une muse… ça simplifie bien des choses.

En parlant de muse, parmi les quatre grandes muses de la chanson française (Lolita S., sa maman, Brigitte B. et Charlotte G., une quinzaine de perles à elles quatre...), laquelle vous arrive-t-il de fredonner?

- Tiens c’est drôle, hier j’avais En cloque en tête un bon moment…

Des dizaines de chansons ont été écrites sur Paris, dont quelques monuments (Revoir Paris de Trenet, À Paris de Lemarque, Il est cinq heures de Dutronc, Rouge Gorge de Renaud, Rive gauche de Souchon…). La vôtre s’inscrit sur cette avenue. Remarquablement écrite, orageuse, intrigante et moderne, elle offre des images inédites (« J'aime Paris, j'aime Paris, j'aime Paris !/ Quand un orage éclate/ Ouragan aux Abbesses/ Silence de mort aux Halles/ Pour une fois que Barbès, tiens/C'est Palais Royal ! »). Comment vous est venue l’idée d’ajouter un titre à une liste déjà bien embouteillée ?

- C’est une amie chanteuse, Chloé Robineau, qui m’a suggéré d’écrire sur Paris un jour que je devais être particulièrement grincheux. J’avais déjà noté que chaque fois qu’un orage éclate à Paris, la ville se transforme et flotte hors du temps. Et j’ai commencé à faire ce tour d’horizon du Paris que je déteste et que j’aime à la fois.
La quantité de chansons qui a été consacrée à Paris ne m’a pas fait peur, au contraire, je suis heureux d’avoir apporté mon modeste caillou à l’édifice. En revanche, tout ce que j’avais à en dire a fait que cette chanson m’a demandé du temps.

Une chanson qui ne tombe pas dans le « concours de calembours bébêtes » ! Clin d’œil vachard au père Perret (Bercy Madeleine) et Marc Lavoine (Paris)?

- C’est cela. Je ne voulais pas me laisser aller à une chanson jeux de mots ou « place dropping ». Avec tout le respect et l’admiration que j’ai pour Perret, ce n’est pas ça que je voulais raconter de Paris.


« Pauv' vieux, va/ Qu'est-ce tu veux, quoi/ T'as la loose !/ Y m'en arrive une, y t'en arrive douze ». Voilà le refrain de ce qui pourrait être un tube radiophonique… Une chanson rigolote, une mélodie entêtante, qui rappelle les premiers succès de Renaud. Pas envie parfois de secouer les programmateurs radios ?

- Si.

Un « non » sec et définitif, à la Yann Moix, aurait eu de l’allure!... Bien des peintres ou des plasticiens ont consience d’être incompris, de ne pas coller à l’époque, d’être en avance, ou en retard, et s’en accomodent. Tous les écrivains sont persuadés d’avoir écrit un chef-d’œuvre mais savent qu’il y a peu de chance que le grand public en profite. Grace aux radios, le succès populaire est à portée d’oreilles des chanteurs ! Pourtant ce ne sont pas toujours les chansons les mieux écrites qui en bénéficient… Question au créateur: quand on écrit T’as la loose, pense-t-on à l’hypothétique succès en se disant: « Tiens, j’ai un tube », ou cette chanson n’est-elle qu’un titre parmi dix autres ?

- Au diable le panache, je ne suis pas un peintre ni un romancier, je fais de la chanson, art mineur immédiat, populaire et ancré dans son temps plus qu’un autre. Être incompris ne satisfait personne mais ce n’est pas mon cas, puisque vous êtes là !
Les radios sont un très bon moyen de se faire connaître, et par conséquent de faire de belles tournées. C’est aussi une priorité, un enjeu important dans cette industrie, impossible de l’ignorer quand on travaille au quotidien avec une grande maison de disque.
J’ai conscience que les grandes radios nationales ne peuvent favoriser que peu de jeunes auteurs compositeurs. Mais ce n’est jamais assez, c’est vrai. Pour ma part je suis diffusé régulièrement, je ne peux pas tout à fait me plaindre.
J’ai écrit T’as la loose ! en hommage à un pote abonné à la poisse. Je me suis rendu compte assez vite qu’elle plaisait beaucoup, d’abord à mes copains, puis à mon public pour qui c’est devenu un hymne, chacun étant persuadé d’avoir la loose plus qu’un autre, ce qui est étonnant, et réconfortant en un sens…

De l’autre côté de l’ordi est l’autre « grande » chanson de l’album (avec Paris), car elle inaugure avec classe une thématique, celle du téléchargement illégal. « Deux secondes pour vous parler d' ma pomme/ C'est peut-être mon dernier album ».

- Et oui, à ce qu’il paraît, la musique a connu des jours meilleurs. J’ai toujours eu envie de faire ce métier, et y parvenir, bon an mal an, est une grande satisfaction.
Comment sortir de la crise ? Si je savais, mon bon monsieur… Aucune idée. Le jeu vidéo va très bien, lui. Pourtant, le support est un disque lui aussi… et vachement plus cher. Je ne comprends pas tout, vous voyez il vaut mieux que je m’en tienne à écrire mes chansons.

Est-ce un sujet de conversation entre chanteurs, d’inquiètude ? Bizarre, mais on a l’impression que ce sont les anciens, emmenés par Françoise Hardy, Jean-Claude Carrière, Jean-Jacques Annaud, qui se sont d’abord mobilisés dans ce combat contre le téléchargement illégal, Françoise Hardy affirmant carrément avec courage et bon sens vouloir « défendre son gagne-pain » ! Et vous êtes le premier a avoir écrit sur ce thème.

