Quarante ans que Claude François, la
plus grande star de la chanson française des années 70, s’est éteint, foudroyé
par sa maniaquerie. Il n’avait que 39 ans, et comptait, en seize ans de
carrière à peine, quinze albums et quelques 300 chansons, dont une trentaine de
tubes. Plus qu’aucun autre chanteur de cette époque, Claude François demeure,
quoi qu’en pensent ceux qui trouvent très chic de le détester, à la pointe de
l’actualité puisque trois ou quatre de ses succès sont encore joués dans les discothèques de province et
viennent égayer tous les mariages du pays. « La lumière du phare d'Alexandrie / Fait naufrager les papillons de ma
jeunesse… » Depuis le 11 mars 1978 (ce jour-là, le soleil brillait sur
Paris), tous les dix ans, des millions de Français fêtent Cloclo, à l’unisson.
D’ailleurs, le phénomène se prolongera tant que ne seront pas morts ceux qui
l’ont connu de son vivant, vu danser à la télévision, Roi-Soleil parmi ses
Clodettes, virevoltant dans des chorégraphies plus que parfaites. Nul n’a
jamais fait aussi léché depuis.
Mais cet anniversaire semble aujourd’hui
être l’occasion pour certains, qui ont pourtant déjà tout dit (au premier rang
desquels Fabien Lecœuvre qui, boudiné dans son costume bleu, la chemise trop ouverte, donne toujours l’air de sortir de chez le coiffeur), de forcer sur la ficelle. Au point d'en devenir grotesque. Obligeant même certains
intimes de l’artiste à s’indigner. On apprend donc ici que Claude François ne
serait pas mort dans sa baignoire mais assis sur un tabouret, incapable de
parler, tétanisé, cherchant encore, car c’était plus fort que lui, n’est-ce
pas, à donner un ordre à Kathleen, sa fiancée… On apprend là que le chanteur,
dont l’attirance pour les adolescentes ne faisait aucun mystère puisqu’il s’en
expliquait lui-même à la télévision dans des déclarations ahurissantes, mais
d’une autre époque, eut, en 1976, une fille avec une fan belge de quinze ans,
qui lui avait juré d’en avoir dix-huit. Et l'on apprend également qu’une gamine
ayant, à l’âge de 14 ans et demi, fait la «playmate» pour le patron de Podium, se souvient maintenant avoir craint, cet après-midi-là, d’être
la proie de son Dieu, dont elle deviendra la danseuse…
« Claude a été très correct. Il m’a
seulement demandé si je voulais être Clodette, j’ai accepté et je suis restée
jusqu’à sa mort. » Alors ? La mémoire a ses mystères, et des
résurgences opportunes.
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C’est avec une rigueur électrique, au
plus près des chansons de l’idole, de sa passion folle pour la musique
américaine, que l'ouvrage «Claude François –
je reviendrai comme d’habitude» (Gründ) survole
en détail et sans complaisance l’abondante discographie, à la lumière du
témoignage de personnalités proches du showman auxquelles on n’avait peu
jusqu’ici, parfois jamais, donné la parole: l’écrivain Gilbert Sinoué,
l’arrangeur Jean-Pierre Sabar, les
paroliers Frank Thomas (Le téléphone pleure) et Jean-Michel Rivat
(Je viens dîner ce soir, Le chanteur malheureux), Jeff
Barnel, l’une de ses premières signatures chez Flèche, l’amie Dani, le complice
Jean-Marie Périer, la chanteuse Patricia Carli qu’il embaucha comme directrice
artistique, le compositeur et frère d'armes Jean-Pierre Bourtayre… Richement illustré de belles photographies rares, ce livre de 320 pages puise ses
informations dans les interviews données par la star à Denise
Glaser, Pierre Tchernia, Philippe Bouvard ou Michel Drucker, de février 1963 à mars
1978, et dans quelques biographies captivantes signées par son épouse Janette
Woollacott («Claude François, les années
oubliées»), par Isabelle Forêt («Claude François, nos enfants et moi»), par sa compagne finlandaise Sofia
Kiukkonen («Ma vie avec Claude François»),
par sa sœur Josette Martin («Claude,
l’histoire d’une revanche»), par son éclairagiste Félix Bussy («Sur la route avec Claude François») et
par son habilleuse Sylvie Mathurin («Un
amour absolu»). Claude François, au plus près de sa vérité, donc. Sans
vouloir faire parler un mort. Ni le juger. A tout prix.
Baptiste Vignol