Back in the 90'

Après le florilège des années zéro paru récemment ci-dessous, voici 11 autres vieux albums essentiels (pourquoi 11? parce que) siglés fin de millénaire. Vive les années 90 !


TU M'AIMES-TU (1990) de Richard Desjardins. Un disque-balise écrit par un porte-parole majuscule de la chanson québécoise, digne héritier des poètes indépendantistes Félix Leclerc et Gilles Vigneault, délivreurs de conscience et d'identités. Quand ton corps touche, Nataq, ...Et j'ai couché dans mon char, chansons claires comme de l'eau. Sans parler de Tu m'aimes-tu ("Ton dos parfait comme un désert/ Quand la tempête a passé sur nos corps/ Un grain d'beauté où j'm'en vas boire..."), ni de Quand j'aime une fois j'aime pour toujours popularisée en France par Francis Cabrel. Avec Richard Desjardins, l'aube des années 90 prenait un timbre délicieusement rocailleux.



PARIS AILLEURS (1991) d'Étienne Daho. L'album new-yorkais de Daho, au meilleur de sa forme, lascif, noctambule, ambigu, up tempo. "Daho/ M'avez-vous déjà vu quelque part/ Rafraîchissez-moi donc la mémoire/ Extasié devant une toile de Wintzen à Rome/ Londres ou Rennes vous m'appeliez Étienne..." énonce-t-il dans Des attractions désastre. Une collec de tubes essentiel pour qui eut 20 ans cette décennie-là. "Et tu viens avec moi faire l'avion ?" Lumineux.



FOUS À LIER (1992) des Innocents. Quand la pop hexagonale n'avait pas à rougir face aux productions anglo-saxonnes. JP Nataf et Jean-Chistophe Urbain lâchaient là quelques bombes indémodables : L'autre Finistère, Un homme extraordinaire, Mon dernier soldat... Les Zinos étaient simplement le groupe français plus doué des années 90, et de loin. Victoire de la Musique, Bus d'acier, disque d'or, tournée à guichets fermés. Un triomphe.



C'EST DÉJÀ ÇA (1993) d'Alain Souchon. Forcément ! Comment un album contenant l'hymne de la décennie, Foule sentimentale, mais aussi, tenez-vous bien, L'amour à la machine, l'incisif C'est déjà ça, Les Regrets ou bien encore Sous les jupes des filles pourrait ne pas figurer dans ce Top 11 ?
Le chef-d'œuvre de Souchon. Qui nous ferait presque regretter les années Balladur.



LA MARMAILLE NUE (1993). Tout commença au Tourtour, petit théâtre parisien où chaque soir le public s'épaississait pour écouter en prière un rockeur âgé de 30 ans à la poésie disons impudique. Puis ce fut très vite le succès (disque d'or), les éloges critiques, la reconnaissance médiatique teintée d'une sincérité dérangeante. Ne serait-ce que pour C'est pas du gâteau, cet album mérite sa place dans la play list idéale des années 90.



PROSE COMBAT (1994) de MC Solaar. Un disque de rap parmi les plus beaux albums de la Variété ? Oui, car la diction de Solaar y est si fluide qu'elle en devient presque chantée. Rien n'est daté dans PROSE COMBAT, album truffé de tubes dont l'imparable Nouveau Western, qui s'appuie sur un sample du Bonnie & Clide de Gainsbourg. "On dit Gare au Gorille, mais gare à Gary Cooper..." Rimes, ironie, beat, vocabulaire, références, inspiration... Tout ici frôle la perfection. Un Everest, indépassable dans le genre.



BOIRE (1995) de Christophe Miossec. C'est avec BOIRE que Christophe Miossec s'est fait connaître comme on enfonce une porte. Écorché, de gauche et charnel, Miossec s'impose d'entrée avec un disque considéré comme l'élément fondateur d'une énième Nouvelle chanson française. Il y a du Brel chez Miossec : "Regarde un peu la France/ C'est magnifique, non, cette torpeur/ Tous ces anciens de l'adolescence..." La preuve qu'il n'y a pas plus de Nouvelle chanson française que d'humanité chez Éric Besson, mais une expression ancestrale en permanente évolution.



ÇA S'PEUT PAS (1996) de Clarika. En parlant de SNCF (de Soit-disant Nouvelle Chanson Française), on ne peut pas ignorer Clarika, la grande sœur des Elles, de la Grande Sophie, de Nina Morato - avant Camille, Jeanne Cherhal, Emily Loizeau, ces frondeuses qui, bien que peu exposées, drainent un public exigeant. Si chaque chanson de ÇA S'PEUT PAS mérite d'être écoutée, il en culmine une formidable... Ça faisait : "T'es beau comme garçon/ Mais y a tant d'air dans ta tête/ Qu'on peut y faire de l'avion, la la la la la" (T'es beau comme garçon). Souvenirs, souvenirs.



AU MILIEU DU GRAND NULLE PART (1997) de Pierre Schott. Dix morceaux magnifiques chantés par l'auteur-compositeur français le plus injustement méconnu. Contemplatif, nonchalant, mélancolique, apatride, cet album de Pierre Schott ne déparerait la discothèque d'aucun fan de Gérard Manset et/ou de J.J. Cale. "Des chansons en forme de chaise longue et des rêves de cambrousse intercontinentale" selon Pierre Schott lui-même. Indispensable.



FANTAISIE MILITAIRE (1998) d'Alain Bashung. S'il fallait n'en garder qu'un, serait-ce celui-là? Tout a été dit, écrit, disséqué sur FANTAISIE MILITAIRE. Mais c'est toujours la même émotion quand on le ré-écoute. Quelle chance ont ceux qui ne l'ont encore jamais entendu et vont le découvrir ! Adamantin.



MUSTANGO (1999) de Jean-Louis Murat. L'album américain du cul-terreux auvergnat. Dix ans après CHEYENNE AUTUMN, Murat prouve, s'il en était besoin, qu'il est bien le John McEnroe de la chanson made in France. Il écrit facile, joue facile, chante facile, d'une voix vaporeuse, érotique, et s'indigne (en promo) tout aussi tranquillement, sûr de son art, de son instinct. De l'interminable, mais ô combien envoûtant Nu dans la crevasse au mélodieux (voire folklorique) Mont Sans-Souci, tout incite à dire: Chapeau bas.

Baptiste Vignol