- Je suis comme un type qui serait né pendant la guerre : je n’ai pas connu la belle époque où les disques se vendaient à la pelle. Je me sens très solidaire des « anciens » bien évidemment. Il faut que les chanteurs, les auteurs, les compositeurs, soient rémunérés correctement, comme n’importe qui travaillant dur. Une société qui prend soin de ses artistes et qui protège ses fous, c’est signe de bonne santé.
C’est évident, beaucoup de créateurs souffrent, comme de nombreux corps de métier, après tout. C’est une époque difficile que nous vivons, bien qu’il soit très rigolo de tripoter un Iphone.
Il faut tâcher de ne pas avoir trop la trouille et s’efforcer, dans les moments d’optimisme, à en avoir rien à foutre, ce qui me donne l’occasion de citer Khalil Gibran : « Et qu’est-ce que la crainte de la misère sinon la misère elle-même ? »
Bien sûr qu’on en parle, entre chanteurs. Et j’ai hâte de parler d’autre chose.

Patience, jeune homme, vous avez « les deux pieds dedans », mais le marché se resaisi(rai)t, selon Pascal Nègre (cf. «Sans contrefaçon», Ed. Fayard)! Depuis hier est un duo que vous interprétez avec Luciole. Pourquoi ce sous-titre : Acte II ?

- Deux pieds dedans met en scène un ado fugueur qui s’adresse à ses parents. C’est la première chanson que j’ai écrite pour ce nouvel album, j’ai donc pu commencer très tôt à la chanter sur scène. Soufflée par un spectateur après un concert, j’ai eu l’idée d’en écrire la suite logique : la réponse des parents à leur fils : Depuis hier, Acte II. Il me fallait donc une maman, et c’est mon directeur artistique chez EMI, Jorge Fernandez, qui m’a parlé de Luciole, que je ne connaissais pas. J’ai immédiatement aimé son timbre et son phrasé slam qui collaient très bien au débit de ma chanson. C’est une artiste qui vaut vraiment le détour et je conseille son premier album OMBRES.


Pas commun de trouver un titre comme CalumetLa première chose que j'touche le matin/ C'est pas une bouche rose, c'est pas des p'tites mains/ C'est pas des beaux cheveux, pas un cul/ Tout c'que j'veux, putain, c'est un putain d'cul d'joint ») qui ne condamne pas, ni n’encense, mais consigne.

- C’est une chanson impudique, je le crains. On m’en a félicité comme on m’en a fait le reproche. Effectivement, ce n’est pas une prise de position sur le pétard mais un alibi pour évoquer quelques états d’âme, encore une fois…

Chose rare est la chanson X du CD. Dans le genre, vous êtes plutôt Love on the beat (Serge Gainsbourg), Pourvu qu’elles soient douces (Mylène Farmer), Je m’appelle Galilée (Renaud) ou bien Où tu n’oses pas de Lorie ?

- Un choix pas évident, mais je pencherais plutôt pour Mylène sur ce coup-là. Faut pas me demander pourquoi… sans doute que je me projette, quand j’écoute une chanson X… J'aime bien Renaud mais bon…

« Tu sais les mecs causent aux filles/ Pour qu'elles se déshabillent/ Et si elles désapent les mecs/ C'est pour causer avec » (Gonzesse d’occase ). Pourrait figurer dans « Le bouquin des citations » de Claude Gagnère, chez Robert Laffont.

- Quand il y a de la gouaille au cinéma, je me régale bien sûr... Mais où qu’elles soient, les belles phrases me font toujours sursauter. Dans la rue, il m’arrive de ralentir pour écouter mine de rien les conversations, et je pique plein de formules, hé hé… parfois les poètes s’ignorent.

Vous dites sur scène, pour présenter 2020, que lorsque vous l’avez faite écouter à Renaud, il n’a rien compris à la chanson. Détail rassurant pour ceux qui dans votre public ont beau l’écouter mais ne la comprennent toujours pas! De quoi parle-t-elle?

- Il s’agit d’une lettre que j’écris à moi-même, et qu’il ne faut pas lire avant 2020. Certaines chansons sont immédiates, d’autres nécessitent plusieurs écoutes, ont plusieurs degrés de lecture. Il y en a même parfois auxquelles on ne comprend rien, mais qu’on adore, pas vrai ?


Concernant vos débuts, Sarclo, la guitare, Renaud, tout ça, c’est de la légende ?

- Quand j'ai dit à Renaud récemment que cette histoire, ça allait faire cinq ans, il a ouvert de grands yeux et nous nous sommes dit que le temps, décidément, ce petit enfoiré, passe vite… Cette rencontre a été un coup de pouce extraordinaire pour ma carrière. Jusque là, ça se passait pas trop mal, je chantais dans les petits lieux parisiens et le "métier" commençait doucement à s'intéresser à moi, comme je m'intéressais à lui.
En Suisse, j'ai fait la rencontre de Sarcloret, un chanteur comme on n'en fait plus et ami de longue date de Renaud. Sarcloret cherchait un prétexte pour me faire rencontrer Renaud. Il m'a alors confié une vieille guitare, une jolie Martin des années 1930, que j'ai été chargé d'aller remettre à Renaud. C'était déjà pour moi un sacré événement bien sûr. Mais, pas fou, entre vouvoiement et intimidation, j'ai eu le cran de lui filer en même temps mon disque autoproduit, PAS EN PARLER. Il a d'abord râlé en me faisant comprendre qu'il ne l'écouterait probablement pas, mais a commencé à lire les paroles devant moi... bonjour le slip... Puis il a relevé les yeux, m'a serré la louche... Deux jours plus tard il m'appelait pour me proposer de devenir mon producteur. Re-bonjour le slip (un autre).
Ce que j'aime aussi beaucoup dans cette histoire c'est que cette amitié dure, que nous avons appris à nous connaître - ce qui n'est pas évident tous les jours. Sarcloret m'a fait là un des plus beaux cadeaux de ma vie.

