Nouvelle vague

11 albums (pourquoi 11? parce que) par décennie pour se constituer la discothèque idéale, à l'heure où le CD se meurt. Et nous voilà déjà dans les années 60... Que chantait-on il y a cinquante ans, quand Johnny se trémoussait sur Souvenirs, souvenirs et qu'on passait doucement du 25cm au 33-tours ?
Voilà 11 joyaux à retenir :



LES FUNÉRAILLES D'ANTAN
(1960) de Georges Brassens. Le terme yé-yé n'était pas encore inventé, mais l'on s'agitait déjà au Golf Drouot. L'idole du moment s'appelait Sacha Distel. La chanson française se variétisait, mais Georges Brassens, comme à chaque fois qu'il publiait un nouveau disque, mettait tout le monde d'accord. Huit bijoux figurent sur ce 25 cm, dont un solitaire, L'Orage.



PANAME (1960) de Léo Ferré. Bien sûr, Léo Ferré a déjà enregistré La vie d'artiste (1953) et Monsieur William (1954). Mais il livre-là un recueil somptueux sur lequel on peut découvrir Paname, Merde à Vauban, Les poètes, Jolie môme (que Ferré hissera dans le hit-parade parmi les premiers succès des Chaussettes Noires, de Richard Anthony, de Johnny Hallyday) et l'incroyable Comme à Ostende ("On voyait les chevaux d'la mer / Qui fonçaient la tête la première / Et qui fracassaient leur crinière...") sur des paroles de Jean-Roger Caussimon. Un chef-d'œuvre.



LE CINÉMA (1962) de Claude Nougaro. Pour ses débuts, Claude Nougaro tire le gros lot : Le cinéma, Une petite fille, Le jazz et la java (initialement écrite pour Marcel Amont) et Les Don Juan ! Quatre classiques intemporels. Cécile, ma fille sortira quelques mois plus tard... Nougaro s'impose d'entrée comme une figure majeure de la chanson française.



N°2 (1965) de Barbara. Voilà 12 ans qu'elle a débuté à l'Écluse. Ses premiers enregistrements sont des reprises d'Yvette Guibert, de Georges Brassens et Jacques Brel. C'est avec cet opus de chansons originales, son deuxième (le premier contenait tout de même Dis, quand reviendras-tu?...), que Barbara devient une immense vedette. Et pour cause, Le mal de vivre, Gottingen, La solitude ou Une petite cantate la propulsent illico parmi les géants du Music-Hall.



POTEMKINE (1965) de Jean Ferrat. L'exemple type du chanteur dit "de qualité" apparu au début des années 60. Je ne chante pas pour passer le temps affirme-t-il sur cet album où il salue notamment les mutins du cuirassé Potemkine. Ferrat sera censuré mais sa chanson (Potemkine) atteindra la première place du hit-parade devant Michelle des Beatles ! À retenir encore C'est si peu dire que je t'aime et On ne voit pas le temps passer. Du sérieux.



MICHEL POLNAREFF (1966) de Michel Polnareff. Dès son premier 33 tours, il révolutionne la variété. Et n'a que 22 ans ! Formidable mélodiste, chanteur incomparable, Polnareff offusque la morale en déclamant crânement - deux ans avant mai 68 : "Il est des mots qu'on peut penser / Mais à pas dire en société / Moi je me fous de la société / J'aimerais simplement faire l'amour avec toi." (L'amour avec toi) Puis Love me, please love me, La poupée qui fait non, Sous quelle étoile suis-je né?... Le génie de la pop française.



LES PLAYBOYS (1966) de Jacques Dutronc. Un million d'exemplaires pour ce premier album. Les playboys, Les Cactus, Et moi et moi et moi, La fille du père Noël... Lanzmann-Dutronc à leur top. Pour des chansons qui n'ont pas pris une ride. Inimitable.



SUPPLIQUE POUR ÊTRE ENTERRÉ À LA PLAGE DE SÈTE (1966) de Georges Brassens. Le onzième ouvrage de Brassens contient l'une des chansons les plus impressionnantes qui soient (Supplique pour être enterré à la plage de Sète) plus un autre chef-d'œuvre : La non-demande en mariage. Assez pour figurer dans ce palmarès.



JULIEN CLERC (1968) de Julien Clerc. Incroyable comme le talent émergeait tôt à cette époque; les artistes atteignant l'eldorado dès leurs premières chevauchées. Porté par La cavalerie et sa formidable fraîcheur, ce 33 tours recèle d'autres trésors comme Ivanovitch ou Yann et les Dauphins. Ainsi surgissait à l'âge de 21 ans l'une des voix les plus singulières de la chanson française. Respect.



JE SUIS DIEU (1968) de Gérard Manset. Quel album choisir chez Manset? Peut-être le premier, pour son titre prophétique, et parce qu'il contient la chanson fondatrice de son œuvre, Animal on est mal. La vedette la plus culte, la plus mystérieuse, et l'une des plus intègres du paysage francophone.



LE MÉTÈQUE (1969) de Georges Moustaki. Dix ans après avoir écrit Milord pour Édith Piaf, Moustaki enregistre une chanson que vient de lui refuser Serge Reggiani, Le Métèque. Ce sera un triomphe (#1 du hit parade). L'album propose d'autres pépites comme Le temps de vivre, Joseph ou Ma solitude. Plusieurs disques suivront qui berceront les années 70-80 d'irrésistibles odes à la paresse...

Baptiste Vignol