Isabelle Aubret. Sa voix séraphique, comme l’écrit Alister pour parler, dans Schnock, de son interprétation de la chanson C’est ainsi que les choses arrivent, musique de Michel Colombier, texte de Charles Aznavour, dans le générique final d’Un flic de Jean-Pierre Melville. Voix d’ange ou de sirène, scandaleusement ignorée par les tenants du bon goût qui, n’ayant jamais écouté CASA FORTE, son 33 tours culte de 1971 dans lequel elle s’abandonnait au souffle de la bossa brésilienne, n’ont qu’Édith Piaf, Juliette Gréco et Nana Mouskouri à la bouche pour évoquer les immenses interprètes féminines de la chanson francophone.
CASA FORTE
Et pourtant, Isabelle Aubret, quelle carrière! Trente et quelques disques pour servir avec amour et suavité Aragon, Ferrat, Brel, Mouloudji ou Michel Legrand... Son dernier album, ALLONS ENFANTS, date de septembre 2016. C’est un bijou. Taillé sur mesure par Claude Lemesle aux paroles, Jean-Pierre Bourtayre et Roland Vincent aux musiques (ces trois-là s’y connaissent en succès populaires, parfaits et indémodables), mais aussi par Michel Rivard, Georges Chelon et Jean-Max Rivière, l’homme qui écrivit La Madrague pour Bardot, Il suffirait de presque rien pour Reggiani, L’Amitié pour Françoise Hardy. Dix-huit chansons le composent, pleines de sens, de larmes et d’émotion, de nostalgie souriante et d’espérance folle: « Il faut vivre d’amour, d’amitié, de défaites, / Donner à perte d’âme, éclater de passion / Pour que l’on puisse écrire à la fin de la fête / Quelque chose a changé pendant que nous passions »… Mais ce qui marque d'abord, c’est la voix claire d’Isabelle, son sourire qu’on devine et ses pensées qui s'entendent derrière chaque phrase de chaque chanson. La marque des très grand(e)s.
Baptiste Vignol