Une île où il fait beau la nuit









Quel point commun réunit Popa Chubby, Jeanne Cherhal, Tiken Jah Fakoly, Joeystarr, Neneh Cherry, Ayo, Patrice et, disons… Rachid Taha? Ils se sont tous déjà produits au Sakifo festival de La Réunion.
Avec la saison des beaux jours, s’en vient le carrousel des grand-messes rock’n’roll; Francofolies (de La Rochelle, de Montréal), Vieilles Charrues (Carhaix en Bretagne), Paléo festival (de Nyon), Eurockéennes (de Belfort) étant même maintenant, dans l’esprit de chacun, associés aux collectivités qui les soutiennent. D’ailleurs, aucune mairie ne cesserait de soutenir un événement qui met sa commune en lumière, génère une économie substantielle et ravit la population locale et les vacanciers!
L’île de La Réunion est connue pour ses paysages, ses randonnées, la beauté festivalesque de ses cirques et son intense activité volcanique. Il n’est pas impossible qu’elle profite un jour, par ricochet, et jusqu’en lointaine “métropole”, du succès populaire du Sakifo de Saint-Pierre, ce rendez-vous musical s’étant déjà imposé comme la plus importante manifestation culturelle de l’océan Indien.
Assise au bord d’un lagon, Saint-Pierre prend la forme d’un amphithéâtre déployant ses rues parallèles sur le versant de la montagne. Où que l’on soit dans cette cité balnéaire, le spectacle de la mer le dispute à celui du Piton des Neiges qui culmine à 3069 mètres d’altitude.
Quand l’été chauffe l’hexagone, c’est l’hiver austral dans les Mascareignes. Les alizés soufflent, mais la température de l’eau avoisine les 24°. Et les baleines passent au large de Saint-Pierre... Sitôt le soleil couché, les vents retombent et l’on s’enchante, au clair de lune, de cieux véritablement féeriques. Parfois, “l’azur phosphorescent de la mer des Tropiques” illumine si bien l’horizon qu’on croit apercevoir, montant de l’océan, les étoiles nouvelles dont rêvaient les Conquérants de Hérédia. Une île où il fait beau la nuit*!
Du 6 au 10 août 2008, sur le sable de la Ravine Blanche, à deux pas du lagon, des artistes aussi captivants que Dionysos, Cocorosie, The Do, Bumcello, Brisa Roché, Keziah Jones ou Lo’Jo vont se succéder en plein air, au milieu des grands filaos qui longent le bord de mer. Cette programmation éclectique, on la doit à un illuminé, un bâtisseur passionné, Jérôme Galabert, qui s’est dit, en dépit des difficultés dûes à l’éloignement: “Je vais le faire”.
Depuis cinq ans, il organise, à 9000 km de Paris, malgré des frais d’approche exorbitants, et la frilosité de partenaires institutionnels qui ne semblent pas avoir tous pris conscience de l’enjeu touristique que représente le Sakifo, une manifestation d’envergure et de qualité qui n’a rien à envier aux “gros” festivals européens. L’occasion, qui plus est, pour Firmin Viry, Danyèl Waro, Lo Griyo, Nathalie Natiembé, Davy Sicard ou Zong (qui incarnent l’identité réunionnaise dans ce qu’elle a de plus métissé, de l’ancestral maloya aux beats électro de Yann Costa) de recevoir des confrères musiciens du monde entier, de leur révéler l’âme créole et de jouer à domicile, dans un cadre idéal, devant un public insulaire en quête de sensations et de découvertes.
L’osmose est si particulière qu’ils sont nombreux à vouloir revenir, certains pour des collaborations artistiques (Nathalie Natiembé avec Bumcello, Émilie Loizeau avec Danyèl Waro)! La Réunion porte alors bien son nom. Quant au festival Sakifo, il en est une illustration concluante.

Baptiste Vignol

* d’un autre poète, Vincent Witomski.

Le site du Sakifo