Qu'il marche à l'ombre



«Pendant ce temps à Istres la Censure est en marche», s'indigne Bertrand Cantat sur Facebook, déplorant que plusieurs concerts de sa tournée soient annulés suite aux pressions exercées par des citoyens en colère. Connait-il seulement l’acception du mot « censure », cet homme pour qui l'amour se clame à coups de poing? « Action de reprendre, de critiquer les paroles, les actions, les ouvrages de quelqu’un. » Donc, oui, la censure est en marche, et pourvu que ça dure. A quoi s’attendait-il en sortant un nouveau disque en décembre 2017 ? S’imaginait-il, la tête farcie par sa mégalomanie maladive, qu’à l’image des Inrocks, tous les médias du pays le traiteraient en héros romantique? Qu’il pourrait reprendre sa carrière, comme si de rien n’était? Parader de ville en ville, jouer les rockeurs humanistes... Et, tiens, pourquoi pas, se pointer un jour, plein de morgue, aux Victoires de la Musique afin d’y être honoré comme il l'était jadis lorsque, grand donneur de leçons, un an avant de tuer Marie Trintignant, ce révolutionnaire de pacotille concluait ainsi sa missive, lue à voix haute – et avec quel contentement de soi – au président d’Universal, Jean-Marie Messier: « Sache que si tes pilules sont trop amères, tu trouveras d’autres que nous pour les faire passer […] et que si nous sommes tous embarqués sur la même planète, on est décidément pas du même monde. » Bertrand Cantat veut chanter, c’est son droit, dit-il, et se faire applaudir. C’est aussi celui des Français de crier plus fort que lui, pour qu’il se taise. Et marche à l’ombre.

Baptiste Vignol