Pour finir en beauté, vous avez la possibilité d’obtenir l’un des trois avantages suivants. Lequel ne choisissez-vous pas? Le déhanché de Shakira. La voix de Marc Lavoine. Une nomination aux prochaines Victoires de la Musique catégorie “Révélation de l’année” puisque le Prix Constantin n’a pas jugé bon vous retenir.

- Le déhanché de Shakira sans hésitation. Je n’en suis pas loin, j’ai un cul d’enfer. Et le reste devrait suivre…

(entretien Baptiste Vignol)
Photos Dimitri Coste

Ces femmes qui donnent tout


Les actrices. Ces femmes qui donnent tout sur l’écran. Sans simagrées. Les chanteuses aussi font du cinéma, quand elles se mettent en clip. Alors pourtant, tout redevient bégueule. Comme si Bardot n’était pas passée par là, il y a 50 ans déjà…
Lucie Bernardoni (elle devrait quand même changer de patronyme), 23 ans, niçoise d’origine italienne, et qui fut finaliste malheureuse de la Star Ac (saison 4) face à feu Grégory Lemarchal, dévoilait hier sa nouvelle vidéo: Juste mon homme. Elle y apparaît dévêtue. Et les commentateurs de s’enthousiasmer : “Bravo Lucie pour l’audace !”, de persifler: “Du buzz à bon marché...” ou de s’évanouir: “Une ex de la Star Academy sort un clip érotique!” Emmanuelle Béart, Juliette Binoche, Catherine Deneuve, Sophie Marceau, Ludivine Sagnier, Romy Schneider… ont-elles eu un jour à rougir d’être nues à l’écran ?
Étonnant comme par rapport aux actrices, les Dalida 2010 sont prudes et mijaurées, elles qui rêveraient toutes de faire du cinéma! Sûrement pour ça que les grandes actrices sont des stars, parfois éternelles, auxquelles les chanteurs dédient des chansons et André Popp consacra tout un 33 tours de collection, MY MOVIE DREAMS (1974), quand leurs consœurs de la variété ne sont que de gentilles vedettes, au mieux des étoiles filantes.


Bien entendu, la chanson a eu ses affranchies. La poitrine nue de Diane D., sur pochette et sur scène, à la fin des années 70, avant Madonna; celle de Catherine L. dans le livret du 33 tours GERONIMO (1980); les fesses de Mylène F. dans Libertine (#13, octobre 1986) et Pourvu qu’elles soient douces (#1, novembre & décembre 1988); l’aréole de Patricia K. dans le sensuel et goldmanien Il me dit que je suis belle (#3, décembre 1993) : "Ses mains me frôlent et m'entraînent/ C'est beau comme au cinéma"… Aujourd’hui, ce sont les seins de Lucie. La brune aurait eu tort de ne pas les montrer! Ils lui donnent l’aubaine d’être écoutée (80.000 connections en deux jours, malgré la censure de Youtube!). Drôle d’époque.

Baptiste Vignol



L'ombre de Bertrand Louis

C’est début 2010 que Bertrand Louis tirait son quatrième missile. La guitare élégante, le timbre particulier, net et précis, le parisien s’affirme comme l’un des auteurs-compositeurs les plus doués du championnat. Il répond ici aux quelques questions naïves nées pendant l’écoute d’un album aussi noir que le cul d’une poêle.


LE CENTRE COMMERCIAL (OU L’HISTOIRE D’UN MEURTRIER) est ce qu’on appelle un concept-album, dénomination souvent dénuée de sens, mais qui s’impose dans l’avant-dernier morceau du CD: “Et c’est là, je ne sais pas ce qui m’a pris/ Dans le centre commercial/ Ou enfin, plutôt si/ J’ai sorti un fusil/ Dans le centre commercial/ C’était comme au ralenti” (Le centre commercial)… Comment présenteriez-vous le héros de cet album très cinématographique?

Bertrand Louis - C’est vrai que je n’aime pas trop ce terme de concept-album, mais bon il faut bien se ranger quelque part. Je me suis rendu compte en écrivant les chansons qu’elles suivaient toutes le même but, celui d’un type qui déraille. Ce qui m’a surtout motivé, c’était de faire quelque chose d’unitaire, au niveau des sons utilisés, de la manière d’écrire et aussi de traiter des thèmes qui évoluent au cours du disque. Je n’ai pas vraiment pensé cinéma. Le héros, l’anti-héros plutôt, est quelqu’un de (trop) sensible qui se prend en pleine gueule les travers de notre époque et qui les rend coup pour coup. De victime il devient bourreau.


Plusieurs thématiques viennent soutenir l’histoire de votre meurtrier. À commencer par la solitude, l’ennui, le manque d’amour, qui hantent le morceau d’ouverture, plutôt caustique, Les yeux secs. Trouveriez-vous insultant qu’en écoutant votre disque, en feuilletant le livret, en découvrant ses photos sur-urbaines, l’on songe très vite aux Villes de solitude d’un certain Michel Sardou (#7 en avril 1974)?

