Voilà dix-sept ans, depuis la sortie de son premier
album en 2001, que les chansons de Bertrand Louis accompagnent celles et ceux
qui connaissent sa voix grave, musicale et tranchante. Après la poésie hyper contemporaine de Philippe Muray auquel le
compositeur a consacré un disque en 2013 (SANS MOI, primé par l’Académie Charles Cros), Bertrand Louis s’attaque à Baudelaire !
Avec un panache salutaire. D’une dizaine de chefs-d’œuvre extraits du recueil Les Fleurs du Mal paru en 1857, Bertrand
Louis a fait des chansons d’aujourd’hui. « Ce projet n’a pas d’autre
dessein que de remettre un peu d'essence dans le moteur
baudelairien », explique le chanteur. Pari gagné. Haut la main. Car par-delà
toute espérance, Bertrand fait des souffrances de Baudelaire une projection
actuelle, d’un bleu azur métallisée. En grec ancien, « L’Héautontimorouménos »,
qui se niche au cœur du CD, signifie « bourreau de soi-même ». Tout
un symbole puisque Bertrand Louis, dont la voix n’a jamais paru aussi profonde
et généreuse, confronte avec éclat la légèreté presbytérienne d’une harpe (la
lyre antique) aux grognements basiques du rock (basse, batterie, guitare
électrique). Surgit alors de ce cocktail étonnant l'univers post-punk de Joy
Division, de Bauhaus, des premiers Cure et de Nick Cave... Sans oublier l’ombre
sensuelle du père Gainsbourg dans l’élégance qu’a Bertrand Louis de mordre les
syllabes. Dans cet assaut plein de fièvre, « Elévation », sur les
mots duquel Bertrand Louis surfe avec une grâce désinvolte, a tout du single radiophonique, hypnotique,
obsédant. Et « L’invitation au voyage », ce classique absolu, jouit
ici d’une robe si légère qu’elle parvient à mettre en relief ses formes rondes
et parfaites ! Avec cet album de rentrée, Bertrand Louis accomplit un véritable
coup de maître qui l’inscrit tout de go parmi les grands œnologues du Poète.
Baptiste Vignol