L'or de l'Olympe



Comment une sportive peut-elle devenir une des plus grandes championnes de tous les temps? On ne sait pas trop évidemment. Si une recette existait, on compterait ici-bas un nombre effrayant de «plus grands champions de tous les temps »… Ceci dit, celle qui fut désignée «Nageuse de l'année 2007 » possède probablement les clefs pour en devenir une.
C'est une athlète d'exception et on la plaint bien sûr après l'échec humiliant qu'elle vient d’essuyer à Pékin. Mais tout supporteur raisonnable et néanmoins fougueux de la belle (j'en suis !!!) est obligé de reconnaître qu'aujourd'hui, Laure Manaudou possède un nouvel atout. Insouciante et ultra-légère lorsqu'elle coiffa ses lauriers aux Jeux d’Athènes en 2004, au point d'avouer naïvement, du haut de ses 17 ans : «Je ne me rends pas compte de ma performance », elle réalise maintenant, punie, mais mâture, l’incroyable auréole que représentaient ses titres et ses records.
Du coup, même si un inévitable ras-le-bol l'amène à ne rien désirer d'autre qu'un break, elle risque fort, en championne, de se relever. Avec en plus de ses aptitudes naturelles, la conscience aiguë du travail qu'il va lui falloir fournir, et puis l'envie d'en découdre ! De se venger de ces Jeux foireux.
En la voyant pleurer après sa défaite sur le 200m dos et balbutier qu'elle ne savait pas si ça valait la peine de continuer, le supporteur raisonnable mais néanmoins fougueux fut d'abord pris de compassion, mêlée d'un certain agacement face à l'acharnement télévisuel qui consiste à zoomer sur les larmes de l’égérie déchue. S'ensuivit un court accès de colère devant l’indiscipline de la star en péril. Puis vint cet élan d’espoir qui nous autorise à concevoir de glorieux lendemains: désormais, en effet, Laure Manaudou sait qu'elle ne doit pas son fabuleux palmarès à ses seules capacités, mais à l’épuisante addition du talent avec le travail. Elle va donc s'y remettre dare-dare, poussée par cette rage qui ne s’acquiert qu’après l’échec.
On lui reproche aujourd’hui son exposition médiatique, ses frasques amoureuses, son indépendance d’esprit et ses contrats publicitaires, mais il faut reconnaître que pour une championne de vingt ans, une telle indocilité suscite une sorte d’admiration (et puis, au moins, elle ne l'ouvre pas à tort et à travers sur n'importe quel sujet sous prétexte qu’elle est un personnage public).
Elle est charismatique, belle et douée. Chez les sportifs de très haut niveau, réunir ces trois qualités n'est pas répandu. Dès qu'elle retrouvera la confiance et la force de trimer avec un coach qui pourra lui parler aussi librement que Philippe Lucas (le côté "aboiement" en moins), elle redeviendra l’incomparable Manaudou. Pour le moment, c’est le cas d’école qu’elle incarne qui stigmatise l’attention : « Voilà ce qui arrive quand on délaisse l'entraînement et qu'on se fait trop confiance… »
Mais une telle personnalité a tout pour se remettre à niveau et intégrer le giron des « plus grands champions de tous les temps ». Après avoir investi les sommets, s’être écroulée, elle se relèvera certainement, grandie par la conviction que le plus beau reste à venir.

Jeanne Cherhal