- Putain, Sardou carrément ! Je ne sais pas, je ne connais pas ce disque…

Sardou y disait : « Dans les villes de grande solitude/ […] J'ai envie de violer des femmes/ De les forcer à m'admirer/ Envie de boire toutes leurs larmes/ Et de disparaître en fumée ». Et ça avait fait un tube…

- C’est pas mal en fait ! C’est vrai qu’avec la banalisation du porno et la provocation du désir, on a de moins en moins envie de se taper les intermédiaires (le resto, pas le premier soir…, etc). Sinon le thème de la solitude moderne a été déjà traité mais je ne pense pas que ça soit un thème dominant de mon album. Le point de départ est plutôt l’impossibilité d’aimer ou plus généralement d’éprouver un sentiment, et non le manque. Les yeux secs c’est quelqu’un qui ne pleure pas - ou plus, qui est froid et ça le rend fou, il veut ressentir quelque chose à tout prix, quitte à ce que ce soit de la souffrance, c’est une sorte de masochisme. Between grief and nothing, I will take grief. Finalement, quand on se sent exclu, on ne peut qu’aller vers la tristesse… ou la colère.

Mes yeux sont d’un bleu/ Very irresistible/ Plus profond qu’une carte bleue/ C’est terrible:/ Je ne suis pas jolie/ Je suis pire” (La Putain publicitaire) Après le thème de l’infinie solitude, vous fustigez dans la deuxième chanson du CD la société de consommation. Sous couvert de rock-électro, et mélodieux, LE CENTRE COMMERCIAL est-il un disque engagé ?

- Pour cette chanson là, je voulais mettre en valeur la provocation continue qu’exerce la beauté sur les affiches publicitaires. Parfois je reste pétrifié devant le visage d’une femme, cela me rappelle les statues de la Grèce antique au milieu de toute cette merde, c’est terrible ! Engagé, engagé… J’ai du mal avec ce terme je ne sais pas pourquoi, à la limite je préfère subversif. Je pense que le personnage du disque (c’est-à-dire moi en somme) vit dans une société de consommation et qu’il en subit naïvement les conséquences. Je trouve que le truc le plus symptomatique de nos sociétés, c’est que tout est récupéré et notamment la chanson dite engagée. C’est un peu comme les manifs : il faut demander une autorisation, déclarer son itinéraire, les casseurs assurent le spectacle… c’est débile ! Personnellement je préfère les émeutes.


D’où ce message récent sur le mur de votre page facebook : «Bertrand Louis veut de la casse, des affrontements, du bordel, de la poésie, des voitures qui brûlent ! » L’éloge de la racaille? Ou des sauvageons?... Bertrand Louis, nouveau ministre de l’Intérieur !

- Ministre de l’intérieur, ça a l’air bien payé alors pourquoi pas ? Ce que je veux dire c’est que les manifestations, ça ne sert à rien à part de voir la tête des socialistes qui sont là à attendre leur tour. Quant aux casseurs, ils brûlent les voitures de leurs voisins qui sont autant dans la merde qu’eux. Le jour où ils iront dans le 16ème ou qu’ils feront sauter la bourse de Paris, ça commencera à devenir intéressant.

Tu es mon âme/ Femme/ Petit drame/ Ma plastique/ Ma larme/ Mon Atlantique à la rame/ Quand tu écris ça pour moi…” chantez-vous dans Le degré zéro de mon écriture, morceau où, comme dans deux autres du disque, vous glissez des rimes complètes en anglais. Le français vous paraît-il être encore une langue propre à séduire les plus jeunes? Écoutez-vous vous même de la chanson française?

- J’ai utilisé un peu d’anglais effectivement, mais aussi un peu d’italien. Je l’ai fait pour élargir mon écriture qui tend de plus en plus vers une accumulation de slogans ou de phrases déjà existantes. C’est une représentation du monde. Je ne sais pas si c’est un signe des temps ou si cela a toujours été le cas mais on a vraiment l’impression que tout le monde s’en fout de la chanson française, jeunes y compris. De mon côté je me tiens au courant de tout ce qui se fait mais je n’en écoute plus vraiment. J’en ai beaucoup écouté et peut-être avec trop de passion. Brel, Gainsbourg, Ferré. Et du coup maintenant je ne ressens plus grand chose, j’ai trop brûlé. J’espère que ça reviendra.


Donnez m’en du divertissement/ Je m’ennuie tellement/ Et l’horreur, c’est comme le porno/ Alors donnez m’en des tas de ground zero/ Le monde est grand, rien n’est impossible/ Et moi j’en ai du temps de cerveau disponible.” (20h00) Ce titre où l’on voit s’inscrire en image subliminale le portrait lisse de Claire Chazal propose une accumulation des horreurs qui nous sont servies tous les soirs en prime time: attentats, tremblements de terre, enlèvements, réseaux pédophiles, tsunamis, épidémies, tueurs en série…

- Je ne regarde pas beaucoup la télé, sauf quand je suis trop angoissé et/ou que j’ai une gueule de bois sévère. Ça a un côté rassurant de regarder le 20 Heures, on se sent dans le monde. J’ai tendance à ne pas beaucoup m’informer non plus ; je veux dire que je ne suis pas collé à l’actualité. Parfois ça donne des situations assez drôles comme quand je n’étais même pas au courant qu’il y avait eu un tremblement de terre à Haïti, j’ai vraiment eu le sentiment d’avoir raté quelque chose.

Dis-moi pourquoi tu pleures/ Pauvre petite fille riche/ Attachée au radiateur?” (Scène de crime) Façon de planter le décor de la scène du crime, avec ce leitmotiv final, “Je ne jouis que si tu meures”, dont la crudité est assez inédite dans la chanson… Preuve qu’elle peut être féroce et traiter tous les sujets !

