Le disque de l'année, c'est CLAIR


Ce blog n’est pas proprement destiné à la critique musicale qui nécessite culture et savoir-faire. Mais quand un album comme celui de JP Nataf vous tombe dans les mains, comment échapper au dithyrambe? Car CLAIR fait partie de ces disques miraculeux dont on ne peut se défaire, qu’on ré-écoute jusqu’à l’usure, qu’on ne pourra mettre au rebut et dont on redécouvre sous un casque la préciosité des arrangements. Bref, une merveille sur laquelle on pourrait s’enflammer des pages, alors autant faire court!
D’abord il y a cette voix, le timbre rocailleux de Nataf, qu’il fait bon réentendre parce son intonation magnifie des comptines à tiroirs. Vient ensuite la plume de l’auteur, obscure, singulière, muratienne parfois dans ses images ou le choix du vocabulaire, et qui “tend ses rimes au soleil” (Myosotis). Et puis enfin il y a l’art du musicien qui signe ici des mélodies lumineuses, entêtantes, addictives.
Rien à jeter de cet opus impressionnant où l’ombre bleue de l’enfance paraît partout pointer le bout de son nez, faisant regretter par exemple, servi sur une rythmique en or, que “quelque chose ici pue des pieds, pue le stress à plein nez, pue l’adulte, l’avachi.” (Seul alone)
Certains verront chez Nataf la patte de Cohen, le souvenir de Brian Wilson, le lustre de Paul McCartney, le brio de Neil Finn (pas étonnant d’ailleurs qu’on ait pu distinguer, en octobre 2007, lors du dernier passage à ce jour des Crowded House à Paris, dans une Maroquinerie pleine à craquer d’Australiens, de Kiwis et d’Anglais, les silhouettes fragiles de JP Nataf et Jean-Christophe Urbain, son complice des Innocents, venus comme en pèlerinage écouter un songwriter qu’ils adorent). Mais l’on verra surtout dans cette collection de bijoux ce qui fait de Nataf un mélodiste hors-pair, un parolier épatant (ah ! ces paronomases avec lesquelles il joue pour porter son chant), un interprète attachant : l’amour de la musique, auquel des surdoués vouent leur vie, pour lequel ils cherchent, trouvent et INVENTENT.

Baptiste Vignol

Vous avez dit Dominique A ?



Révélation : personne dont il est brusquement donné au public de découvrir le talent, les performances.” (Le Robert)

Comme le cinéma célèbre chaque année avec ses prix Romy-Schneider pour les actrices, et Patrick-Dewaere pour les acteurs, un espoir du grand écran, la chanson honore depuis 2002, grâce au Prix Constantin - du nom de Philippe Constantin, célèbre découvreur de talents (Julien Clerc, Jacques Higelin, Étienne Daho, Rachid Taha, Stephan Eicher...)-, les “10 artistes révélations qui ont marqué l’année musicale” [sic].
Artistes révélations, donc.
Le Prix Constantin 2009 revient à Emily Loizeau pour son deuxième album, PAYS SAUVAGE. Rien à redire. Sauf qu’une énigme demeure. Parmi les dix chanteurs ou groupes sélectionnés, figurait cette année un certain… Dominique A, pour LA MUSIQUE, son huitième album! Le premier, LA FOSSETTE, est sorti en 1992. Dominique A, que l’on considère généralement comme l’un des auteurs-compositeurs-interprètes qui ont le plus influencé la production française des deux dernières décennies...
Déjà nominé aux Victoires de la Musique (catégorie “Découvertes”) en 1995, il chantait alors son fameux Twenty-two bar, Dominique A devait tout de même se demander ce qu’il fabriquait lundi soir sur la scène de l’Olympia parmi BabX, Orelsan, Emily Loizeau ou les DJ de Birdy Nam Nam. Finalement, c’est heureux qu'A n’ait rien décroché! Le palmarès aurait sans doute eu du mal à assumer, sans paraître ridicule, l'inscription de son nom après ceux de Mickey 3D, Cali, Camille, Abd Al Malik ou Daphné, quelques-uns des lauréats précédents.

Baptiste Vignol

De chrysanthèmes en chrysanthèmes



On ne compte plus les chansons ayant pour thème les cimetières, les croque-morts et les enterrements. En voici d’ailleurs un bouquet : Un monsieur me suit dans la rue (Édith Piaf), Deux escargots s’en vont à l’enterrement (Lys Gauty), Le fossoyeur (Georges Brassens), Le testament (G.Brassens), Jean rentre au village (Georges Brassens), Les funérailles d’antan (Georges Brassens), La balade des cimetières (Georges Brassens), Le moribond (Jacques Brel), Tango funèbre (Jacques Brel), J’arrive (Jacques Brel), Les chiens qui suivent les enterrements (Henri Tachan), Supplique pour être enterré à la plage de Sète (Georges Brassens), Y’aura du monde (Barbara), À mon enterrement (Léo Ferré), Si ce jour-là (Georges Moustaki), Les funérailles (Angelo Branduardi), P’tite conne (Renaud), Croque (Thomas Fersen), À l’enterrement de ma grand-mère (Sanseverino), Je gagne ma vie avec les morts (Vincent Baguian), La fille du fossayeur (Alexis HK)… Quelle plaie ! Avec son cortège de traditions, de prières et de questionnements. La Mort, l’Absence, la Mémoire, l’Au-delà.
Toute une liturgie dont Benjamin Biolay vient de réduire la convenance en poussière, en deux vers seulement, pour pointer l’essentiel : « Si tu ne fleuris pas les tombes / Mais chéris les absents» (Ton héritage). Ainsi soit-il.

Baptiste Vignol