- J’ai mis beaucoup de temps à trouver l’accroche de cette chanson. J’avais l’obsession de parler de ça, de ce dont on nous abreuve au cinéma et dans les livres mais pas dans la chanson à qui on laisse le côté fleur bleue finalement. C’est vraiment mon passage préféré, quand le personnage (moi ?) se venge vraiment et de façon consciente de tout ce qu’il a subi. Je ne me suis pas senti sous influence en composant cet album, mais il y a des livres qui m’ont marqué, comme « Les racines du mal » de Dantec et peut-être aussi l’album THE WALL de Pink Floyd, que j’adorais quand j’étais gamin, pour le côté descente aux enfers. Mais c’est vraiment l’observation du monde qui m’a le plus dirigé.


Michel Houellebecq vous a donné l’autorisation de mettre en musique l’un de ses poèmes, Hypermarché Novembre, qui clôt l’album. Dans une interview récente, le prix Goncourt 2010 vous évoque (ici, la vidéo) en parlant de la chanson On n’est pas à l’abri d’un succès, qui a tout du single radiophonique! (ici, le clip de On n'est pas à l'abri d'un succès) Vous avez produit cet album. Comment peut-on envisager votre métier de chanteur quand les radios restent sourdes à ce qui est tombé dans l’oreille du plus grand écrivain français contemporain?

- Concernant Houellebecq, je suis surtout tombé amoureux du disque [PRÉSENCE HUMAINE, 2000] qu’il a fait avec Burgalat, du coup cela m’a amené à lire ses poèmes. Quant à mon métier de chanteur, c’est là toute l’ambiguïté de ma situation ! Peut-être que les radios ont du mal à diffuser une chanson qui se moque du succès.

Et quand le métier dédaigne un album comme LE CENTRE COMMERCIAL dans sa sélection du Prix Constantin 2010 par exemple ?... Comme quoi les maisons de disques font la loi ! Comme on a pu prétendre que l’avenir, c’était myspace, diriez-vous qu’il appartient aux petits labels, qu’il est dans l’auto-production ?

- Myspace peut être un bon outil promotionnel même si tout le monde trouve ça déjà has been. Enfin moi je m'en sers comme d'un site internet gratuit. Mais il favorise aussi toute une flopée de trucs médiocres qui brouillent le paysage... Un petit label indépendant c’est un mythe, cela n’existe pas à part quelques exceptions; Tricatel par exemple. La plupart du temps ce sont des gens qui veulent être calife à la place du calife. Être indépendant, c’est construire sa cabane dans les bois, ce n’est pas camper à côté des douves du château. L’avenir, je ne sais pas, je ne suis pas devin. Quant à moi je suis en pourparlers avec mon label pour le prochain. Le vrai problème quand même c’est que l’autoproduction diminue énormément les moyens, on peut s’en sortir avec un ordi et pas mal de travail mais ça ne remplacera jamais un gros studio et de bons musiciens. Vous imaginez FANTAISIE MILITAIRE en autoprod ?

On n’est pas à l’abri d’un succès chante la soif de reconnaissance, et cette chanson vous aurait été inspirée par l’émission Star Academy. Avec le recul, pensez-vous que ce genre de programme a fait autant de mal à la variété qu’on a pu le dire?

- Non, je ne pense pas. Par contre cela renforce l’idée qu’ont les gens qu’il faut absolument être une star avant toute chose.

Concernant les « professeurs » de la Star Ac, Patrick Besson écrivait en 2006 : «Comment croire aux conseils d’artistes qui n’on pas fait carrière ? Il faudrait, pour que les cours de la Star Academy soient crédibles, que Gérard Depardieu enseigne la comédie, Céline Dion le chant, Janet Jackson la danse et Pascal Obispo la musique. Le pire de tout est évidemment d’offrir un statut de star à des adolescents qui, dans 99% des cas, seront incapables de le conserver. Une fausse gloire fait plus de mal qu’un anonymat injuste. »

- C’est bête ce qu’il dit, des artistes qui ont fait carrière ne sont pas forcément de bons pédagogues. Mais bon, ça fait pitié tout ça quand même.

Y a-t-il un artiste pour qui et/ou avec qui vous aimeriez particulièrement travailler ? Puisque que vous avez collaboré avec Jane Birkin notamment.

- Il n’y a pas d’artistes avec qui j’aimerais travailler spécialement mais quand on me propose je dis toujours oui. Mon éditeur essaie de placer mes titres évidemment mais les chanteurs ou leurs D.A. en écoutent beaucoup trop, ça devient une pure loterie comme je le dis dans la chanson et en plus, ils doivent forcément passer à côté de perles s’il y en a. Jane Birkin je ne l’ai jamais rencontrée, elle a juste utilisé ma musique… Je trouve d’ailleurs son texte terriblement méchant et drôle à la fois, j’aime beaucoup et j’aimerais bien savoir de qui elle parle. («Vomis un bon coup/ Dans les chiottes de ta mère/ Tu verras ma gueule/ Dans la cuvette, qui hurle/ Dans les miroirs/ Tu vois ma tronche blafarde/ Recule devant l'horreur/ Écrase un cafard/ Écrase un gros cafard », Oh ! Comment ça va ?, 2008) Entendre une de mes chansons chantée par quelqu’un d’autre, c’est toujours un grand bonheur.

En 2000, vous apparaissiez sur les ondes avec la chanson À trente ans, l’une des toutes premières écrites sur les trentenaires (après J’ai 30 ans de Katerine, 1999), thématique phare des années 2000, le cinéma, le roman, la chanson, les enquêtes d’opinion (en septembre 2003, le Nouvel observateur titrait en Une “La rage des 30 ans”) s’étant focalisées sur ce palier de l’existence (Bon anniversaire, Bénabar, 2001; J’ai trente ans, Jérémie Kisling, 2003; Le passage oublié, La Grande Sophie, 2003; Les filles de 1973 ont trente ans, Vincent Delerm en 2004, etc.). Mais vous êtes le seul à les avoir chanter nettement, en détaillant, le verbe acide, l’angoisse d’avoir 30 ans à Paris: “Laisse-moi te décrire, toi qui te parisianises/ À trente ans/ Comme la vie de matérialise/ Appartement.” Dix ans plus tard, vous sortez l’angoissant CENTRE COMMERCIAL… Avoir quarante ans en 2010 ferait-il un bon angle de chanson?

- Et oui, je suis un précurseur ! (Si c’était une interview enregistrée il faudrait rajouter… [Rires]). 30 ans a été pour moi l’âge ou j’ai pris conscience que le temps passe, c’est con mais ça été un choc terrible. C’est de pire en pire à la quarantaine d’ailleurs. Une chanson sur 40 ans j’avoue que j’y ai pensé et qu’on me l’a demandé. Pour l’instant j’ai pris le contre-pied et j’ai écris une chanson qui s’appelle 17 ans, sur un jeune homme qui n’a pas la conscience du temps « Car je suis le centre du monde/ J’ai le sourire de la Joconde/ J’ai 17 ans/ Et j’emmerde le temps ».

Pour finir, si l'on vous disait qu'à part Gainsbourg ou Bashung dont il est devenu une tarte à la crème de comparer tous les chanteurs de talent et d'avenir, vous semblez avancer dans l'ombre d'un Jean-Louis Murat, version MUSTANGO, cela vous paraîtrait-il, disons, prometteur?

- Il y a quelques années je disais pour rire que j'étais un Murat des villes... pour son côté teigneux et solitaire. Et sinon, comme dit le proverbe (chinois je crois): "Rien ne pousse à l'ombre des grands arbres".

(entretien Baptiste Vignol)

Photos n&b Blondiephotographe, photo couleur Aurélie Lajoux

La nouvelle qui fait pschitt


Dans le flash de 6 heures, ce matin, sur France Inter, Bernadette Chamonaz relate en donnant rapidement le nom d’Hindi Zahra, lauréate du Prix Constantin 2010 : “une cérémonie qui s’est déroulée hier soir à l’Olympia et qui a débuté avec une invitée surprise venue chanter un duo avec Marc Lavoine, le président du jury…
L’auditeur épris de chansonnette s’interroge, en une fraction de seconde: Diable, qui a donc pu ouvrir cette soirée ? Pour en parler sur Inter, ça devait être formidable ! Disons... Isabelle Adjani ? Catherine Deneuve ? Sophie Marceau ? Voilà presque trente ans qu’on attend leur nouvel album. SOUVIENS-TOI DE M’OUBLIER date de 1981, PULL MARINE de 1983 et CERTITUDE de 1985. Isabelle, Catherine ou Sophie… Cela aurait eu de l’allure ! À moins que ce ne fût Lady Gaga, Shakira, Scarlett Johansson ou Barbra Streisand. Une star, quoi ! De quoi accrocher la journaliste du 5-7.
Réponse, patatras: Carla Bruni. Mais qu’est-ce qu’elle nous chante, Bernadette ? Carla Bruni. En voilà une info qui vaut pas un pet de lapin. Carla Bruni est une aimable chanteuse dont le crédit artistique, il faut bien le dire, n'outrepasse pas celui de Patricia Kaas. Comment créer l’événement avec du vent?

Baptiste Vignol

Les vérités de Pascal Nègre


Pour qui s’intéresse à la chanson, une interview de Pascal Nègre dans Paris-Match, menée tambour battant par un Benjamin Locoge au sommet de sa forme, doit être lue avec attention.
Pascal Nègre sort un livre cette semaine, Sans contrefaçon (éd. Fayard). Il fait donc sa promotion, et avec lui, suppute-t-on, celle de la variété. Dans l’entretien qu’il donne à Paris Match (n°3207, du 4 au 9 novembre 2010), il se pose plutôt en un visionnaire revenu de l’enfer, interrogé par un Locoge qui affirme sans ciller : “L’industrie du disque se relève, le téléchargement légal entre progressivement dans les mœurs.” Première nouvelle. Il se télécharge légalement dix fois moins d’albums qu’il ne s’achète de CD
Avant de feuilleter cet ouvrage de 290 pages écrit en collaboration avec le professeur Bertrand Dicale, revenons sur quelques affirmations du “capitaine Nègre” comme le surnomme Benjamin Locoge, où Nègre dit tout et son contraire.

Une bizarrerie pour commencer : “Je rigole quand les rois du bon goût portent Joe Dassin au pinacle.” (P. Nègre)
Pourquoi cet amusement? Il n’a jamais fallu être un chantre du bon goût pour apprécier Joe Dassin ! Ni le grand public, ni la presse spécialisée, ni les artistes de variété ne l’ont jamais sous-estimé. Jean-Louis Murat, par exemple, n’explique-t-il pas depuis deux décennies, sans que cela ne fasse rire personne, que Dassin est son chanteur français préféré?

B.Locoge : “Vous avez dû affronter la crise. Comment vous en êtes-vous sorti?
Pascal Nègre de répondre, comme si la crise était passée : “Nous sommes revenus à nos fondamentaux : faire de l’artistique. On a essayé de produire des bons disques. On s’est battu pour signer de nouveaux talents…
Rien à dire sur ce point, si ce n’est qu’on serait curieux de savoir ce que les directeurs de labels fabriquaient avant d’à nouveau “faire de l’artistique”… La fête à Saint-Tropez ? Mais pourquoi prétendre avoir vaincu la crise quand on dépeint deux lignes plus tard le paysage actuel de la sorte : “Les artistes qui vendaient entre 50.000 et 100.000 disques [avant la crise] sont en train de disparaître ou ont déjà disparu. Ils arrivaient à vivre de leur métier, ils avaient bonne presse, quelques tubes, mais les ventes ont décliné jusqu’à 15.000 disques. C’est le cas de Michel Jonasz, d’Alain Chamfort et de tant d’autres…” Un constat tellement réjouissant?

B.Locoge: “Un artiste comme Michel Sardou est-il rentable aujourd’hui?
Rhoo, la question! Trop fort, Benjamin.
Et Nègre d’enchaîner: “Le dernier disque paru est dans les trois meilleures ventes depuis sa sortie en août. Ça va pour lui.
Faux. ÊTRE UNE FEMME 2010 se vend bien, vu le contexte, mais ne figure pas sur le podium depuis sa commercialisation. Voici d’ailleurs en détail l’évolution de son classement : la semaine de sa sortie (du 39/08 au 5/09), l’album atteint directement la 2ème du Top 200 (derrière FRONTIÈRES de Yannick Noah) en s’écoulant à 41.796 exemplaires. Puis, du 6/09 au 12/09, il demeure 2ème (derrière Yannick Noah) avec 22.625 exemplaires vendus.
Du 13/09 au 19/09 : 2ème (derrière Yannick Noah) avec 18 478 ex.
Du 20/09 au 26/09 : 4ème avec 10 124 ex.
Du 27/09 au 3/10 : 8ème avec 6 989 ex.
Du 4/10 au 10/10 : 5ème avec 8 979 ex.
Du 11/10 au 17/10: 3ème avec 7 471 ex.
Du 18/10 au 24/10: 6ème avec 5 477 ex.
Du 25/10 au 31/10: 7ème avec 8 067 ex.
Ce qui fait, en neuf semaines d’exploitation, un total de 130.000 disques vendus - beaucoup moins que ce qu’un Sardou pouvait écouler en une seule semaine il y a cinq ou six ans! Comment dire alors que le marché se redresse? Et pourquoi Pascal Nègre gonfle-t-il les chiffres d’un de ses artistes-vedettes? La vieille manie des patrons de majors…

B.Locoge: “Vous donnez votre version de l’affaire Johnny, qui a quitté Universal en 2004. À vous lire, on a l’impression qu’il vous a trahi.”
Hallyday aura fait ses meilleures ventes avec moi.” Noter le “avec moi”… Vrai.
Puis Nègre s’emballe: “Nous avons réussi à lui offrir des standards comme Allumer le feu ou Marie. Il a voulu partir, nous ne l’avons pas retenu. […] Mais il fait les choix qu’il veut, il est majeur après tout.
Précision qu’aurait pu apporter Benjamin Locoge s’il connaissait la chanson : Allumer le feu (#15ème, en août 1998) et Marie sont certes de grands succès d’Hallyday, mais les standards de Johnny, autrement dit ses tubes incontournables, sont plutôt à chercher du côté du Pénitencier (#1, septembre & octobre 1964), Noir c’est noir (#1, septembre 1966), Que je t’aime (#1, septembre & octobre 1969), Requiem pour un fou (#1, avril 1976), Gabrielle (#3, décembre 1976 & janvier 1977), J’ai oublié de vivre (#1, janvier 1978), Ma gueule (#8, février 1980), Quelque chose de Tennessee (#13, février 1986), Laura (#6, décembre 1987), Mirador (#3, juillet & août 1989)… En somme, la carrière d’Hallyday était largement faite avant que Pascal Nègre ne prenne la barre d’Universal en 1994.

B.Locoge: “Quelle est la raison profonde de la crise du disque?
L’absence de réaction immédiate des pouvoirs publics, répond Nègre. Depuis un an, c’est-à-dire depuis la promulgation de la loi Hadopi [promulguée en juin 2009], le marché du disque repart à la hausse. J’étais le premier, dès 2001, à tirer la sonnette d’alarme sur la piraterie. […] J’ai été surpris que personne ne réagisse…”
Tiens, tiens. À titre de comparaison, regardons les chiffres des ventes de disques en France aux mois d’octobre 2008 (1.900.000 CD vendus), 2009 (1.550.000 CD) et 2010 (1.000.000 CD). Une chute de plus en plus vertigineuse, loin de l’embellie annoncée par le capitaine Pascal Nègre qui n’a décidément pas le mérite des Aruspices d’antan qui eux savaient consulter les augures.

B.Locoge: “Vous annoncez avoir réduit votre salaire de 40%.”
Oui, le marché du disque s’est effondré de 50% en sept ans, c’était une décision logique. La plupart des artistes ont vu leurs revenus baisser de 40%. […] Je ne suis pas en train de faire la manche pour autant!
Étonnant comme l’on annonce facilement gagner désormais moins d’argent quand on en touche encore trop.

Enfin, l’ultime question posée par l’inénarrable Locoge pour clôre cet entretien de haute volée, tout en exactitudes: “Avez-vous sacrifié votre vie privée au profit de votre carrière?
C'est à chaque fois pareil, on se dit non, on ne va pas quand même pas pleurer en lisant une interview de Benjamin Locoge. On essaie de se retenir puis c'est le déluge. Dès que Locoge fait dans le sentimentalisme, on inonde son Match tellement l'on a de larmes dans les yeux.

Baptiste Vignol

Christian Pirot

- Je n’ai pas peur de la mort. Je l’ai déjà vue, en face, lors d’un accident de la route. Alors que la bagnole allait s’écraser, j’étais au volant, et je n’avais pas peur, non, je me disais simplement: “C’est con. Con que ça s'arrête comme ça”.
Christian Pirot était de ces personnes avec qui l’on parlait assez facilement, le soir, à la veillée, de la vie, de l’amour, de la mort, ce triptique thématique qui a toujours inspiré la chanson française, l’une de ses passions.
“Petit éditeur de province” comme il aimait se définir, Pirot rééditait des romans de Balzac, de George Sand, avait créé la formidable collection “Maison d’écrivain” (pour laquelle ont œuvré notamment Sylvie Genevoix, Jacques Lacarrière, Sylvie Germain, Jean-Marie Laclavetine), publiait des essais, des ouvrages collectifs (son dernier, le très réussi Les grands interprètes, paru en septembre 2010),


des récits autobiographiques (le plus récent étant Sur le boulevard du temps qui passe par Marcel Amont, sorti en 2009), des écrits sur le Berry, sa région… et des recueils de paroles de chansons, alors qu’on les trouve gratuitement sur l’internet.
- Tout le monde me dit que c’est une connerie, mais ces textes-là méritent de figurer dans des livres!
Ainsi était-il l'éditeur, entre autres, de Charles Aznavour, Georges Chelon, Gaston Couté, Leny Escudero, Brigitte Fontaine, François Hadji-Lazaro, Gilbert Laffaille, Bernard Lavilliers, Pierre Louki, Christophe Miossec, Georges Moustaki, Serge Utgé-Royo, Gilles Vigneault… pour des ouvrages soignés, lourds, cousus main.
Il était très heureux par exemple d’avoir vendu plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires des recueils de Bernard Dimey, “et il s’en vend encore!” précisait-il, le regard fier sous ses sourcils blancs. Bernard Dimey, peut-être son auteur préféré. Il faut donc citer le poignant Dimey, la Blessure de l’ogre, écrit par Yvette Cathiard, qui fut la compagne du poète, publié chez Christian Pirot en 1993.


Si Christian Pirot était le meilleur éditeur spécialisé dans la chanson, le plus courageux, le moins cupide, c’est parce que cet art, parfois, l’impressionnait. Il m’avait raconté avoir été l’un des premiers à repérer Renaud, en 1975, et à lui avoir adressé une proposition éditoriale qui était restée lettre morte. Pour autant, en 2000, alors que Christian m’avait donné rendez-vous à La Closerie des Lilas pour que nous parlions du pamphlet Cette chanson que la télé assassine qu’il allait éditer, le chanteur avait fait son entrée dans le café vide à cette heure creuse de l’après-midi. Aussitôt, Renaud s’était dirigé vers Pirot et l’avait salué d’une franche poignée de main. Touché, Christian m’avait dit: “Tu vois, ce mec a de la mémoire!
Que de souvenirs avec Christian, chez lui, à Saint-Cyr-sur-Loire, avec Laurence, sa moitié, autour de la table à manger, devant son téléviseur à regarder des matchs de foot, une autre de ses passions – tout s’arrêtait quand le Real jouait !-, ou bien encore à Randan où nous organisions ensemble le salon “La chanson des livres”; d’éclats de rire et de fâcheries aussi devant ses sautes d’humeur, son côté grincheux, intransigeant, ses jugements à l’emporte-pièce. Un type pas banal. “Chaleureux et bougon, tendre et moqueur, généreux et libertaire, il ne se laissait pas dicter ses choix par les modes mais par un goût authentique des mots et des paysages” rappelait récemment Le Magazine Littéraire qui lui rendait hommage.
Christian Pirot allait avoir 73 ans. Il est mort le 26 octobre, taclé par derrière, des suites d’une opération chirurgicale qui ne devait poser aucune difficulté. C’est con, a-t-il dû penser. Plus que ça, Christian.

Baptiste Vignol

Interview de Cristian Pirot

Comme un vague ricochet


Le quotidien Libération consacrait dans son édition du samedi 30 et dimanche 31 octobre 2010 une pleine page à Bertrand Belin. Belle initiative. L'album HYPERNUIT étant l'un des bonheurs de l'automne, discographiquement parlant. Mais pourquoi faut-il, sacrebleu, que des journalistes s'ingénient à prendre le lecteur pour un imbécile ? Serait-ce l'intérêt de Libé que ses lecteurs fussent imbéciles ? Imbécile... Un mot qui lui aussi mériterait décantation, tout autant que l'anodin vaguemestre ! En consultant le Dictionnaire culturel d'Alain Rey (vol.2 D/L), on peut lire pour définir l'indémodable locution Imbécile heureux: satisfait de lui. Avec pour illustration textuelle: "Y a des salauds, très dangereux/ Et des imbéciles heureux" (Renaud, Il pleut).
Rarissimes sont les paroliers cités en exemple par le linguiste Alain Rey. Tatatssin!... Revient alors en mémoire, dans un vague ricochet, ce vieux couplet rénaldien, aussi rigolo qu'inique : "Et c'était tellement navrant/ Que Libé a adoré/ Alors pour les remercier/ Je m'suis abonné, pas con !/ J'ai toujours besoin d'papier/ Pour emballer mes poissons..." (Chanson dégueulasse).

Baptiste Vignol